institution tamalet de bourges par Roland Narboux - Bourges Encyclopédie -

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L'INSTITUTION TAMALET A BOURGES
Par Berrnard Epailly

Bourges, et une institution connue par les plus anciens, le Tamalet, voici un article écrit par M Bernard Epailly.

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Version 2009

 

En préambule à l'article de Bernard Epailly, voici en quelques lignes l'origine de cet article publié en mars 2008 dans l'excellent magazine du Berry : La Bouinotte.

    Tout remonte à un E Mail signé de M. Jean Rohmer.qui avait la forme suivante :
 
Avant la guerre, ma mère, née en 1924, fréquentait une institution pour jeunes filles, appelée je crois "Institution Tamalet".
Cette institution pendant à la guerre s'est retrouvée déplacée à la campagne,à "La Noue", je crois, près de Nérondes.
Avez-vous une idée de la manière de retrouver de la documentation sur "Tamalet", voire de retrouver des anciennes ?
 
Voici un premier élément de réponse de M Robert Lechêne :
 
Je vois que vous êtes en recherche de renseignements sur l'institution Tamalet. Il se trouve que j'en suis un ancien élève.
Eh oui, c'était bien une école de filles, mais qui admettait les garçons en maternelle. Alors que j'avais 5 ans, habitant rue Chevrière, j'y passai donc l'année scolaire 1932/33, dont je vous joins photographie.
 
L'institution Tamalet était située place des Marronniers, sur la rue de Sarrebourg, sensiblement en face du restaurant qui fait l'angle de la place sur l'autre côté de la rue. Le bâtiment de l'école était en contrebas par rapport au niveau de la rue.
 
On y accédait par une allée en pente assez large, passant par l'espace de récréation avec des petits massifs d'arbustes. L'entrée des classes se faisait par un escalier sur la gauche du bâtiment. Les filles avaient autour de leur blouse un ruban aux couleurs de la classe, pas nous, les garçons. Mais nous, les garçons, nous recevions comme bons points des automobiles en papier plié. Je ne me rappelle pas s'il y avait un enseignement religieux à Tamalet.
 
Je me rappelle seulement y avoir vu pour la première fois de ma vie une projection de dessin animé coloré.
 
institution Tamalet de BourgesL'institution Tamalet, Photo Fernand Lechêne
 

Roland NARBOUX

 

Bourges 1920-1978

De Tamalet à la Salle en passant par Nazareth,
 
l'éducation des jeunes filles confiée à des demoiselles
 
par Bernard Epailly
 
"1961… cette année-là nous avons eu un professeur de sexe masculin, d'un certain âge tout de même, il ne fallait pas rêver " raconte Catherine Deschatrette (1) ; " et nous l'avons beaucoup chahuté !" ajoute-t-elle, pour montrer sans doute que les jeune filles du temps de " salut les copains " n'étaient plus celles, soumises, des années antérieures. En 1961, en effet, une page de l'enseignement privé se tourne à Bourges et la vénérable Institution Tamalet, qui a formé et éduqué des milliers de jeunes berruyères, s'écroule. Au sens propre. Les bâtiments de la place des Marronniers (2) sont devenus vétustes et doivent être fermés pour des raisons de sécurité. Tamalet s'éteint. Nazareth, reprend le flambeau pour se fondre, 15 ans plus tard, dans une autre institution privée, le groupe scolaire Saint Jean-Baptiste de la Salle.
 
L'histoire de Tamalet est celle d'une époque où l'éducation des jeunes filles, confiées à des demoiselles, était assez différente de ce qu'elle est aujourd'hui. Cette histoire, la voici.
 
L'école des demoiselles
 
C'est en 1920 que Marie-Thérèse Tamalet prend la direction de l'école qui portera bientôt son nom. Mais les fondations de cette institution privée sont beaucoup plus anciennes. Tout avait commencé en 1835, avec une petite école élémentaire crée par une institutrice libre, Madame Roux. En ce temps là, l'enseignement n'était pas obligatoire et l'éducation des filles, lorsqu'elle existait, était presque toujours assurée par des congrégations religieuses. Cependant, des petits cours privés payants, non confessionnels, souvent de qualité médiocre, fleurissaient ici où là. Ainsi est née l'école de Madame Roux.
En 1860, la directrice vend son affaire à Estelle Thomas, une jeune collègue, inventive et dynamique qui change de locaux, ouvre un pensionnat, recrute de nouvelles enseignantes et du personnel de service, crée un cours supérieur et obtient même l'autorisation de former des institutrices.
 
