La Libération de Bourges par Roland Narboux - Bourges encyclopédie

L'ENCYCLOPEDIE DE BOURGES
ECONOMIE
URBANISME
PATRIMOINE
CULTURE
POLITIQUE
ENVIRONNEMENT
HISTOIRE

LA LIBERATION DE BOURGES
Par Roland NARBOUX

Evénement majeur de la ville de Bourges, avec la Libération du 6 septembre 1944. (en fin d'article, le discours de M. Maurice Renaudat sur Pierre Jacquet, Georges Cazin, Hubert de Lagarde, Louis Delamarre et Edme Boiché).

 RETOUR AU SOMMAIRE
 
 
RETOUR A LA PAGE D'ACCUEIL
Version 2009

Compte tenu de l'importance de l'article, , chacun peut aller sur un des paragraphes suivants en cliquant dessus.

Bourges à l'heure du débarquement
La tragédie des puits de Guerry
Bourges libérée
Charles Cochet, acclamé maire de Bourges
La colonne Elster
L'épuration
 
Les Résistants : Pierre Jacquet, Georges Cazin, Hubert de Lagarde, Louis Delamarre et Edme Boiché

1944, les Alliés ont pris pied en Italie et leur avance s'effectue avec de très lourdes pertes, en particulier à Monte Cassino en Italie. A l'autre bout de monde, le général Mac-Arthur, face aux Japonais, relève la tête et progresse d'île en île à travers le Pacifique.
En France, le général de Gaulle rassemble les Résistants sous le nom de F.F.I., Forces Françaises de l'Intérieur. Une commission d'action, le COMAC, est constituée. Dans cet organisme, qui se veut fédérateur, sont représentés l'Armée Secrète formée de gaullistes, les Francs-Tireurs et Partisans en majorité communistes, et l'Organisation de Résistance de l'Armée avec Giraud.

Les Résistants paient très lourdement leur tribu à la lutte contre les nazis. C'est l'arrestation, puis la mort de Jean Moulin, le suicide de Pierre Brossolette, se jetant du 5ème étage d'un immeuble de la Gestapo, l'exécution par la Milice de Jean Zay, l'ancien ministre de l'Education Nationale du Front Populaire. Ces trois hommes étaient francs-maçons.

 

BOURGES A L'HEURE DU DEBARQUEMENT

Les bombardements se sont intensifiés sur Bourges depuis le début de l'année. Le lundi de Pâques, c'était un 10 avril, vers 9 heures 30, une formation de bombardiers anglo-américains abordait Bourges par l'Est, et les témoins, qui virent la vague arriver, comprirent : l'aéroport était visé.
Les bombes s'étalaient, rue Charlet, rue de Séraucourt ou rue Albert Hervet, ce qui fit écrire à Jongleux : "les bombes incendiaires tombaient, soit avec intention, soit par un défaut d'arrimage des engins, à moins que ce ne soit une erreur de calcul des distances".
Il y aura de nombreuses victimes.
Les bombardements sur Bourges, dans les quelques jours qui vont précéder le débarquement, se font sentir de plus en plus fréquemment. C'est ainsi que le 4 juin, un nouveau raid est effectué faisant 17 morts et une dizaine de blessés graves.

Le 6 juin 1944, c'est le débarquement, on n'en sait pas grand chose à Bourges, mais c'est assez vite que l'information circule. Une dépêche de Vichy signale que "les Allemands pourront être amenés à prendre des dispositions spéciales dans la zone de combat" et le 8 juin, à 16 h 30, le gouvernement demande aux Français : "vous ne devez en aucun cas vous laisser entraîner à intervenir de quelque façon que ce soit".
Ainsi, pendant tout le mois de juin 1944, c'est un mélange d'espoir et de crainte. Les Alliés ont pris fermement pied sur le sol français, et le général de Gaulle est en Normandie le 28 juin. Il y a le "jusqu'au boutisme" des hommes de Pétain et Laval, d'autant que le 28, Philippe Henriot le ministre de la propagande, est assassiné, les collaborateurs notoires n'ont plus rien à perdre.


Les bombes continuent à tomber sur Bourges. Le 26 juin, l'alerte dure trois heures et demi. Le 27, nouveau bombardement, les Alliés veulent totalement détruire l'ensemble des installations de constructions d'avions, et cet objectif sera atteint.

Dans les moments les plus tragiques, l'administration reste en place, et parfois de manière surréaliste. Ainsi, à la suite des bombardements par les Anglo-américains, les Allemands demandent de la main-d'oeuvre pour déblayer l'aéroport. Il faut que la ville fournisse 400 personnes par jour. Mais, les 2 et 3 juillet il n'y eut que 22 travailleurs le premier jour et 18 le second à se présenter. La ville se vit infliger une amende de plus de 100 000 francs qu'il fut impossible de faire baisser.
La ville pouvait aussi répartir les pénalités sur l'ensemble des défaillants à raison de 300 francs par personne. Mais la Feldkommandantur autorisait la ville à payer si les requis avaient une excuse pour ne pas s'être présenté au travail de déblaiement.
Une commission, avec Mrs Lamy, Lice, Chedin et quelques autres conseillers municipaux, examina les réclamations écrites présentées pour ceux qui le mériteraient. C'est ainsi que 284 requis verront leur amende payée par la Ville dans la rubrique "budget supplémentaire de la Commune". Le Conseil adoptera le règlement financier de cette affaire.

