L'ENCYCLOPEDIE DE BOURGES
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SURVOL DES INDUSTRIES D'ARMEMENT A BOURGES
Par Roland NARBOUX

Bourges, et un survol des industries d'armement à partir de 1860.

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Version 2009

 

Le réveil industriel de Bourges va se produire au milieu du XIX e siècle, un peu par le hasard, et c'est à Napoléon III que la ville doit un renouveau assez inespéré. Peu à peu, au fil des décennies, vont s'implanter des industries basées sur l'armement. Un retour aux sources en quelque sorte, puisque les Gaulois d'Avaricum étaient en leur temps d'excellents fabricants d'épées et autres armes à base de fer.

Il y a souvent eu confusion, à Bourges même, dans la dénomination des Etablissements militaires. Depuis un demi-siècle, les noms et sigles, comme la DFA, l'ETBS, l'ABS, le GIAT, la DEFA, mais aussi la SCAN, Aérospatiale et MBDA sont pour le moins confus dans l'esprit de beaucoup et il n'est pas simple de s'y retrouver.

L'ARMEMENT A BOURGES S'IMPLANTEES PREMISSES

A l'origine, il y a une position géographique favorable de Bourges par rapport à Paris. Les autorités pensant que le Berry et Bourges pouvaient constituer une excellente zone de replis. Lorsqu'en 1793, il y eut, en pleine Révolution des tensions à la Convention, pour éviter de subir les pressions de la rue parisienne, plusieurs Conventionnels demandèrent que la Convention, c'est à dire les Députés soient à Bourges et non à Paris.
Plus tard, en 1815, c'est à dire à la fin, Napoléon premier, qui n'est jamais venu à Bourges dira de la ville : "c'est un important centre stratégique".

Cette notion de réduit stratégique va occuper plusieurs hommes politiques à partir de 1830. Deux noms sont à mettre en avant :
- le colonel Marnier, chef de cabinet du ministre de la guerre, originaire de Bourges, il voit cette région du et la frontière de la Loire, comme un bienfait.
- le maire Mayet Génétry, mobilise la population pour avoir le financement d'un polygone de tir. Son objectif est de permettre l'installation à Bourges d'un régiment d'artillerie. Il faut construire un réduit naturel et stratégique au centre de la France disent ces deux hommes.
La municipalité intervient pour le financement, et Bourges, en 1837 se retrouve avec un Régiment d'Artillerie, avec 1400 hommes et 1300 chevaux.

C'est dans le même esprit qu'en 1845, Bourges obtient son dépôt d'artillerie.
Avec l'arrivée du Chemin de Fer (1847), la ville peut progressivement se transformer en un vaste arsenal dans lequel les armées viendraient "s'alimenter en matériel et munitions".

1853, c'est la création du premier polygone de tir, il a 2 Km de long.

Il y a une volonté unanime des représentants de Bourges pour demander au Ministère "l'organisation dans la ville de Bourges d'Etablissements Militaires".

UNE DATE CLE : 1860

La décision d'implanter les "établissements militaires" à Bourges date d'avril 1860.
La première réalisation comprend une Fonderie impériale de canons et les premières pièces sortent de Bourges dès 1867, pour le compte de l'empereur
Napoléon III. La défaite consommée de 1870 transforme l'établissement en fabricant de canons, après avoir ôté le qualificatif d'impérial. C'est au début du siècle que le nom de ABS (Atelier de construction de Bourges) devient familier des Berruyers.

A la même époque lointaine, vers 1870; une Ecole de pyrotechnie s'implante à Bourges en venant de Metz, elle s'appellera l'ECP (Ecole Centrale de Pyrotechnie).

(Les deux entités fusionneront un siècle plus tard, en 1967, pour devenir l'EFAB (Etablissement de fabrication d'armement), lequel, en 1994 s'appelle GIAT (Groupement Industriel des Armements Terrestres), puis GIAT-Industrie.)


A côté de ces entités industrielles, sera crée le 30 décembre 1871, une Commission d'Expérience, laquelle, composée d'une dizaine de personnes, devint permanente et s'installa à Bourges, le plus souvent dans les locaux proches des "établissements militaires".
Au fil du temps, cette commission s'étoffa et vit ses fonctions s'organiser et se préciser. Elle expérimentait les canons, les mitrailleuses, la poudre noire et les fusées de projectiles. Elle utilisait, à son origine, un champ de tir, de 70 hectares, long de 4,7 kilomètres.
C'est le 6 juin 1933 que la Direction des Fabrications d'Armement fut fondée, regroupant à la fois des établissements militaires et la Commission d'Expérience de Bourges qui prit le nom d'Etablissement d'Expérience Technique de Bourges (ETBS). Le Général de Brigade Ygonin en fut le premier directeur.

