Le violon de Panette
Outre le cadastre, dit plan de Panette,
il y a une autre curiosité qui porte ce nom et qui se
popularise dans les médias, c'est le violon de Panette.
C'est un Guarnerius qui est utilisé
aujourd'hui par le virtuose, très médiatisé
: Renaud Capuçon.
Un Guarneri
On connait le plus souvent les stradivarius,
mais ces denières années, un autre violon a été
mis en avant, c'est un légendaire violon de Guarneri (ou
Guarnerius) del Gesù qui date de 1737
C'est
une banque suisse BSI qui a annoncé en 2005 qu'elle l'avait
racheté à un collectionneur privé pour le
mettre à la disposition du jeune virtuose français
Renaud Capuçon.
Ce violon du luthier de Crémone,
en Italie, Bartolomeo Giuseppe Guarneri fut le grand rival d'Antonio
Stradivarius au XVIIIe siècle, Ses meilleurs instruments
datent de la période vers 1735. Il subsiste aujourd'hui
une soixantaine de ses instruments au monde, contre 600 stradivarius
!
Le violon a appartenu au Vicomte de Panette,
il joua de fort belle manière dans les années 1850
et composa même certaines pages musicales.
Mais nul ne sait comment M. de Panette
a acquis ce violon et à quel prix ?
A la mort du comte de Panette, le violon
est vendu par sa fille cadette, donc vers les années 1872,
et ce serait un marchand parisien qui l'aurait acquis.
Il est revendu dans les années 1920
à des collectionneurs américains, dont la société
Wurlitzer de New York, plus connue pour ses juke-boxes.
En 1947, il passe aux mains d'Isaac Stern,
qui le gardera pendant un demi-siècle et effectuera avec
lui la plupart de ses enregistrements. Renaud Capuçon
(29 ans), ancien élève de Stern, joue actuellement
sur un Stradivarius de 1721.
Le violon de Panette été
joué pendant près de 50 ans par Isaac Stern, avant
d'entrer dans la collection du mathématicien et musicien
américain David Fulton en 1994.
Que dit Renaud Capuçon
Renaud Capuçon, interrogé
évoque ce violon de monsieur de Panette de Bourges :
«Le violon que je joue, un guarnerius
de 1737, appartient à une banque, qui la acheté
pour moi en 2005. Cest une forme de mécénat
très répandue à létranger,
mais moins en France. A lépoque, je jouais déjà
un instrument magnifique, un stradivarius de 1721 qui avait appartenu
à Fritz Kreisler, prêté pendant cinq ans
par un mécène belge. Je nen souhaitais pas
dautre. Pourtant, quand le président de la banque
ma demandé quel serait linstrument de mes
rêves, jai aussitôt pensé à un
guarnerius. Cest un violon qui nest pas «meilleur»
que le stradivarius. Il date à peu près de la même
époque, fabriqué aussi à Crémone
en Lombardie, et il est plus sauvage, moins parfait. On le voit
à lil nu. Le son est en général
plus large, plus mâle.
Jai une personnalité de jeu
qui va dans le sens du stradivarius, en finesse, donc jouer un
guarnerius mapporte des couleurs, par une sorte deffet
yin-yang. Je nen avais jamais essayé, mais je savais
quels violonistes lavaient joué - Yehudi Menuhin,
Isaac Stern, Anton Rubinstein.
«Jai demandé à
mon luthier de faire une recherche. Il sest passé
plusieurs mois, car ce nest pas le genre dinstrument
quon trouve facilement.
Le coup de foudre
Quelque temps plus tard, il ma parlé
de deux instruments : le guarnerius de Menuhin, et celui de Stern,
quon appelle le «Vicomte de Panette», du nom
dun ancien propriétaire. On a fait venir les violons
de Londres, où ils se trouvaient chez le luthier Beare,
jusquà Lugano [Suisse]. Jai essayé
celui de Menuhin, magnifique, mais je nai pas ressenti
de flash particulier. Jai pris celui de Stern, fait cinq
notes, et là, ça y était, cétait
mon violon. Dire quil était fait pour moi serait
prétentieux, mais ce violon me parlait. Javais limpression
que tout ce que javais toujours cherché, en termes
de sonorités, était une préparation à
avoir ce violon.
«Je
ne comprends pas le débat sur la qualité des instruments
anciens comparée aux modernes. On peut être en symbiose
avec un instrument moderne. La sonorité dépend
surtout de qui joue, du moment où lon joue, de lhygrométrie,
et surtout de laffect. Le fait de savoir qui a joué
ce violon minfluence, évidemment, car je crois que
le bois vibre et quil a une mémoire. Donc, quand
je joue certains concertos de Brahms, de Mendelssohn, de Stravinsky
ou de Bernstein, je sais que ces uvres ont sonné
des centaines de fois avec cet instrument, et ce nest pas
anodin.
Renaud Capuçon, le 16 décembre à Paris.
Son violon, un guarnerius de 1737, appartient à la Banque
suisse italienne. Photos Yann Rabanier
Ce violon de Panette a été
acheté par la banque pour environ 10 millions de dollars.
«Au début, on est inquiet
de ce qui peut arriver, on ne quitte pas son instrument. Jai
eu un guadagnini que jemportais partout avec moi, au cinéma,
dans le métro, jusquà ce quun ami me
montre combien cétait idiot. Aujourdhui, je
suis plus calme. Mais à lhôtel, mon violon
doit toujours être posé sur une chaise ou un canapé,
car jai la hantise de linondation. Et puis il ne
faut pas quil soit trop loin de mon lit - les premiers
temps, le guarnerius dormait tout près de moi ; depuis
mon mariage, il est un peu plus loin".
Et demain ?
Bruno Lageline qui possède aujourd'hui
l'hôtel de Panette à Bourges, avec son épouse
Laurence Javal rêve de faire venir Renaud Capuçon
et de le faire jouer dans cette demeure, comme le fit un jour
vers 1850, Alphonse de Panette.