Pour Edmond Jongleux, le moral des Berruyers est bon malgré l'intensification des bombardements par les Anglo-américains et la propagande de Vichy pour que les jeunes s'enrôlent dans la L.V.F. En effet, du 7 au 12 août, la Caisse d'Epargne de Bourges a reçu en dépôt de la part de l'ensemble des Berruyers la somme de 1,3 millions de francs, et ne leur a remboursé qu'une somme de 285 000 francs, preuve indéniable de confiance.

La population de Bourges sent que le vent tourne, malgré les informations des Allemands sur les dégâts causés par les nouvelles armes V1 et V2. Il y a des signes qui ne trompent pas.
Ainsi, la Kommandantur invite les propriétaires de véhicules à se présenter à Bourges, place Séraucourt. Pour beaucoup, cela signifie qu'il "faut absolument des moyens de transport.... pour partir". Et puis des explosions se font entendre de manière régulière. C'est le 18 août à l'Aéroport et au Polygone, et on chuchote que les derniers Occupants allemands pourraient bien mettre à exécution leur projet de faire sauter la Poste, la Caserne Condé, les carrières de Saint-Amand et surtout la fulminaterie, laquelle contenait 20 tonnes d'explosifs de type "fulminates". Dans ce dernier cas, les dégâts seraient énormes.
Le 19 août, dans la journée, les Allemands mettent le feu aux casemates du point 1000, alors que vers 21 h 30, des bombes incendiaires détruisent le magasin des réserves du terrain sud de l'ABS. Pendant plusieurs heures, le ciel est en feu alors que se déclare un violent orage comme le Berry en connaît parfois au mois d'août.
Le lendemain, c'est un dimanche, les Allemands poursuivent leur oeuvre de destruction, ils incendient plusieurs locaux de l'Ecole Nationale Professionnelle de Jeunes Filles, qu'ils occupaient depuis 4 ans, et font les mêmes tentatives pour l'asile de Beauregard et le patronage laïque de Vauvert.

Devant ces multiples tentatives de destructions, et compte tenu de la présence massive des forces des F.F.I. aux portes de Bourges, une délégation comprenant messieurs Lamy, qui faisait office de premier magistrat de la cité, Verglas, Secrétaire Général de l'Hôtel de Ville et Roger, Président de la Croix Rouge, se rendit à la Kommandantur en vue d'obtenir la réddition des troupes allemandes stationnées à Bourges, sous couvert de la Croix Rouge.
Ces propositions furent rejetées.
Par contre, les Allemands indiquèrent qu'ils évacueraient la ville en cas d'attaque Anglo-américaine, mais s'il s'agissait de F.F.I., ils combattraient. Ces renseignements furent communiqués par un membre de la délégation au colonel Bertrand.
La situation de Bourges était donc dramatique, beaucoup craignaient les explosifs dissimulés par les Allemands, en particulier ceux de la fulminaterie, capables à eux-seuls de détruire une partie de la ville et de la cathédrale.

C'est à un chef d'atelier de la Pyrotechnie, Alphonse Durand, que l'on doit la neutralisation des dispositifs de mise à feu de la fulminaterie. Alphonse Durand raconte son épopée en termes simples : "Sous une pluie battante, nous sommes entrés dans la pyrotechnie..... je partis seul reconnaître le genre de destruction préparés par les Allemands. Il nous fallut plus de deux heures pour le rendre inoffensif". Les artificiers d'alors qui accompagnaient A Durand, MM Blanchard et Bouillet, sans oublier M. Gaudry, ont pris d'énormes risques. Ainsi, le lendemain, ils participèrent au déminage des carrières de Dun en neutralisant pas moins de 92 dispositifs de destruction. Plus tard, ils opérèrent à la Kommandantur, dans laquelle, les Allemands avaient laissé un sac piégé de 30 kilogrammes d'explosifs.

Les derniers jours du mois d'août, les Berruyers virent passer les troupes allemandes en déroute : c'était la débâcle. Le 28, ce sont 60 chevaux et 40 voitures qui stationnent dans le jardin ombragé de l'Hôtel de Ville, prêts à fuir.
Le mois s'achève sur un manifeste et un appel aux armes. Il s'agit d'une affichette signée de la Confédération Générale du Travail placée rue des Arènes, qui lance un mot d'ordre de grève générale insurrectionnelle, "pas un seul Boche ne doit nous échapper : tous morts ou prisonniers, pour le combat pour la Liberté, tous ensemble en avant".

Après les voitures, ce sont les vélos qui sont réquisitionnés, ce qui prouve l'état de dénuement des troupes allemandes. La défaite est inscrite dans ces derniers actes, et chacun se demande si des tragédies comme Oradour ne peuvent pas se reproduire dans un quelconque village du département.