Dans l'entre-deux-guerres, les "Commissions étaient devenues de véritables laboratoires scientifiques", et elles recrutèrent des "opérateurs instruits", avec le remplacement progressif des soldats par une main d'oeuvre civile. Les moyens techniques de mesures furent mis en place, avec des chronographes, des instruments photographiques de grande capacité. Un radiosondage et un bureau de calculs virent le jour fin 1938.
La difficile période de la guerre se termina par la destruction des installations.

A partir de l'automne 1944, l'ETBS fut reconstruite, et la tâche dura jusque dans les années 1950, sous l'impulsion de l'Ingénieur en Chef Puissan. La mise au point des mortiers de 120, réalisés à l'Atelier de Construction de Roanne commença, à partir des enseignements tirés de l'étude du mortier allemand de même calibre.

La région de Bourges est totalement axée sur l'économie de guerre, la base d'Avord en est encore un exemple frappant.

LES ETABLISSEMENTS MILITAIRES EN 1914-1918

L'accroissement du personnel est considérable dans les fabriques de canons et d'obus de Bourges. A l'Atelier de Construction, il y a 729 employés au début du conflit, ils seront 8376 à la fin de la guerre. De même, la Pyrotechnie comprenait 1619 spécialistes des explosifs en 1914, ils seront 12 500 quelques mois plus tard.
A la Pyrotechnie, les bâtiments et installations de production existants furent utilisés au maximum de leur capacité. Mais très vite, ils devinrent insuffisants, on adjoignit deux grands ateliers de chargement des munitions ainsi qu'un atelier pour produire le fulminate. Entre le début et la fin du conflit, les surfaces se trouvèrent multipliées par 5 !
Il en fut de même à l'Atelier de Construction, on édifia à la hâte, des ateliers d'usinage, mais aussi des magasins, des quais et même une usine d'alimentation en eau. Les surfaces occupées furent multipliées par 3 entre 1914 et 1918.

Les canons sortiront à grandes cadences, le 65 mm de montagne, le 155 mm Rimailho, et enfin le 155 GPF du Colonel Filloux. Ce dernier sera utilisé sur le front à partir de 1917 , il figure parmi les armes qui furent décisives pour la victoire. Les cadences de travail sont importantes, on travaille 24 heures sur 24, et journalièrement, il sort de Bourges, 40 canons de 75, il en sera produit au total plus de 3000 exemplaires.
Les voisins de la Pyrotechnie avaient les mêmes préoccupations, la plupart des munitions de l'Artillerie et de l'Aviation sortiront de cet Etablissement qui était passé, en surface, de 20 à 300 hectares. Les chiffres donnés pour les productions de cette époque sont vertigineux.


En 1918, la production journalière atteignait :
80 000 cartouches de 75
40 000 fusées diverses
700 kilogrammes de fulminate de mercure.

En 1917, il y aura plus de 23 000 personnes, logées pour beaucoup aux Bigarelles. La ville de Bourges atteint alors le chiffre considérable de 100 000 habitants. (Bourges pendant la Guerre, C.G. Gignoux)

LA BASE D'AVORD

La base d'aviation d'Avord située à 20 kilomètres de Bourges n'avait que 2 ans d'existence à la déclaration de la guerre. Elle va devenir le plus grand centre européen de formation de pilotes.
Dans une publication, le Capitaine Morgat a parfaitement traité cette période relative à la naissance d'Avord. C'est par la volonté du Président de la Chambre de Commerce, le banquier Albert Hervet, aidé du Prince d'Arenbert, que se constitue un dossier visant à installer une école d'aéronautique dans le département, et cela dès 1910. Les autorités locales du Cher, le 12 mai se mettent d'accord pour soumettre un dossier au ministère afin que le Camp d'Avord devienne, en plus d'une garnison d'infanterie, un champ d'aviation.
Tout se jouera lors d'une visite impromptue à Avord du Ministre de la Guerre, Millerand, accompagné par le Chef d'Etat Major, Joffre. Ils sont venus assister à des tirs d'obus à la mélinite, et, sur leur lancée, ils vont visiter le site d'Avord. Quelques temps plus tard, Avord devient la 9e école d'aviation en France.