Pendant soixante ans, " l'Institution de Mademoiselle Thomas " et son " pensionnat pour jeunes demoiselles ", comme on disait à l'époque, seront à Bourges synonyme d'excellence. Entre temps, l'enseignement primaire est devenu obligatoire jusqu'à 13 ans. La loi Ferry de 1882 précise que l'enseignement comprend l'instruction morale et civique, la lecture, l'écriture, des éléments de littérature, d'histoire, de géographie, de sciences physiques et naturelles appliquées à l'agriculture et à l'hygiène ; et " pour les filles, les travaux à l'aiguille ".
 
L'institution de Mademoiselle Thomas y ajoute l'instruction religieuse ; l'école est clairement de culture catholique, sans religieuses sécularisées dans l'encadrement mais la différence est mince. Tous les professeurs sont des demoiselles et plus de la moitié d'entre elles sont logées dans les locaux scolaires, ce qui implique une certaine forme de vie communautaire.
 
A 79 ans, Estelle Thomas passe la main. D'autres demoiselles lui succèdent. L'une d'elles, Marie-Adèle Martin, élégante jeune femme parfois, " vêtue d'un tailleur bleu aux broderies bulgares ", donne un nouvel élan à l'établissement (3). Elle crée à Bourges le premier cours secondaire pour les jeunes filles et présente des élèves au baccalauréat. L'enseignement est payant, très féminin et même raffiné. Au-delà des classes primaires, dans des classes qui conduisent au baccalauréat mais aussi au brevet élémentaire, on apprend le latin, le dessin, le piano et le violon ; on fait aussi du théâtre. La discipline est stricte ; en classe les élèves portent un uniforme, blouse noire et ceinture de couleur. Dans les années trente, l'établissement dépasse 140 élèves. Concurrent de l'école Jeanne d'Arc, tenue par des sœurs, et du lycée de jeunes filles, très républicain, il jouit d'une excellente réputation dans la classe moyenne et continue de porter le nom de sa fondatrice pourtant décédée. Pour tous, c'est encore " l'institution de Mademoiselle Thomas ".
 
Marie-Thérèse Tamalet, Fille du cœur de Marie
 
La société des Filles du Cœur de Marie (FCM) rassemble des femmes engagées dans la vie religieuse, sans signe distinctif et compatible avec la vie en famille et l'exercice d'une profession. Malgré cette discrétion et la vie hors d'une communauté, les FCM sont d'authentiques religieuses catholiques (4). Marie-Thérèse Tamalet était l'une d'elles. Avec deux autres demoiselles et l'appui de l'archevêque de Bourges, elle achète en 1920 l'Institution Thomas. Les élèves et leurs parents ne savent pas forcément que leur école - privée catholique mais qui marque sa différence avec Jeanne d'Arc encadrée par des Ursulines - est, en fait, dirigée par une religieuse. Dans la maison, elle n'est d'ailleurs pas la seule : " vraisemblablement, plusieurs de nos professeurs étaient consacrées ", explique Sœur Marthe Bernardin, élève de l'établissement à partir de 1935.
 
Pendant trente ans, l'institution Thomas, que l'on appellera plus tard l'institution Tamalet, restera l'un des meilleurs établissements de Bourges pour l'éducation des jeunes filles. A partir de 1927, quelques garçons sont admis, mais seulement en maternelle. Robert Lechêne, berruyer de 80 ans, se souvient : " En 1933, j'avais 5 ans ; nous étions une petite dizaine de garçons dans cette école de filles. Tamalet était un bâtiment rectangulaire, allongé, auquel on accédait par une allée assez large. Cette année-là, j'ai surtout appris la discipline… ". Il dit encore : " les filles avaient, croisé sur leur tablier uniforme, un ruban de couleur indiquant leur classe ". Ce ruban est, à lui seul, un concentré de Tamalet : très féminin, il exprime aussi la règle que l'on respecte et l'organisation rigoureuse de la vie scolaire.
 
