Comme le dit Buhot de Kersers, il s'agit
"d'un appendice lourd et disgracieux, qui augmente encore
une façade déjà démesurément
large".
Il ajoute ensuite que ce pilier butant
est bien approprié avec une réelle intelligence
à la fonction qu'il avait à remplir.
Tout commence à la fin du XIII ième
siècle, lorsque les chanoines découvrent des désordres
inquiétants qui se produisent sur la tour sud de la cathédrale
Saint Etienne. Cette tour repose en fait sur des fondations peu
solides comme tout le reste de la façade.
Cette tour sud comporte quatre étages
à galeries, ses ouvertures étroites ont été
bouchées. Elle mesure 58 mètres de hauteur contre
65 à la tour nord.
Amédée Boinet signale que
lors de la construction, le sol n'avait pas été
reconnu dans toute sa profondeur. Il ajoute "qu'il y a dans
cette partie de la ville de Bourges des galeries, peut être
des souterrains - refuges, quelquefois sur trois étages,
qui sont d'âge pré-romain, car elles passent sous
le mur gallo-romain qui coupe la cathédrale de Bourges.
Il semble bien que les voûtes situées
à l'intérieur de la cathédrale commençaient
à se fissurer et des pierres tombaient de temps à
autre....
On renonça à monter plus
haut la tour sud, (ainsi que celle au nord) et la cathédrale
était inachevée, il y eut aussi des infiltrations
dues à des intempéries. Aussi dès 1313,
le roi en personne va intervenir, Philippe le Bel va faire un
don de 400 livres pour consolider l'édifice et éviter
la chute des voûtes.
Et c'est pour éviter une catastrophe
que l'on va construire dans les dernières années
du XIII ième siècle, c'est à dire vers 1295,
sous la direction semble-t-il d'un architecte nommé Michel,
à 7 ou 8 mètres du pied de la tour qui pouvait
d'écrouler un puissant massif de maçonnerie comprenant
2 étages.
Le
massif de maçonnerie est particulièrement impressionnant
avec une dimension de 10 mètres sur 15 mètres,
et les fondations furent établies sur le sol vierge.
C'est donc un énorme parallélépipède
de maçonnerie de largeur égale à celle de
la tour qu'il doit solidifier.
Ce pilier est épaulé par
de solides et saillants contreforts ornés à l'étage
supérieur, des colonnettes assez fines sont réunies
par des arcs tréflés.
Il y a 3 arcs-boutants sur chaque face
et deux à l'extrémité.
Ce massif est relié à la
tour sud de la cathédrale par deux étages d'arcs-boutants
entre lesquels on va ménager une salle voûtée
d'ogives dont les fenêtres, à trois lancettes tréflées,
sont surmontées chacune de roses à trois ou quatre
lobes, le style semble pourtant postérieures à
la construction du pilier.
On accède à cette salle très
éclairée au second étage, qui fut utilisée
par le grand peintre de Bourges Jean Boucher au XVII ième
siècle, par un escalier pratiqué sur le côté
nord du pilier et qui s'ouvre dans le passage laissé libre
sous les arcs-boutants inférieurs.
Jean Boucher qui possédait la maison
actuelle dite de la Tournelle était donc proche de son
atelier, lequel bénéficiait de fenêtres.
Ce peintre, qui fut le professeur de Mignard
avait "grande renommée" et il réalisait
d'immenses toiles, aussi, comme l'escalier était étroit,
il faisait son tableau, puis enlevait le cadre en bois, roulait
la toiles comme une vulgaire moquette... et descendait l'escalier
en colimaçon. Une fois sur le parvis, il remontait sans
doute la toile sur son cadre pour la livraison dans une église
ou une abbaye, car c'était sa spécialité.
En ce qui concernent les deux fenêtres,
les "remplages" identiques, de style rayonnant sont
gravées dans le dallage dans une épure à
l'échelle de ce qui a été réalisé.
C'est le plan des fenêtres.
Au
premier étage du pilier boutant, étaient les anciennes
prisons du chapitre de la cathédrale, éclairées
par d'étroites fenêtres et munies de latrines ...
Les latrines de la prison
Le tout était couvert d'un comble
en ardoise à quatre versants.
Les
fenêtres de l'atelier de Jean Boucher.
Aucune cloche malgré ce contrefort
appelé pilier butant n'a été mise sur la
tour Sud de la cathédrale, par peur que les vibrations
ne provoquent la chute de la tour.
On a alors appelé cette tour "tour sourde" ou
encore "tour muette".
Et c'est après ce "rafistolage"
comprenant le pilier butant, les travaux de consolidations des
voûtes intérieures et le calfeutrement de la façade,
l'archevêque Guillaume de Brosse estima que l'on ne pouvait
pas faire mieux, et il décidé enfin de "célébrer
la dédicace de la cathédrale le 5 mai 1324".
la cathédrale était enfin
terminée et consacrée.
Mais Bourges aura d'autres soucis avec
la cathédrale puisque le 31 décembre 1506, la Tour
Nord qui n'avait pas eu de pilier butant s'écroula !
Il faudra 30 ans pour la reconstruire dans
un style et une ornementation Renaissance.
Cet article fait suite à
la demande de deux internautes, Sabine et Julie
a suivre
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