Pendant la guerre de 1914, la base se structura ; il y aura jusqu'à 1300 avions en permanence, 1000 élèves pilotes et 3000 mécaniciens. Ces chiffres sont éloquents. Tous les "as" de la guerre sont passés par le Cher : Guynemer, Nungesser, Bourgeade, Haegelen, Fonck et beaucoup d'autres.

LA DIFFICILE RECONVERSION DE L'APRES-GUERRE

L'activité industrielle principale de Bourges avait été consacrée depuis 4 ans à une intensive production de guerre. Mais comme il s'agissait de la "der des der", il n'était plus nécessaire de "sortir" des munitions et autres canons. La reconversion de milliers de travailleurs devenait nécessaire.
Dès la fin des hostilités, les syndicats se mirent en avant pour empêcher les licenciements. Ils demandèrent la transformation immédiate des Etablissements Militaires en Office Industriel. L'idée qui prévaut est alors de mettre 3000 ouvriers à l'entretien des machines et bâtiments ; quant aux autres, la fabrication de matériel de chemin de fer et de machines agricoles pourrait occuper 12000 personnes.
A partir de janvier 1919, la tension commence à monter. Toute la population est inquiète, les ouvriers bien sûr, mais aussi les commerçants qui voient avec frayeur la baisse de leur chiffre d'affaire. Au cours d'une grande réunion syndicale rassemblant plus de 8000 personnes, il est demandé :

"Qu'au travail de guerre pour lequel ils ont été créés, succède immédiatement le travail de paix dans ces établissements supérieurement agencés et outillés pour toutes sortes de production... Ils réclament avec énergie la continuation de leur exploitation par l'Etat".
Lorsque des visites de responsables de l'industrie privée comme Citroën ou Schneider, viennent en mission afin d'examiner le parc machines qu'ils pourraient acheter, c'est la révolte à la fois des syndicats et des hommes politiques. Laudier et Hervier vont se dépenser sans compter pour qu'aucune machine ne soit démontée et envoyée sous d'autres cieux.

Les marchés des Etablissements Militaires vont comporter quelques éléments de wagons et de matériel agricole, mais cela ne donnait plus du travail pour des milliers d'ouvriers. Le ministre de la Reconstruction industrielle recevra les désidérata des syndicats et de la population de Bourges, mais il ne voit une solution que dans l'activation des affaires civiles, qui sont lentes à mettre en oeuvre, il écrira :
"la congestion de certains centres qui, dans l'état de production de guerre, avaient dû recevoir une population tout à fait hors de proportion avec celle qu'ils pouvaient normalement absorber, je cite, par exemple, la ville de Bourges".

La Pyrotechnie se mit à réparer un millier de wagons, alors que l'Atelier de Construction "végète dans un marasme à peu près complet" dira Gignoux, seront produits environ 1500 chariots de culture en 1920.
Cette situation ne pouvait pas continuer ainsi ; Laudier, en bon gestionnaire qu'il devenait, trouvait que "la principale difficulté que rencontraient les établissements d'Etat pour s'adapter à la vie industrielle moderne provenait de la sujétion administrative à laquelle ils sont soumis".

Dans un projet de loi en date du 26 mai 1921, portant le numéro 2-683, Laudier soumet à la Chambre des Députés un texte pour placer la gestion "des établissements constructeurs de l'artillerie" à un Conseil Central composé par tiers de représentants de la production dont la moitié serait désignée par le personnel. Un second tiers rassemblerait les représentants des consommateurs ; enfin, le dernier tiers serait formé des représentants des Pouvoirs Publics. C'est ce Conseil qui nommerait les dirigeants de l'entreprise. L'Office aurait un budget autonome et pourrait faire des bénéfices, lesquels seraient distribués à l'Etat et aux oeuvres sociales de l'Etablissement. En cas de déficit, c'est l'Etat qui couvrirait les pertes dans l'éventualité d'un fond de réserve insuffisant. C'est sans doute dans cette hypothèse que le projet a quelques failles..... Enfin, l'Office pourrait se procurer des capitaux par l'emprunt à court terme.

Ce projet d'essence très moderniste "bouleverse tous les errements suivis jusqu'à ce jour en France dans les industries d'Etat" selon l'opinion de Gignoux, est accepté par tous les partis. C'est le moyen de sauver l'emploi et d'utiliser les machines-outils, il y a quelque mille tours de toutes dimensions à la fonderie de Bourges.

