Parmi les nombreux lycées
de Bourges, Marguerite de Navarre, Pierre Emile Martin, Jean
de Berry... etc il en est un qui a une valeur historique particulière
par son nom "Alain Fournier", et aussi par sa géographie
symbolique de plusieurs époques.
C'est à partir de
1558 que la ville de Bourges décide la construction d'un
collège dans un bâtiment utilisé par le prieuré
Notre-Dame-la-Comtale, situé tout au nord de la Ville,
sur l'ancien rempart gallo-romain, tout proche de ce qui était
alors la mairie.
C'est Jean Niquet, qui acquiert ce lieu
en 1573, il était abbé de Méobecq et de
Saint Gildas en Bas Berry, et ce Niquet confie l'établissement
aux Jésuites.
Les Jésuites agrandissent
le lieu et en confient les grosses modifications au père
Martellange.
Ce Bâtiment a donc été conçu
par un des plus célèbres architectes Jésuites,
le père Etienne Martellange au début du XVII ième
siècle, à partir de 1615.
Les Jésuites étaient installés à
Bourges depuis 1572, ils prendront possession de cet édifice
sobre doté d'une beauté classique. Les élèves
des Jésuites afflueront, on trouve sur les listes de présence
le Grand Condé et le célèbre prédicateur
Louis Bourdaloue.
Les jésuites partis, c'est en 1803 qu'est institué
le lycée Impérial. L'arrêté date
du 16 floréal de l'an XI, c'est à dire le 6 mai
1803.
Après l'Empire il devint Collège
royal en 1815, puis collège de 2 ° classe en 1828.
Ce n'est qu'en février 1_48 qu'il prit le nom de lycée.
A noter à titre d'exemple que l'année
scolaire 1860-1861 comptait pour le lycée Impérial
280 élèves dont 155 internes ou demi-pensionnaires.
En 1907, il compte 301 élèves, internes et externes.
La plaque commémorative rappelant
que Edouard Branly fut professeur dans ce lieu fut apposée
sur la façade le 29 juillet 1942. Edouard Branly , né
à Amiens en 1844, occupa le poste de professeur de physique
dans ce lycée à l'âge de 24 ans, au sortir
de l'Ecole normale supérieure. C'était son premier
poste, mais il ne resta qu'une saison !
On doit à ce savant le "cohéreur"
qui va permettre tout simplement l'invention de la TSF.
C'est en 1937 que le lycée de la
rue de Paradis (rue Branly actuelle) prend le nom d'Alain Fournier
lequel fut en effet un des élèves de cet établissement.
Le nom fut proposé et donné
en 1937 nous dit Robert Lechêne " à l'initiative
et sur proposition de M. Henri Gillet, qui était professeur
de lettres (pour la classe de première en 1943 - 1944).
Ce professeur était un homme de grande culture et de grandes
qualités pédagogiques et humaines, passionné
d'Alain Fournier sur qui il publiera un livre en 1948 ("Alain-Fournier",
348 pages, aux éditions Emile Paul).".
Au cours de cette cérémonie
officielle du 23 mai 1937, présidée par M. Marcel
Abraham, représentant le ministre de l'Education nationale
et en présence de Mme Isabelle Rivière, la soeur
d'Alain Fournier.
A côté,
l'Hôtel des Echevins fut appelé le "Petit lycée", avec des classes de la 10° à la 8
°.
Ce lycée, nous confie Robert
Lechêne, dans lequel j'ai fait mes études de la
7ème à la philo (année 1944/45), et même
fait ma communion solennelle en 1938 dans sa chapelle, puisque
ce lycée avait encore un aumônier (l'abbé
Jacquart).
Détail de l'Histoire relatif
à mon lycée, c'est au petit lycée, actuel
Musée Estève, que furent retenus pour interrogatoire
pendant les deux ou trois jours suivant la Libération
les gens soupçonnés de collaboration. Comme il
faisait très beau en ce début de septembre, on
pouvait les voir aux grilles de la rue Branly
Puis le lycée Alain Fournier est
déplacé aux Gibjoncs au milieu des années
1970.
GEORGES
POMPIDOU INAUGURE LE LYCEE ALAIN-FOURNIER
La renaissance de l'Université de
Bourges est une des grandes préoccupations de Boisdé.
Un comité départemental d'Action a été
créé par M. Blaise, il se réunira le 3 mai
1965, et à l'ordre du jour : l'Ecole Nationale Supérieure
d'Ingénieurs. Le maire vient de passer quelques jours
à Orléans, et il s'insurge contre le fait que la
région "Centre" comporte deux grandes métropoles
de plus de 100 000 habitants. Il demande que l'on pense à
Bourges, car sa ville a 75 000 habitants et Saint-Doulchard 5000,
si l'on ajoute Mehun, Saint-Florent et Vierzon, "on peut
considérer près de 120 000 habitants".
Boisdé termine en parlant de l'enseignement technique,
dont nous serions la capitale. Il rêve d'une grande université,
il le dit volontiers "c'est mon rêve familier".
