Bourges possède la plus belle
cathédrale du monde ou peu s'en faut, mais un fait est
moins connu, elle a sans doute le plus grand nombre de monuments
aux morts de notre hexagone. Pourquoi ce poids de l'histoire
est il si présent ? Pourquoi ces édifices en nombre
? Quelle fut leur Histoire.
LES MONUMENTS AUX MORTS DE BOURGES sont représentatifs de cette cité
qui vit beaucoup sur son Histoire et sur le passé, ce
qui peut parfois poser quelques problèmes. Ils sont particulièrement
nombreux et chaque conflit a le sine, on a même une stèle
pour la guerre contre les Anglais en 1436.
Sans remonter à la stèle
qui commémore la " victoire " des berrichons
sur les anglais dans les faubourgs d'Auron en 1436, la cité
de Jacques Cur possède 4 monuments aux morts correspondants
aux derniers grands conflits, sans compter les innombrables stèles
de ce Berry, région ho combien pacifiste, qui fêtent
la gloire des " anciens " ou les pleurent.
- le monument aux morts de la guerre
de 1870, c'est une sculpture de
l'Homme Taureau, dont l'inauguration
a posé pas mal de problèmes. Il faut dire que cette
guerre a laissé des traces avec en particulier avec les
combats de Juranville.
- le monument aux morts de la Grande
Guerre, place Verdun, c'est le "grand monument de la
ville".
- le monument aux morts de la Résistance,
dont l'inauguration fera l'objet de difficultés majeures
entre les forces politiques.
- le monument aux morts de la guerre
d'Algérie, qui est situé proche des Pré
Fichaux, il a été fait par Jean Marie Nunez.
La visite commencera par
le monument aux morts de la guerre de 1870, c'est une sculpture
représentant un gaulois debout et puissant, dont l'inauguration
a posé pas mal de problèmes. Puis, le monument
aux morts de la Grande Guerre, place Verdun, c'est le "grand
monument de la ville". Ensuite, le monument aux morts de
la Résistance, dont l'inauguration fera l'objet de difficultés
majeures entre les forces politiques de l'époque, et enfin
le monument aux morts des combattants d'Afrique du Nord érigé
en 1998.
le monument
aux morts de la guerre de 1870
Le fait de se présenter comme une
cité militaire implique pour Bourges, la commémoration
des grands événements de guerre du passé.
Ce sera le cas du monument dressé pour le souvenir des
combats des soldats berrichons de la guerre de 1870. Ce fait
d'arme du régiment berrichon du 19e des Mobiles du Cher,
évoque les combats contre les Prussiens à Juranville,
au cours desquels le commandant Martin sera tué. Et ce
monument deviendra l'objet d'un scandale !
Comme souvent en Berry, le manque de crédit ne permet
pas de dresser un édifice aussi grandiose que l'auraient
voulu les initiateurs du projet, une composition avec de multiples
personnages, se réduit à une seule statue que certains
appelleront " l'Espoir " et d'autres " l'homme
taureau ". Elle est inaugurée devant la place Séraucourt
le 2 juin 1907.
L'opposition entre les Berrichons se fait
au travers des journaux locaux. "La Dépêche
du Berry" est foncièrement contre le monument, peut
être plus pour combattre le sculpteur qui est qualifié
parfois de nationaliste et dont l'extrémisme est teinté
d'antisémitisme. Un journaliste écrira : "Le
malheur est qu'aucune municipalité, autre que la municipalité
Ducrot, ne pourra tolérer une pareille verrue sur la place
Séraucourt, et qu'après avoir dépensé
de l'argent pour élever un piédestal à cet
endroit, il faudra en dépenser encore pour le transporter
ailleurs ou pour rentrer la statue au grenier". A l'opposé
"Le Journal du Cher" sera un chaud partisan de la statue
de Jean Baffier. On pourra
lire que "Le monument des enfants du Cher est le monument
du vrai patriotisme français. Aucun de ceux qui en furent
témoins n'oublieront le spectacle unique qui se déroula
esplanade Marceau, noire de monde... les vieux soldats avaient
tenu à exprimer leur admiration. Quel frisson parmi les
assistants quand se sont avancés ces vieux, hâves,
la poitrine constellée de médailles...".