Mais il est très difficile de reconvertir une industrie de guerre dans les activités civiles. Peu à peu, les effectifs des Etablissements Militaires vont se réduire pour revenir à un chiffre d'environ 3 500 employés, à peine plus important qu'avant-guerre. La population de Bourges revenant pour sa part à une valeur de 45 942 habitants au recensement de 1921, soit 207 de plus qu'en 1911.

La ville de Bourges sort de quatre ans d'épreuve dans un état identique à celui d'avant-guerre, avec toutefois 1475 tués à l'ennemi. La ville n'a pas changé, les foules ouvrières ont quitté les rues sans laisser de trace. La cité ouvrière, une des plus grande de France, est un lointain souvenir ; Bourges n'a pas pu ou su profiter de l'apport industriel de ces années. Elle pourrait retourner à un engourdissement qui lui va assez bien. Un homme va réveiller cette torpeur, c'est son maire : Laudier. Dans des années agitées sur le plan politique, il va transformer la ville. (Bourges pendant la guerre, C.J. Gignoux )


LA GUERRE DE 1940 A BOURGES

L'aéroport était défendu par Marcel Haegelen, le 6 juin alors que l'on annonce à nouveau l'arrivée imminente de 6 bombardiers Heinkel 111, l'As de 1914 prend un avion de chasse Curtiss, et avec deux pilotes polonais, eux aussi à bord de ces avions venus d'Amérique, ils s'envolent à la rencontre des allemands. Au dessus de la campagne, entre Morogue et la Chapelle d'Angillon, Haegelen va abattre un avion ennemi, ce sera son 23e si on compte les 22 de la guerre précédente. Les 5 autres bombardiers s'enfuient.

Les occupants commencent aussi à procéder à des réquisitions tous azimut. Le 24 juin, c'est pour mettre 60 chars à l'abri que des hangars sont exigés. Quelques jours plus tard, des hôtels de Bourges sont réquisitionnés tout comme les cités de l'Aéroport : il s'agit pour les Allemands de loger 500 soldats. Le terrain d'aviation devient très vite une base de bombardiers de la Werhmarch qui s'envolent pour aller jeter leurs bombes sur l'Angleterre.

Parfois Laudier se fâche, lorsqu'il apprend que les cheminées de l'usine de Mazière et de l'usine d'incinération ont été jetées à terre à l'aide d'explosifs par des artificiers allemands, il écrit aussitôt au Commandant militaire une protestation :

" J'ai appris ce 4 juillet 1940, avec une légitime surprise que la Formation Aérienne occupant l'Aéroport de Bourges avait fait sauter la cheminée d'incinération des ordures ménagères, sans même m'en avoir avisé ni officiellement, ni officieusement.
Vous comprendrez, Monsieur le Commandant, que je ne puis laisser passer un tel fait sans élever une protestation aussi ferme que respectueuse que je vous prie de bien vouloir transmettre au haut commandement de la région".

Les Allemands occupent l'Aéroport. Ils s'en servent comme d'une base aérienne, avant de réutiliser l'usine, pour fabriquer des avions : ce seront les Siebel qui sortiront bientôt des chaînes berruyères avec de très fortes cadences. Mais depuis 1928, le terrain de l'Aéroport était un vaste champ, plat sans une vraie piste. Les aviateurs allemands, pour permettre le décollage et l'atterrissage d'avions de plus en plus gros entreprirent de construire une piste en béton. Pour cela, ils vont démolir la ferme de Maupertuis, ce bâtiment gênait les aviateurs. Laudier une fois encore sera mis devant le fait accompli et, une fois encore il protestera. "avec force contre la démolition d'un immeuble communal sans aucun préavis".
En général, Laudier n'a jamais de réponse de ses interlocuteurs, une fois pourtant il en reçoit une. C'était à la suite de la lettre qu'il avait envoyée le 8 mars 1941, au lendemain de la destruction de l'Aérogare de Bourges par les Allemands, cet édifice les gênait. Le Commandant de l'aviation allemand va répondre de manière on ne peut plus cynique :
"L'Aérogare civile de l'Aéroport de Bourges devait être détruit sur ordre par suite de nécessités militaires qui n'est pas annoncé à la Mairie de Bourges. Les frais de la destruction et de déblaiement sont à la charge de la Ville".