En attendant des projets qui vont "traîner" encore
une trentaine d'années, le Maire fait face au quotidien
et à l'enseignement dans les nouveaux quartiers de la
ville.
La construction de Bourges-Nord s'est
accompagnée de la réalisation de plusieurs groupes
scolaires. Ainsi, au début de l'année 1965, un
avant-projet est proposé pour édifier les "groupes
scolaires Chancellerie IV, dits Les Merlattes".
Il s'agit d'un premier ensemble de 10 classes primaires et de
2 classes maternelles, étudié par le système
chevalet de M. Blanchot, l'architecte. C'est le 31 juillet 1963
que le Ministère de l'Education nationale avait autorisé
cette construction. Plus tard, des compléments seront
apportés afin de doubler le nombre d'élèves.
La concrétisation de l'enseignement
dans le nord de Bourges se fera à travers les constructions
de deux édifices assez considérables : le lycée
Alain-Fournier et le lycée agricole.
Le premier verra la présence à
Bourges du Premier Ministre lui-même.
Georges Pompidou gouverne la France, dans
cette période de prospérité que sont les
"30 glorieuses". De Gaulle, légèrement
contesté l'année précédente dans
les présidentielles, s'est remis et son premier ministre
parcourt la France, tandis que le général est empêtré
dans "l'affaire Ben Barka".
Le 26 octobre 1966, à 9 h 30,
accompagné d'Olivier Guichard, il atterrit sur la piste
de Bourges à bord d'un Mystère XX. Il vient à
Bourges afin de procéder à une visite et à
quelques inaugurations, comme cela est courant sous toutes les
Républiques.....
Tout commence avec une visite détaillée
de la Maison de la Culture, avec Raymond Boisdé et Pierre
Potier, ce dernier étant vice-président du Conseil
d'Administration de ladite "Maison". Le Premier Ministre
est d'abord attiré par le Stabile de Calder, avant de
s'arrêter longuement devant le panneau donnant la programmation
de la saison 66-67, l'importance des manifestations proposées
le surprend, c'est vrai que les Berruyers ont beaucoup de chance
dans ces années-là.
Puis le circuit se poursuit avec la visite du "Petit Théâtre",
la salle de lecture et quelques salles annexes, avant de voir
l'exposition du peintre Yves Brayer : "hommage à
une enfance". Le peintre est présent, et la discussion
s'engage, car le Premier Ministre est très féru
d'art contemporain. Raymond Boisdé explique que c'est
à Bourges qu'Yves Brayer a passé une partie de
son enfance.
Comme toutes les visites de ce type, il faut aller vite, et le
cortège ne peut pas poursuivre d'intéressantes
conversations qu'il faut déjà s'en aller plus avant.
Et l'ensemble des personnalités se retrouve dans le "Grand
Théâtre", alors que Boisdé demande à
chacun le silence :
" je vous ai préparé une surprise"
dit-il à l'adresse de M. Pompidou,
les lumières s'éteignent et la voix de Malraux
retentit dans la salle, forte et belle. Il s'agit d'une partie
de l'enregistrement réalisé lors de la venue de
De Gaulle et de son ministre de la culture, c'était l'année
précédente.
La lumière revenue, Raymond Boisdé propose à
M. Pompidou d'essayer les sièges pour lui montrer le confort
des spectateurs..... Il n'est pas certain que le chef du gouvernement
ait beaucoup affectionné ces fauteuils... qui sont loin
d'être d'un confort appréciable.
En fait, Georges Pompidou n'était
pas venu à Bourges que pour visiter la célèbre
"maison", il devait aussi procéder à
deux inaugurations situées toutes deux dans le nouveau
quartier nord de Bourges, Chancellerie et Gibjoncs.
Les personnalités se dirigèrent alors au Centre
socio-éducatif, annexe de la Maison de la Culture, situé
derrière la tour centrale et dont le responsable est Bernard
Delagrange. Il est entouré de l'architecte, Guy Pison
qui déclare :
"Le loisir est une invention
récente : de tout temps l'homme fatigué devait
se reposer, et aux journées de travail succédaient
les fêtes religieuses ou profanes.
Aujourd'hui, il ne suffit plus de se soucier du loisir dans sa
durée, il faut en prévoir l'emploi et son organisation
collective".
Ce Centre socio-éducatif prendra
des noms comme Maison des Jeunes et de la Culture, avant de devenir,
plus simplement, "une maison des jeunes" et aujourd'hui
un Centre Culturel. On y pratique toute sorte d'activités,
et parmi les plus originales comme le ski, la plongée,
la bande dessinée, l'art floral japonais, sans oublier
un club du 3e âge et les ateliers d'enfants du mercredi.
Cette Maison des Jeunes est prospère, et les responsables
locaux espèrent en créer une autre aux Gibjoncs.
Et puis, le grand moment arriva, avec l'inauguration
très officielle du nouveau Lycée de Bourges qui
portait le nom de Lycée Alain-Fournier, rappelant par
là-même que le père du Grand Meaulnes avait
fait ses études à Bourges.