Sœur Marthe évoque volontiers les années 35-40 : les classes en couleur (verte pour le CP, violette pour le CM1, jaune pour le CM2, etc.), les locaux modestes mais agréables, la salle de théâtre " qui ne servait plus que pour la distribution des prix ", les cours de latin et d'anglais mais aussi les leçons de piano, la blouse uniforme qui " gommait les origines sociales des élèves ", la discipline ferme et douce, sans lourdes punitions parce que les enfants étaient sages… La culture catholique était, bien entendu, très présente, au-delà même de l'instruction religieuse. Selon Madeleine Boursin (6), l'enseignement de la littérature ignorait des auteurs aussi classiques que Rousseau, Voltaire ou Balzac mis à l'index par l'autorité pontificale. Le corps enseignant était toujours constitué de demoiselles, sauf une dame russe, épouse du médecin du Tsar et un vieux monsieur, professeur… de gymnastique ! Les cours sont payants mais la clientèle est plus modeste que celle de Jeanne d'Arc. C'est d'ailleurs à cette époque-là que les premiers cours commerciaux, destinés à former des employés, ont été ouverts.
 
Le commencement de la fin
 
Qu'est devenue Tamalet ? interroge Jean Rohmer en regardant des photos de l'époque où sa mère fréquentait l'institution. La prospérité s'achève au début de la deuxième guerre mondiale. L'école est d'abord réquisitionnée. Marie-Thérèse Tamalet, s'installe provisoirement à Nérondes puis récupère ses locaux fortement dégradés. Mutilée sous l'occupation, l'école retrouve ses effectifs après la guerre mais les temps ont changé. L'esprit Tamalet est toujours présent ; l'enseignement est donné par des femmes, le plus souvent célibataires résidant sur place. Mais l'orientation scolaire est bien différente. Les enseignantes en sténodactylo et en comptabilité sont les plus nombreuses. Les classes primaires et les cours commerciaux constituent les trois quarts de l'effectif. D'année en année, l'enseignement secondaire est asséché par la concurrence des collèges et des lycées.
 
A 68 ans, Mademoiselle Tamalet prend sa retraite et trois ans plus tard l'établissement est vendu, fermé sur décision des services de sécurité. Catherine Deschatrette (1) a vécu ce naufrage. En 1959, Tamalet est encore Tamalet : " on découvrait d'abord un beau parc avec une pelouse et des conifères magnifiques puis le bâtiment principal de taille imposante, ses salles de cours côté façade, sa chapelle et ses dortoirs sur l'arrière et ses interminables couloirs, un vrai labyrinthe ". Les demoiselles sont toujours là : Radan, " crainte et respectée ", Rivet " qui apportait beaucoup de fantaisie avec ses toilettes élégantes et ses mains couvertes de bagues ", etc. En 196O-61, Catherine et sa classe de seconde, composée de 9 élèves seulement, sont transférées dans " une pièce de l'immeuble rue Eugène Buisson ". C'est la fin. En juillet, les locaux sont fermés ; l'école est démantelée. Les élèves des classes primaires et secondaires continuent leur scolarité dans d'autres établissements privés de la ville.
 
Seule, la branche commerciale survit. Elle est reprise, avec son équipe de professeurs, par les Franciscaines de la rue Béthune-Charost. Elle devient " Nazareth ", une école de filles, privée et très confessionnelle, en contrat d'association avec l'Etat et qui prépare une centaine d'élèves aux différents CAP commerciaux. Maryse Bonnet (5) raconte : " L'ambiance était familiale mais très stricte, blouse obligatoire, maquillage interdit ". La direction était assurée par des Franciscaines, avec éducation religieuse incluse dans l'emploi du temps et peu d'activités périscolaires.
 
L'école Nazareth, n'a duré qu'une quinzaine d'années. Depuis 1977, les classes ont été transférées dans le groupe scolaire Saint Jean-Baptiste de la Salle, l'établissement privé très prospère de la Butte d'Archelet. Quatre enseignantes issues de Nazareth continuent à professer en communication et en gestion. Mais l'époque des demoiselles est déjà bien loin. La qualité de l'enseignement est toujours au rendez-vous mais l'instruction religieuse est devenue facultative. Les blouses et les rubans ont disparu ; les filles et les garçons étudient ensemble et se respectent ; mais ils n'hésitent plus à se prendre par la main à la sortie des cours.
 
Bernard Epailly
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1 à l'époque, Catherine Fougère.
2 remplacés depuis par la Résidence des Cèdres.
3voir, pour approfondir, Le pensionnat de mademoiselle Thomas à Bourges, Cahiers d'archéologie et d'histoire du Berry, septembre 1997, une étude minutieuse réalisée par Simone Marioton, auquel le présent article doit beaucoup.
4 plus d'informations sur http://societe-fcm.cef.fr
5 à l'époque, Maryse Morin.
6 fille de Henri Boursin, voir La Bouinotte n°97.

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