LA DECONFITURE DE L'APRES-GUERRE : L'ESAM ET LA SNCAC ?

Il s'agit, après avoir remis en marche l'ensemble des rouages qui permettent un bon fonctionnement de l'administration, de faire redémarrer la vie économique de Bourges. Des nuages apparaissent, chacun a bien conscience que la reconstruction de certaines régions dévastées est indispensable, mais l'industrie d'armement n'est pas dans les priorités du moment. Les difficultés pour le maintien à Bourges de l'Ecole du Matériel, et pour redonner des charges de travail à la SNCAC apparaissent..
Le 16 mai 1946, une importante visite sur l'armement se déroule à Bourges. Le ministre des armées, M. Michelet, accompagné du ministre de l'armement, M. Tillon, vient assister à des expériences sur du nouveau matériel. Les deux hommes politiques se sont adjoints un des militaires français les plus prestigieux : De Lattre de Tassigny.
Dans les discours, chacun affirme que Bourges restera la capitale de l'armement, "les Etablissements militaires continueront de fonctionner, nous chercherons évidemment à augmenter leur activité selon les possibilités". Mais le sort de l'Ecole du Matériel de Bourges est au centre des préoccupations de tous. Monsieur Michelet n'est guère rassurant, puisqu'il dit :
"Quant à l'Ecole du Matériel, la chose n'est pas encore définitivement réglée, il est très probable qu'elle sera transférée à Fontainebleau".

Cela s'appelle une douche froide !

La visite se poursuit, avec des essais sur le polygone de tir. Il s'agit d'expériences sur la perforation des blindages, grâce à un appareil nouveau découvert par un savant allemand et, après une saisie par la 1ère armée française, il a été perfectionné par les ingénieurs français. C'est un nouvel obus à charge creuse, explosant dans le blindage et capable de perforer une épaisseur d'acier de 18 centimètres.

Au cours du repas, les discours vont bon train, et les questions des journalistes concernent plus les relations entre les deux ministres présents, le chrétien et le communiste. Edmond Michelet, dans ses déclarations, signalera qu'aucun conflit ne s'est élevé entre les deux hommes, "parce que notre objectif est de donner à notre industrie française l'occasion et les moyens de participer d'une manière efficace à la réalisation de l'armement français". Et le ministre des armées termine par ces mots :

"Je bois à l'espérance française"

Pour la ville de Bourges, c'est assez rassurant pour l'ensemble des Etablissements Militaires, mais Charles Cochet est inquiet quant au maintien à Bourges de l'Ecole du Matériel.

Du côté de l'usine de fabrication d'avions de la SNCAC, la situation n'est guère brillante. A la sortie de la guerre, la reprise est difficile. Les bureaux et ateliers ont été dispersés dans tout Bourges, et 2678 personnes sont employées dans l'usine.
La réorganisation prend plusieurs voies, sur le plan national, c'est le communiste Charles Tillon qui devient responsable du secteur aéronautique, alors que l'usine de Bourges se donne comme directeur, monsieur Girard, dans des circonstances rocambolesques. Les productions reprennent, et comme il n'y a pas d'avions à construire..... autres que les Siebel allemands, ce sont ces derniers avions qui sortent alors des chaînes d'assemblage, situées à la Halle au Blé.
Pour oublier la triste période, les Siebel subiront quelques modifications et changeront de nom : on les appellera des "Martinet". En même temps, les ingénieurs berruyers, sous la conduite de l'ingénieur Montlaur, étudieront des avions nouveaux comme les NC 820 et 840.
La période qui suit va être un véritable feuilleton qui se terminera par la faillite de l'usine de la rue Le Brix. C'est d'abord la diversification des fabrications. A partir de 1946, alors que l'A.B.S., Atelier de Construction de Bourges, construit des machines à coudre, à la place des canons, et que la Pyrotechnie fabrique des "bancs de jardin", la S.N.C.A.C. se tourne vers les accessoires de cuisine, c'est-à-dire des casseroles, buffets métalliques et autres écumoires.

LA SNCAC REVIT ET MICHELIN ARRIVE....EN PERIPHERIE

Contre toute attente, la S.N.C.A.C. se relève après avoir été "rachetée" par la S.N.C.A.N. (Société Nationale de Construction Aéronautique du Nord). La société entame quelques démarches discrètes pour acquérir certaines parcelles de terrain appartenant à la ville, afin de construire.... c'est un signe encourageant. André Cothenet informe son Conseil Municipal, que la S.N.C.A.N. a "commencé à embaucher 6 invalides, c'est un commencement, et l'usine semble assurée d'avoir des commandes de réparations et de fabrications d'appareils Marcel Dassault".