Dans un premier temps, ce Lycée
fut appelé "Lycée de garçons des Gibjoncs",
et le projet fut accepté par le conseil municipal de Bourges
le 29 janvier 1962. Quelques mois plus tard, le 22 novembre 1962,
une Convention liait l'Etat et la Ville de Bourges, qui agissaient
en qualité de maîtres de l'ouvrage.
Les travaux dureront plusieurs années, avec une première
tranche comprenant les bâtiments du premier cycle, de l'administration
et des installations sportives. Plus tard, un second avenant
en date du 7 août 1964, permettra de commencer les cuisines
et réfectoires. Il faudra au total 5 avenants et un coût
total de plus de 12 millions de francs.
Le Lycée terminé, quelques
critiques apparaissent. C'est André Cothenet qui trouve
qu'il s'agit de l'oeuvre "d'un artiste", mais du côté
pratique, il y a mieux à faire.... Les cours de récréation
sont ouvertes en plein Nord, "ce n'est pas tenable",
ajoute l'ancien maire de Bourges. Il remarque aussi qu'il y a
près de 3 hectares de pelouses, mais aucun crédit
n'a été prévu pour les entretenir.
Boisdé défendra le projet, en ajoutant que plusieurs
"des inspecteurs généraux qui se sont succédés,
avaient modifié profondément ce que leurs prédécesseurs
avaient projeté, mais il a bien fallu quand même
se décider à accepter un projet".
Il salue l'architecte, M. Fayeton, qui
a conçu ce bâtiment, et termine ainsi :
"Ceux qui ont visité
ce Lycée Alain-Fournier des Gibjoncs ont eu l'impression
que c'était une réussite. Dans toute réussite,
il y a peut-être des corrections à apporter dans
certains points de détails ; je pense qu'on y parviendra".
Ce 29
octobre 1966, le froid était
vif. On remarquait parmi les personnalités, le recteur
Antoine, un personnage haut en couleur, grand amateur des médias,
avec un accent rocailleux inimitable, il était accompagné
par M. Bianchéri, inspecteur d'académie, et de
M. Malaurie, proviseur.
Georges Pompidou, descendant de voiture, entre dans une salle
pour étudier les plans de lycée, il cherche à
se repérer, il est quelque peu désorienté.
Ce n'est pas le cas du recteur Antoine, lequel est venu 5 jours
auparavant pour une visite surprise, soit pour voir si tout était
bien en place, soit pour servir de guide au Premier Ministre.
Ce jour-là, il avait fait la visite en compagnie de Mrs
Depège et Henry.
La visite est une suite de parcours entre
des couloirs et des escaliers. Au détour d'une salle,
les personnalités virent des élèves en train
de disséquer des rats. Plus loin, M. Pompidou se retrouva
à la place d'un professeur de physique dans une classe
de Mathématiques Spéciales, lui rappelant quelques
souvenirs, même si la physique n'était pas précisément
sa spécialité.....
L'inauguration officielle se traduisit par un drapeau tricolore
qui est ôté de la plaque fixée au mur. Comme
le drapeau ne se détacha pas comme prévu, Boisdé
et le préfet Escande durent venir à la rescousse.....
Et tout entra dans l'ordre.
Puis vint l'heure des discours, toujours très attendus,
et souvent importants. Georges Pompidou déclara en arrivant
:
"Un grand avenir pour le Cher,
mais il lui faut le préparer et le forger"
Monsieur Boisdé, qui avait une grande
habitude de côtoyer des ministres, premiers ou non, fit
un discours qui portait essentiellement sur l'enseignement à
Bourges. Il était persuadé que rien ne se ferait
à Bourges sans un enseignement universitaire de grande
valeur. Après avoir rappelé que les différentes
réalisations qu'il avait vu à Bourges dépendaient
de 8 ministères différents, il poursuivit par un
plaidoyer pour sa ville :
"Nous ambitionnons pour notre
ville, d'être le siège d'une Université,
la plus moderne de toutes, l'Université que j'appelle
l'Université du 21e siècle, tout en souhaitant
que l'on n'attende pas l'an 2000 pour la réaliser".
A la suite de ces paroles, le Premier Ministre
fit un discours très classique, dans lequel il évoqua
pêle-mêle, le Sancerre, le Quincy et le fromage devant
les accompagner.... en terminant tout de même par l'espérance
que tout cela doit se "doubler d'une industrialisation progressive".
Enfin, sans faire expressément des
promesses, M. Pompidou poursuit ainsi :
"....Bourges, centre d'une province
en pleine expansion, qui mérite à la fois que le
gouvernement veille à l'aider dans sa croissance et qui
mérite aussi que ses élus, ses représentants
soient écoutés dans leurs revendications".
Chacun restait quelque peu sur sa faim,
lorsque le lendemain, les députés du Cher, et plus
particulièrement Jean Boinvilliers annonça qu'il
avait eu des entretiens avec le Premier Ministre et que celui-ci
lui avait fait plusieurs promesses, dont l'élargissement
du Pont d'Auron !