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L'HÔTEL DES POSTES est du au travail
de la municipalité Laudier qui va se lancer, en plus des
Prés-Fichaux, dans d'autres travaux ; ce sera le cas pour
l'Hôtel des Postes. Ce bâtiment administratif avait
été commencé quelques mois avant la guerre,
mais le chantier fut abandonné à la mi-1914, il
y avait d'autres priorités. Laudier et son architecte
Tarlier vont se battre contre le Ministère afin de faire
réviser le marché : les conditions financières
d'avant 14 n'étaient plus les mêmes dans les années
1920
La ville de Bourges avait cédé
gratuitement à l'Etat un terrain de 1764 mètres
carrés, limité par la cour de la bibliothèque,
la rue de la Monnaie, la rue Moyenne, la rue Michel de Bourges,
et le plan est en date du 17 octobre 1912. Par la suite, la Ville
avait accepté de participer à l'opération
de construction pour une somme de 30 000 francs, le tout devant
être payé en 1914, 1915 et 1916. Dans l'article
3 de l'accord, il était écrit :
"Sur le terrain cédé, l'Etat fera construire
à ses frais, un Hôtel destiné aux services
de la Poste, du Télégraphe et du Téléphone.
Les constructions seront édifiées selon les plans
du 20 avril 1913".
Mais nous sommes en 1920 et le Sous-Secrétariat
d'Etat des Postes et des Télégraphes, après
avoir ouvert à nouveau le dossier, demande une modification
de l'édifice, ce que Laudier ne veut pas ; mais surtout,
il demande que la contribution de la ville de Bourges passe à
390 000 francs, afin de poursuivre les travaux. Cette dernière
exigence est tout aussi inacceptable pour la Municipalité.
Laudier fait alors voter un texte par son conseil municipal,
compte tenu du refus du Ministère de poursuivre les travaux
tant que la ville de Bourges n'aura pas accepté l'augmentation
de sa participation. Ce vote s'effectue sur le texte suivant
:
" La ville de Bourges, respectant les termes de la
convention sus-visée, refuse toute nouvelle participation
pour la construction de l'Hôtel des Postes de Bourges,
avant qu'une conférence ait été tenue entre
les représentants de la Ville et de l'Etat..."
Suivent les mots courants à cette époque comme
aujourd'hui : "Le Ministre des Finances serre les
cordons de la bourse et impose à ses contrôleurs
de n'autoriser aucun engagement de la part de l'Etat."
Le Conseil adopte ce point de vue à l'unanimité.
Il faudra attendre l'automne, et très précisément
le 26 septembre 1921 pour que Laudier reçoive une lettre
signée du Ministre des finances, Paul Doumer. Ce futur
Président de la République explique qu'un nouvel
examen a été fait avec l'administration des postes
et "dans ces conditions, je n'insiste pas, écrit
le ministre, pour obtenir un supplément de subvention
de la part de la ville." Mais il poursuit avec une phrase
équivoque : " je me plais toutefois à espérer
que la municipalité acceptera de plein gré de prendre
sa part dans le surcroît de charges que la hausse des prix
née de la guerre a occasionné à l'Etat".
Chacun pouvait espérer que les travaux
allaient être menés avec célérité.
Il n'en fut rien. Le 28 avril 1922, le maire écrit à
M. le Sous-Secrétaire d'Etat des P.T.T. une lettre très
offensive, dans laquelle il souligne : "Je ne comprends
pas le retard systématique apporté par votre administration....
depuis un an, la maçonnerie est terminée, elle
attend sa charpente et sa couverture". Et Laudier
fait dans l'humour, avec ces mots délicieux : "Je
ne voudrais pas être désobligeant pour ceux de vos
collaborateurs mieux abrités rue de Grenelle, mais vous
reconnaîtrez que je suis autorisé à dire
qu'ils ont peu de considération pour ceux de leurs collègues
moins fortunés".
Le conseil municipal est unanime derrière son maire, et
chacun de considérer que l'administration locale des P.T.T.
ne peut pas continuer à travailler dans les baraquements
de bois dans lesquels ils sont hébergés.
On retrouve cette constante dans les rapports
entre le pouvoir local et celui de Paris. Laudier sera toujours
plus enclin à travailler sur le terrain berruyer que de
pavaner à Paris ; c'est aussi une des raisons pour laquelle
il ne sera jamais ministre, ce n'est toutefois pas la seule......
C'est à cette même époque
que se construit d'une manière beaucoup plus originale,
la Bourse du Travail. Les syndicalistes d'alors décident
d'ériger dans la cour de la place Malus un bâtiment
qui servirait de lieu de réunion et de rencontre pour
le monde ouvrier. En 27 jours, du 2 au 29 septembre 1923, la
Bourse du Travail de Bourges est érigée ; ce sont
les militants communistes et syndicaux qui se sont chargés,
soir après soir, d'édifier les murs, la charpente
et les intérieurs : après leur journée de
travail en usine, ils venaient, à titre bénévole
construire "leur" Maison.