Ce sont des marchés de réparation qui redonnent des charges à l'établissement de la rue Le Brix. Ce sont les NC 701 et 702, mais aussi des Goélans de chez Caudron. Très rapidement un marché de fabrication sera signé avec Dassault, afin de produire 120 plans centraux de l'avion MD 315, un bi-moteur qui volera sur la base d'Avord jusque dans les années 1980.

Ainsi, petitement mais sûrement, l'usine de Bourges, sous la direction de Raymond Puisségur, recommence effectivement à embaucher, avec une préférence pour les personnes licenciées en août 1949.

Et puis, même dans le monde industriel, il faut de la chance, celle-ci s'appelera Noratlas, un avion-cargo conçu par la S.N.C.A.N. Au milieu de l'année 1952, les premières pièces sortent des ateliers, le Noratlas va voler et il en sera fabriqué 221 exemplaires pendant toute la décennie. L'usine était sauvée et elle allait se développer d'une manière considérable, devenant le premier employeur industriel du département.
Toutes les idées pour relancer l'économie locale sont étudiées, plus ou moins en profondeur. C'est ainsi que la crise du logement incite plusieurs responsables à envisager que la S.N.C.A.N. se mette à faire des maisons préfabriquées. La firme, avec sagesse, restera dans l'aéronautique, puis dans les missiles.

Le 25 mai 1950, alors que l'usine d'avions semble définitivement sauvée de la faillite, les Berruyers apprennent la mort de Marcel Haegelen. Il n'était âgé que de 54 ans, et succombait à l'hôpital du Val de Grâce d'une congestion cérébrale.
Lors de ses obsèques, puis le 9 juillet 1951 pour l'hommage que lui rendait la population de Bourges, en donnant son nom à la grande avenue qui rejoignait le quartier de l'Aéroport à celui d'Auron, la carrière du grand homme sera rappelée par les nombreux intervenants.
De rappeler sa guerre de 1914 et ses 22 victoires homologuées, puis son action décisive chez Hanriot, pour implanter à Bourges une école d'aviation et une usine. Enfin, son combat pendant la dernière guerre, au cours de laquelle il abattit un avion allemand le 14 juin 1940.
Le maire de Bourges, André Cothenet, va dévoiler la plaque portant le nom du héros, en présence de madame Haegelen entourée de ses trois jeunes enfants. Une délégation de la Loge "Travail et Fraternité" rendra un hommage particulier à celui qui était aussi franc-maçon.
Cothenet dira d'Haegelen : "C'était un grand modeste qui préférait pour se rendre utile, servir dans l'ombre ..... il avait le caractère d'un chef".
Une page de Bourges était tournée.

L'EFAB L'ETBS ET LA SNIAS AU PLUS HAUT

A la fin de la décennie 60, Bourges compte 76 000 habitants, le taux d'accroissement est de 2,6% par an. Les spécialistes affirment que ce taux devrait se maintenir pendant une quinzaine d'années. Effectivement, entre 1962 et 1968, la population s'est accrue de 16,7%, passant de 65 184 à 76 088, alors que dans la même période, Châteauroux, la voisine berrichonne, n'augmentait que de 5%, mais que Tours avait un taux d'expansion record de plus de 22%.

Le milieu industriel est très important puisque trois ensembles dépassent les 3000 salariés, ce qui est exceptionnel dans la région.
Les Etablissements militaires font travailler plus de 4000 personnes, avec l'EFAB et l'ETBS. Ces activités sont encore viables, car plusieurs arsenaux ont été fermés ou restreints, comme à Limoges, Tulle ou Châtellerault. D'autre part, l'ERGMA, qui est un vaste entrepôt et un centre de réparation du matériel d'artillerie, est un complément local intéressant pour cette activité.
L'ESAM (Ecole Supérieure d'Application du Matériel), déplacée de Fontainebleau à Bourges en 1965, utilise près de 900 personnes et forme chaque année 500 officiers et 2000 sous-officiers.

