Il
est assez rare que Bourges prenne une place importante dans le
pays en le faisant rire. C'est pourtant ce qui s'est passé
en 1975, avec une histoire cocasse et dans laquelle certains
Berrichons ne vont pas sortir indemnes.
Tout commence avec une chanson de Pierre Perret, le chanteur
comique sort un disque dans lequel il parle avec humour et une
certaine verdeur du zizi, "le p'tit, le gros.... vous saurez
tout sur le zizi", et il en explique le fonctionnement.
Cette chanson fait rire le pays entier, à la surprise
du chanteur qui n'en attendait pas tant. C'est le "tube"
du moment.
A Bourges, rue d'Auron, un pâtissier
un peu espiègle, Lucien Romangeon, un homme qui
aime la vie et la bonne chère, le sourire jovial et le
verbe facile, influencé par la chanson de Pierre Perret,
se met à confectionner des petites pâtisseries "en
forme de zizi". Tout y est, la forme, la couleur et les
détails ne manquent pas. C'est un beau succès et
un magnifique tollé.
Les ligues de moralité se mêlent
à cette affaire et portent plainte. Le tribunal de Bourges
entre en scène, et, par manque d'humour ou poussé
par la tradition catholique de la région, Lucien Romangeon
est condamné pour ses zizis en pâte d'amande.
Lucien devient célèbre à Bourges et tout
aurait pu s'arrêter là. Mais c'était sans
compter sur l'action de la presse nationale qui vient voir à
Bourges le corps du délit. Jacques Martin, à cette
époque, produisait une émission intelligente et
décapante : "Le Petit Rapporteur" et il parle
abondamment du "zizi de Bourges".
Bientôt, la magistrature berruyère
devient la risée du pays tout entier.
C'est alors que cette histoire prend une
tournure encore plus drôle par l'entrée en scène
d'une troupe de comédiens, dirigée par Alain Meilland,
qui présente un spectacle de chansons à la Maison
de la Culture de Bourges : "2000 ans de chansons".
Meilland termine cette revue de chansons par l'uvre de
Pierre Perret, "le zizi". Ce soir-là, Alain
Meilland, à la fin de la chanson, distribue les zizis
de Romangeon que les spectateurs médusés dévorent
avec surprise mais assurance !
Si c'est un triomphe
pour Alain Meilland et sa troupe, les censeurs ne sont pas loin.
Et Jean Christophe Dechico, directeur de la Maison de la Culture,
avec A. Meilland et les comédiens de "2000 ans de
chansons" se retrouvent au commissariat de police pour outrage
aux bonnes murs. Le zizi va-t-il se retrouver au Bordiot,
la prison de Bourges ? La renommée de Lucien Romangeon
ne cesse de croître à partir de ce 13 octobre 1975.
L'affaire aurait pu prendre un tour encore
plus dramatique puisque le président de l'Association
de la Maison de la Culture
étant pharmacien, une condamnation aurait pu le faire
radier de sa profession par le Conseil de l'ordre des pharmaciens
!
Comme l'écrit le journaliste Maurice
Pollein, "des pressions souterraines auprès
des comédiens pour qu'ils renoncent à la scène
qui fait scandale" sont exercées, mais l'équipe
reste très solidaire. Sans doute sous la pression cette
fois de Jean Lecanuet, garde des Sceaux, cette affaire, dans
laquelle la justice n'avait pas un rôle très populaire,
beaucoup criant à la censure, clôt cette instruction.
En définitive, Alain Meilland conclut
:
" 2000 ans
de chansons, qui n'aurait dû être joué qu'une
dizaine de fois à Bourges, a bénéficié
d'une telle publicité avec ce scandale qu'on l'a joué
pendant deux ans".
NR du 12 octobre 1975 et du 4
avril 1976
L'autre Chemin d'Alain Meilland par Maurice Pollein
A début des années 2000,
Lucien Romangeon va laisser... son zizi et le célèbre
magasin de Bourges va vivre des moments difficiles.
Au milieu des années 2000, il se
fabrique et se vend environ 1500 zizis par an, ce qui prouve
l'attachement et une forme de gauloiserie des Berruyers.
En 2013, Héléna et Léopold
Maison qui avaient acquis le fond s'en vont en Bourgogne et Lucien
Romangeon craint pour son "zizi", alors que la célèbre
patisserie est rachetée par Anaïs et Adrien Lefranc,
qui arrivent d'Alsace ont quelques scupules avec cette pâtisserie.
Ils poursuivront la fabrication, mais ils
ne veulent pas l'exposer en vitrine ... et il faudra les commander
les zizis !
Une page d'histoire se tourne