Le 29 septembre,
l'inauguration se déroule avec la présence de Venise
Gosnat et de Pierre Hervier qui fut le fondateur de la première
Bourse du Travail en 1897. Ce jour-là, ils sont plus de
2000 militants à venir admirer l'oeuvre, sous les accents
d'un spectacle donné par "la Prolétarienne".
Quelques jours plus tard, se déroulera à Bourges
le premier Congrès de la C.G.T.U., il sera placé
sous le signe de l'Unité ; et parmi les congressistes,
se trouvera un jeune délégué des mineurs
du Nord, il s'exprime pour la première fois devant ce
type d'assemblée, son nom : Maurice Thorez.
L'HÔTEL DES POSTES
Il ne fait aucun doute que parmi les bâtisses
construites sous le mandat d'Henri Laudier, celle qui lui donnera
le plus de mal est bien l'Hôtel des Postes. L'histoire
récente de cet immeuble remonte à 1897. A cette
époque, la municipalité désirait installer
les Postes et les services financiers de l'Etat dans la caserne
Condé, ainsi que ses services municipaux. Ceci nécessitait
une entente avec le ministère de la Guerre.
Ce projet ne va pas aboutir et finalement,
en 1912, une convention est signée entre l'Etat et la
Ville pour construire un Hôtel des Postes rue Moyenne (en
réalité rue de la Monnaie), et en février
1914 les travaux sont adjugés. La guerre survient et les
travaux furent stoppés pour ne reprendre que vers 1919.
Par la suite, ce seront des années de palabres, de discussions
stériles, d'accords partiels... et c'est ainsi que la
construction va durer 12 ans.
L'inauguration de l'Hôtel des Postes
se déroulera le 30 juin 1926, pour la clôture de
la VIIe Foire Exposition. Le cortège qui avait procédé
à la visite de la Foire, avec la présence de M.
Drouets, Directeur de la Propriété Industrielle
se retrouva Salle du Duc Jean pour un banquet dans le plus pur
style de la 3e République. Le Menu de ce banquet préparé
par le Berrichon Vatet comprenait :
Les Gondoles à la Condé
Le Saumon de Loire à la Néva
Les Gigots d'Agneau du Berry
Le Chevreuil à la Grand Veneur
Les Poulardes roties au diamant
La Salade de coeur de laitue Charles VII
Les Petits Pois du Jardin à l'étuvée
Entremets
Parfait Agnès Sorel
Gaufres de la Maison de Jacques Coeur
Fruits
Mignardises et friandises
Les vins seront en Carafe, du Sancerre
et du Chavignol, puis du Pommard et enfin le banquet se terminait
par du Champagne, du café et des liqueurs. Il fallait
une sacrée santé à cette époque pour
honorer ces banquets.
Après les discours d'usage, le cortège
va se reformer et se rendre à pied, au son des vielles
et cornemuses, par la rue Mayet-Génetry vers le nouvel
Hôtel des Postes. La foule est considérable et les
autorités sont reçues par Monsieur Taillemitte,
le Directeur départemental des PTT, le receveur des Postes
étant Monsieur Sages. Le premier discours de M. Taillemitte
est descriptif :
"... Bourges va se doter d'un
nouveau monument qui ne déparera pas ses joyaux : la Cathédrale,
Jacques Coeur, l'Hôtel Lallemand, la Maison de Cujas.
Aujourd'hui, cet Hôtel des Postes ne sera pas seulement
un autre fleuron artistique, mais à un point de vue utilitaire,
il remplira le but que doit atteindre un moderne Hôtel
des Postes. Il procurera au public toutes les commodités
que celui-ci est en droit d'exiger des services postaux, télégraphiques
et téléphoniques."
Puis ce fonctionnaire décrit la
salle d'attente, spacieuse et bien éclairée, avec
les nombreux guichets, il insiste sur le confort pour les employés,
et l'utilisation d'outillages neufs. En particulier, il évoque
le service téléphonique muni d'un "multiple
à batterie centrale".
A l'issue de ce premier discours, c'est
Henri Laudier qui prend la parole. Il revient sur les douze dernières
années de lutte, mais il remercie le gouvernement pour
avoir donné à la ville un monument digne d'elle.
Aujourd'hui encore,
le touriste pressé et peu documenté, en passant
devant "La Poste de Bourges", est souvent persuadé
de se trouver face à un monument datant de la période
de Jacques Coeur, c'est à dire du XVe siècle !