Ainsi commence la " guerre " des statues qui dure encore
aujourd'hui.
En effet, sans trop que l'on sache pourquoi, la querelle va rebondir
en
2006. Un journal sur Internet composé d'informations
locales, " l'Agitateur ", conçu par de jeunes
gens, parfois turbulents, découvrent que l'auteur de la
sculpture, Jean Baffier est un personnage peu recommandable,
régionaliste et un peut réactionnaire. Et ils lancent
une campagne pour détruire le monument ! Ils étaient
passé des milliers de fois au pied de la statues placée
sur le chemin du Printemps de Bourges et ne savaient rien
..
Alors la querelle est réanimée avec quelques erreurs
de dates :
mercredi 14 juin 2006
Faut-il déboulonner L'homme-taureau ? par Jean-Michel
Pinon
Sculpteur de la fin du 19ème siècle Jean Baffier
est considéré comme un illustre berruyer. Une rue
porte son nom. Et sa statue de " L'homme taureau "
est fleurie chaque année, le 11 novembre, pour rendre
hommage aux combattants de la guerre 1914-1918. La mémoire
collective locale semble avoir oublié que Jean Baffier
consacra l'essentiel de son uvre à l'exaltation
du nationalisme
Et oui, Baffier était un personnage
situé à ce que l'on appelle " l'extrême
droite ".
Le second monument est inévitable,
c'est celui que toutes les communes de France ou presque ont
édifié dans les années 1920 et suivantes
.
La commémoration des morts de la Guerre de 14, ces valeureux
Poilus qui se sont ou ont été sacrifiés.
Le monument
aux morts de la guerre de 1914- 1918
Dès 1919, un comité se forme
pour l'érection d'un Monument. Le Président en
est Jean Foucrier, il pleure son fils unique. Ce dernier est
tombé quelques jours avant la Victoire. Ce comité
est chargé de recueillir de l'argent. En cette période,
pour honorer leurs morts, les Berruyers ne se font pas prier,
ni le conseil municipal qui vote, sous l'impulsion de Laudier, une subvention d'une valeur
de 500 000 francs.
La recherche d'un sculpteur ne sera pas facile, mais un homme
se détache ; c'est un artiste né à Saint-Amand
; il commence à avoir plusieurs commandes de la part des
communes du Cher pour ce type de composition, et cet homme, Emile Popineau est choisi.
Le monument est important, en pierre taillée,
il représente des "Poilus", dont l'un, placé
à droite, semble "satisfaire un besoin naturel",
Popineau était-il un grand réaliste ou un humoriste
? nul ne sait. Le choix du lieu ne posera aucun problème...
dans un premier temps, l'oeuvre est placée en face de
l'Abbaye Saint-Ambroix, juste devant ce qui deviendra dix ans
plus tard, le Jardin des Prés-Fichaux. A cet emplacement,
aujourd'hui, a été placée une table d'orientation.
L'inauguration du Monument aux Morts va se dérouler dans
toute la solennité due aux victimes de la guerre, le 29
mars 1925. L'ensemble de la population sera présente.
Depuis cette date, le Monument de Popineau a été
déplacé, car le sol était mouvant, compte
tenu de la proximité des marais; et la pierre, c'est lourd
! Mauvais présage diront certains. En final c'est pierre
par pierre que les poilus de pierre seront déplacés
de 50 mètres dans ce qui est aujourd'hui le prolongement
de l'avenue Henri Laudier, face à la gare.
Et après ce monument essentiel, avec la fin de la seconde
Guerre mondiale se profile une nouvelle composition.
