L'ENCYCLOPEDIE DE BOURGES
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LE SINISTRE PAOLI, CRIMINEL DE BOURGES
Par Roland NARBOUX

Période de la Guerre de 39/45, avec le sinistre Paoli, à Bourges. Il fut un criminel, lui le Berrichon.

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Version 2009

 

Il n'y a jamais eu en Berry de qualificatifs assez forts pour décrire qui était Paoli, on dit aujourd'hui encore le "traître", le "sinistre", le "monstre"..... Qui était donc Paoli, et qu'a-t-il fait ?


Pierre-Marie Paoli est un Berrichon né le 31 décembre 1921 à Aubigny-sur-Nère, un village situé à 60 kilomètres de Bourges, de parents modestes, son père était herboriste et sa mère modiste.

A l'école d'Aubigny, il était un "bon enfant et bon élève, un peu sournois cependant et très renfermé", il obtiendra son certificat d'étude primaire et le jeudi, il fréquentait le patronage du village. Là, il aimait commander, organiser, courir, et dans les querelles d'enfants entre les "curés" et la "laïque", il avait toujours à coeur, a-t-il dit à Jean Lyonnet, de "rosser les Rouges".
En octobre 1937, il est placé à la Perception d'Aubigny comme commis. Avec l'aide du percepteur, il se présenta à un concours administratif et fut reçu, ce qui l'autorisa, le 1er mai 1938, à entrer comme "commis auxiliaire du Trésor" à la perception de Mehun-sur-Yèvre, il avait 17 ans et quittait sa famille pour la première fois.

 

Lorsque la guerre arrive en septembre 1939, il décide de changer de vie, retourne à Aubigny puis monte à Paris, et trouve de petits travaux. Il assure ainsi pendant quelques jours la fonction de "messager cycliste" pour le compte de l'Amirauté Allemande. Mais la vie parisienne n'est pas facile et Paoli revient en Berry en janvier 1942 où il reprend sa place à la Perception.
C'est le 31 mars 1943 qu'il entre comme interprète aux services de la Gestapo de Bourges, sur l'intervention d'un ami, le capitaine allemand Bruniel.
C'est le début d'une collaboration franche et totale. Les Allemands lui offrent une chambre dans le local de la Gestapo, et très vite, il est appelé à prendre ses repas avec les officiers. Il s'occupe, comme adjoint du responsable Winterling, de la section 4A qui devait lutter contre les communistes. Mais en peu de temps, il acquiert la confiance des Allemands qui lui font faire des missions de plus en plus importantes. Il bénéficie d'une liberté d'action totale et d'une grande autonomie.

Il dira à ses juges en 1945 :

"J'étais persuadé de ne pas trahir mon pays, mais au contraire de le servir, je me jetais corps et âme dans mes nouvelles fonctions...... Je ne pensais pas trahir mon pays, mais l'aider à se débarrasser des maquisards.....De plus, les pillages auxquels les maquisards se livraient, les vols qu'ils commettaient et que je voyais de très près, soulevaient mon indignation, froissaient mes principes d'ordre et du respect de l'autorité que j'ai toujours eu".

Marc Tolédano, dans son Franciscain de Bourges, évoque sa rencontre avec Paoli, c'était au siège de la Gestapo. A sa vue, le sinistre Schultz déclare :

"Ah, voila Paoli, un compatriote à toi, c'est un spécialiste de l'arrachage des ongles" et s'adressant en fait à Paoli, il lui demande de "s'exercer sur le jeune garçon qui ne veut pas parler". Paoli dévisagea Tolédano, et murmura en allemand :"Non, je n'ai pas le temps, il faut que je passe à la prison pour voir un Juif, que la police de Vierzon nous a envoyé".

Il écrira que Paoli avait mis au point les supplices les plus raffinés; outre l'arrachage des ongles, c'était le découpage de la peau en lanières, l'électrocution contrôlée ou encore la pendaison par les pieds.
On estime à plus de 300 le nombre de personnes arrêtées par Paoli en une année de "travail" au profit des Allemands. La plupart des gens qui passaient entre ses mains n'en ressortaient pas, c'était la mort ou le départ pour un camp de concentration.
Marcel Cherrier faisait partie des hommes à abattre, il représentait ce qu'il fallait détruire et Paoli s'efforcera d'aider les Allemands à l'arrêter. A ce propos , Marcel Cherrier confiera quelques années plus tard :


"Paoli était connu de nous tous les Résistants, pour sa cruauté, son cynisme, ce traître qui, chaque jour venait arrêter des patriotes, il les torturait, et les envoyait à la mort, soit dans les camps de concentration, soit devant les pelotons d'exécution.
Il a commis des crimes innombrables dans le département".