 

L'autre grande entreprise du département est la S.N.C.A.N., que l'on appelle alors Nord-Aviation. C'est un établissement qui se lance, dans les années 1960, dans la grande aventure franco-allemande, avec la fabrication d'un avion réalisé en coopération avec deux firmes d'outre-Rhin : VFW et HFB. C'est une suite logique de la grande réconciliation voulue par de Gaulle et Adenauer.

Bourges va donc tout mettre en place pour construire cet avion, un cargo appelé Transall, ce qui signifiait "Transporteur-Alliance". Un bâtiment pour le montage sera construit en une année et le 25 février 1965 le premier Transall, piloté par Lanvario, avec à ses côtés Morville, atterrit pour la première fois à Bourges. Un an plus tard, le premier avion sorti des chaînes berruyères effectue son premier vol. Cette activité, outre son intérêt sur le plan technique, aura une influence énorme sur le comportement des employés qui apprendront, souvent avant les autres, à coopérer avec l'Allemagne sur de grands projets industriels.
Au total, il sera construit 56 avions complets et 169 voilures pour la série, il faut noter que Bourges n'était qu'une des trois chaînes existantes, les deux autres étant en Allemagne. Le dernier Transall sera livré le 12 janvier 1973.

Cette période a aussi un aspect très révolutionnaire, avec le développement des missiles à Bourges. Dans les premières années qui suivirent la fin de la seconde guerre mondiale, une équipe réduite, emmenée par un ingénieur de génie, Emile Stauff, va étudier pour le compte de l'Arsenal de l'Aéronautique à Châtillon-sous-Bagneux, ce que chacun appelait alors des "engins spéciaux".
Ces armes vont se développer et la SNCAN de Bourges récupérera la fabrication de ces "engins" qui étaient des fusées guidées, destinées à détruire des chars, des avions ou des navires. C'est en 1958 que Bourges fabrique pour la première fois un missile, baptisé SS10. Pour ce faire, une usine est sortie de terre et ce ne fut pas sans mal. En plein conseil municipal, les passions vont s'exacerber. Le débat entre le maire Louis Mallet et son opposant communiste, Robert Chaton, ne sera pas toujours très tendre. En 1957, alors qu'il s'agit de délibérer sur cette usine "rangée en première classe des établissements dangereux", M. Chaton s'exprime ainsi :

"Nous ne sommes absolument pas convaincus que l'installation de cette usine ne présente aucun danger, c'est un établissement classé dans une catégorie dangereuse qui sera installé, non pas à proximité de la ville, mais pas tellement loin tout de même".

Malgré le doute de certains, le conseil municipal accepte cette usine, M. They ayant eu quelques dernières inquiétudes qui montrent que la communication entre les entreprises et les autorités locales était assez défaillante, le conseiller municipal dira ainsi sur ce sujet :
"....On a parlé d'engins explosifs ; je crois savoir que ce sont des engins téléguidés inertes, qu'ils ne sont pas munis d'explosifs, encore moins d'appareils atomiques. De toute façon, ce ne sont pas des engins nucléaires".

Dans les années 1960, l'établissement berruyer va littéralement "éclater", avec une activité double : des avions, Transall et Nord 262, et des missiles dont le plus célèbre s'appelle le SS11. Ce missile, dit de "première génération", est un antichar parmi les plus efficaces au monde, mais la gamme des productions ne s'arrête pas là, il y a aussi des AS 30, AS 20 et autres ENTAC.

Comme l'écrit un spécialiste du domaine industriel dans "Zones industrielles de France", la SNCAN devenue SNIAS, avec ses 3000 employés, "a eu une expansion remarquable au cours de ces dix dernières années avec le renouvellement de l'usine d'avions, aux ateliers entièrement modernisés, et à l'implantation d'une usine d'engins".
Et l'expansion n'est pas terminée puisque 200 hectares de bois sont en cours d'aménagement au début des années 70, au lieu-dit "Le Subdray", pour en faire un centre d'essai, "avec 400 ingénieurs et techniciens venus de la région parisienne".

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François Mitterrand à Bourges
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Les Templiers
Les élections à Bourges au XXe siècle
Les Très Riches Heures du duc de Berry
les villes jumelles
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Kiosque et musique
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L'horloge astronomique
Les tramways de Bourges
L'Yèvre à Bourges
L'alchimie
La Bouinotte, magazine du Berry
L'usine Michelin
La maison de la Reine Blanche
Serge Lepeltier
L'industrie à Bourges au XXIe s
Monuments Historiques Classés
 

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