Le monuments
aux morts de la Résistance
La Place du 8 Mai 45, est située
à l'entrée Sud de Bourges, à deux pas de
la Maison de la Culture. Sur le rond point de cette Place, se
dresse un monument intitulé " La France rompant ses
chaînes". C'est la dernière oeuvre du sculpteur
"officiel" de la Ville de Bourges de cette époque
: Emile Popineau. Celui du monument au mort de 14/18.
Dans l'après-guerre, Popineau, le
sculpteur de Saint Amand vivait et travaillait principalement
à Paris. Il va gagner le concours entre plusieurs artistes,
pour l'érection de ce monument commémorant la Résistance.
A l'origine, il s'agissait d'une initiative de la Ville de Bourges,
et des Comités locaux de la Résistance qui voulaient
honorer les Résistants, ainsi que les victimes du nazisme.
Le Monument prévu devant être le pendant sur le
sud, de celui des poilus situé au nord et.... lui aussi
de Popineau.
La maquette de Popineau représente une femme, un peu lourde,
mais au regard dur et énergique, elle a le masque des
souffrances endurées. Derrière la statue, deux
grandes ailes s'élancent vers le ciel.
Avec cette dernière oeuvre, et de manière bien
involontaire, Emile Popineau va déclencher une belle polémique.
En effet, derrière la statue principale, il y a une croix
de Lorraine, elle symbolise la Résistance. Mais nous sommes
en 1949, cette croix est encore acceptée par tous.
Deux ans plus tard, cette même croix est devenue le symbole
d'un parti politique, le RPF. Certains mouvements de Résistance
ne se reconnaissent pas dans ce symbole, en particulier ceux
d'obédience communiste. Ces derniers vont boycotter l'inauguration
officielle du Monument, le 8 mai 1951, en présence d'un
ministre, Monsieur Louis Jacquinot. Des forces de l'ordre s'interposent
entre les bélligérants
..
La querelle sera dure, parfois odieuse. Un conseiller Municipal
ne dira-t-il pas: " On ne peut même pas retirer
la Croix de Lorraine sculptée, le sculpteur est mort...
". C'était vrai, Emile Popineau s'était
éteint 5 semaines auparavant, à Paris, victime
de la silicose, cette maladie des sculpteurs.
Dernier grand monuments aux morts de Bourges,
après 1970, 1914, 1939
c'est la guerre l'Algérie
qui a le sien où plutôt, des morts dans les conflits
d'Afrique du Nord.
le monument
aux morts de la guerre d'Algérie
Depuis de longues années, les associations
d'anciens combattants de la guerre d'Algérie demandaient
à la ville d'ériger un monument à la mémoire
des anciens qui s'étaient battus et furent tués
dans ce qui s'appelaient à l'époque " les
événements d'Algérie ".
C'est avec une souscription départementale et l'aide des
pouvoirs publics que fut érigée en 1998, ce monument
réalisé en granit noir d'Afrique par l'entreprise
Blavier-Deslandes suivant une conception de l'architecte et pied-noir
devenu berrichon Jean Marie Nunez.
Un symbole fort qu'explique avec beaucoup
de fougue, M. Nunez :
" c'est la représentation
de la Tunisie, du Maroc et de l'Algérie avec trois blocs
de granit noir, posé sur du sable symbolisant le Sahara.
Puis, deux colonnes, l'une en granit noir, l'autre en granit
blanc pour symboliser les deux parties de la Méditerranée,
et elles sont surmontée de deux mains, pour le rapprochement
et la paix. "
Et devant une troisième colonne,
gallo-romaine retrouvée dans le Cher, et symbolisant le
les migrations vers l'Europe et l'Afrique. Et le concepteur poursuit
ses explications, sur ce monument de la paix, dédié
en fin de compte à " la mémoire des enfants
du Cher morts pour la France en Afrique du Nord de 1952 à
1962 ".
Ainsi ce termine cette ballade dans l'Histoire
nationale et locale en souhaitant que ces monuments soient les
derniers de ce type !