Il ajoutait, ayant eu l'occasion, avec le Juge Lyonnet, de l'interroger plusieurs fois sur ses crimes afin de lui demander un certain nombre de précisions :

" Je crois que c'était un lâche, car il se serait mis à table si il avait été sûr de bénéficier de la mansuétude des pouvoirs publics. De toute façon, il avait accompli tellement de crimes qu'il n'était pas question de faire preuve de mansuétude."


LE PROCES PAOLI

Parmi les grands procès de l'après-guerre, celui que les Berruyers attendent, c'est celui de Paoli.

Il va s'ouvrir le 2 mai 1946, au Palais de Justice de Bourges. Il est 14 heures lorsque la première audience commence, la salle est comble lorsque le Président Gestat entre, accompagné de Gibert, Commissaire du Gouvernement. L'accusé est introduit dans la salle, entouré de 8 gendarmes, à son arrivée "un murmure houleux qui provoque des remous dans la salle, puis s'étouffe vite". Paoli entre, il est pâle, et promène un regard assuré sur la foule. Il sait ce qu'il a fait, il sait ce qui l'attend.
Durant l'acte d'accusation, il n'y a ni trouble, ni émotion chez l'accusé. Il reconnaît tous les chefs d'accusation, ses arrestations pour le compte des Allemands dans tout le Cher et ceux de son village natal d'Aubigny, les tortures infligées aux patriotes, son rôle à Saint-Amand dans la rafle des Juifs, il ne récuse rien, sinon les meurtres commis de manière crapuleuse. Il ne veut pas qu'on le prenne pour un voyou.

Se succèdent à la barre les rescapés de Paoli, et parmi les témoignages attendus, celui du sénateur Marcel Plaisant. Cet avocat remarquable "dépose dans une forme oratoire châtiée". Il raconte son arrestation à Paris et son transfert à Orléans, puis Bourges où il se retrouve devant Paoli. Il relate avec beaucoup de détails, les questions insidieuses de ce traître berrichon. Il remarque la vulgarité du ton et du langage, mais c'est lorsqu'il explique les tortures qu'il reçut que le public retint son souffle. Il va longuement expliquer ce qu'était le supplice du courant électrique, qu'il reçut à la tête ou dans la poitrine. Puis ce sont les coups, ceux portés avec une corde tressée ou avec une chaise. Il subit pendant trois heures les "pires brutalités", avant d'être réintégré au Bordiot, "plus mort que vif".

D'autres témoins viennent et revivent leur souffrance, c'est le docteur Cliquet de Vierzon qui évoque le supplice du découpage de la peau des pieds avec une lame de rasoir.....c'est monsieur et madame Lerale qui "viennent retracer les pillages et tortures que leur infligea Paoli".

Les supplices apparaissent si odieux et si incroyables que l'on serait tenté de penser que Paoli va nier, qu'il va chercher à contester certains témoignages, car il n'y avait pas ou peu d'observateurs lors de ces séances. Mais Paoli n'ajoutera rien aux récits, il acquiesçait. Ainsi sur les 23 arrestations effectuées par Paoli à Aubigny, seules 4 personnes sont revenues de déportation.

La salle est indignée lorsqu'il admet avoir répondu à un homme qui lui reprochait de se tenir aussi mal, et auquel il répondit : "Je ne suis pas Français, mais Allemand".

Le dernier témoin sera le survivant des Puits de Guerry, Charles Kramëisen, et le traître niera avoir précipité vivant les malheureux Juifs.... alors que des cris parviennent de la salle : "salaud".
Mais ces manifestations de la salle seront rares, les discussion resteront toujours d'une haute tenue, chacun reconnaît le rôle exemplaire des avocats de l'accusé, qui restent calmes et qui, à aucun moment, ne cherchent à troubler les débats. Il est rare que Paoli intervienne, à la suite d'un des récits de ses "criminels exploits", il répond invariablement "c'est exact".

La cour se retire pour revenir à minuit quarante cinq, il sera répondu "oui" à toutes les questions, sans circonstances atténuantes, le verdict est énoncé sans surprise : c'est la peine capitale.

Le samedi 15 juin 1946 Paoli sera passé par les armes au point 1000 du polygone. Devant le peloton d'exécution, il fume une dernière cigarette, refuse qu'on l'attache ou qu'on lui bande les yeux, une salve troue le silence, Paoli tombe la tête en avant, c'est fini. Le dernier acte est joué.

Cette mort sonne véritablement d'une manière symbolique la fin de ces années de larmes et de sang. Désormais, une page se tourne, la vie va reprendre, avec ses petites histoires, sa politique politicienne, ses joies et cette recherche du bonheur.

en savoir plus :

Le Franciscain de Bourges de Marc Tolédano
L'affaire Paoli de Jean Lyonnet

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