Il n'y aura pas d'Oradour, mais un drame parmi les plus abjects de cette guerre. L'Histoire retiendra pour le Cher, "la tragédie des puits de Guerry" dans laquelle nous retrouverons le sinistre Paoli, cette page est la honte du Berry.

Bourges sous la botte allemande par Edmond Jongleux (non publié)
Nouvelle République du 6 septembre 1994
Témoignages d'Alphonse Durand

LA TRAGEDIE DES PUITS DE GUERRY

Tout commence en fait, le 6 juin 1944. La ville de Saint-Amand se libère de l'emprise allemande, c'est peut-être un quiproquo, ou une volonté d'aller plus vite, de forcer les événements, et de penser, comme beaucoup, qu'à l'annonce du débarquement, une insurrection générale devait se produire en France. Le résultat est mitigé, si les maquisards s'emparent de la ville avec quelques coups de feu, contre les Allemands et la Milice locale, quatre jours plus tard, les Allemands reviennent en force et réoccupent la ville que les maquisards, trop peu et faiblement armés, ont précipitamment évacuée.
Cette ville avait accueilli de nombreux réfugiés alsaciens-lorrains qui vivaient paisiblement. Mais le chef milicien Lécussan réussit à persuader les autorités allemandes que "les israélites alsaciens-lorrains étaient à l'origine du mouvement du 6 juin 44 ."
Aussitôt, la lourde machine répressive se mit en route, et le 21 juillet, sous le commandement de Hassé, chef de la Gestapo de Bourges, dans la voiture duquel avait prit place Paoli, des Allemands et Miliciens firent une rafle des Juifs de Saint-Amand. Paoli participa à cette action, puisqu'il reçut le commandement de 7 hommes avec la liste des familles qu'il devait arrêter. Il n'y avait pas, comme à Paris, un vélodrome d'hiver, alors les Juifs étaient amenés dans la salle du cinéma "Rex". Comme l'écrit Jean Lyonnet dans son ouvrage, "Paoli jouait non seulement un rôle actif, mais un rôle de chef".
La rafle dura toute la nuit et, à 4 heures du matin 71 personnes étaient enfermées, alors que les miliciens procédaient au pillage systématique de leur maison.
Des camions emmenèrent les otages à la prison de Bourges, Hassé et Paoli avaient l'air ravi, la mission avait été un succès. Seulement, l'état de désorganisation des Allemands était tel qu'il n'était plus possible de conduire ces Juifs à Drancy, ni question de les envoyer en Allemagne comme à l'habitude. Alors, il fut décidé de les "liquider" sur place. Il y avait une volonté de tuer chez Paoli et ses "amis" allemands.
Hassé réunit ses officiers de la Gestapo, ainsi que Paoli, et leur donna l'ordre de transporter les hommes dans "un endroit isolé du Polygone, d'y rechercher une carrière, de les précipiter et de recouvrir leur cadavre".
Le 24 juillet, il est 16 heures, les 26 Juifs sont appelés, placés dans un camion qui pouvait à peine contenir une quinzaine de personnes. Paoli était en uniforme allemand, il avait ordonné aux malheureux Juifs de prendre leurs bagages pour ne pas les effrayer, puis il s'installa dans la Citroën de la Gestapo avec quatre officiers. Ils se rendirent, en voiture et camion, à Savigny-en-Septaine, à une douzaine de kilomètres de Bourges.

Un homme racontera l'ensemble de cette tragédie, il s'agit de Kramëisen, qui va réussir à s'échapper miraculeusement. Les Juifs, voyant qu'ils étaient en plein bois, avaient compris, l'un d'eux, refusera de périr ainsi, il dira à ses camarades de malheur :
"j'aime mieux être tué de dos que de face, je chercherai à me sauver" .
Et il réussira à s'échapper.

Ses autres compagnons n'auront pas sa désespérante détermination ni sa chance. Le récit de ces atrocités a été fait par Paoli qui a décrit devant ses juges sa version des faits. Par groupe de 6, les Juifs étaient conduits au bord d'un puits, auparavant, ils avaient dû prendre un sac de ciment de 50 kilos et, devant la margelle du puits, chaque Juif était abattu d'une balle dans la nuque puis projeté au fond du puits, ensuite, les pierres étaient envoyées au fond, recouvrant les victimes.
En vérité, cette version de Paoli n'est pas totalement exacte, la réalité des faits est sans doute plus atroce encore. Les Juifs ne furent pas jetés dans le puits après avoir reçu une balle dans la tête mais, à deux ou trois exceptions près, les malheureux étaient précipités vivants dans le puits et les blocs de ciments étaient jetés sur eux. Ils sont morts par asphyxie.
Il faudra toute la persuasion de Charles Kramëisen, à la Libération, pour faire entendre sa voix sur le drame. Pour les autorités, les Juifs de la rafle de Saint-Amand avaient disparus, ils devaient être en Allemagne, dans un camp, et les hommes de la Gestapo avaient fui ! Ce n'est qu'après bien des démarches que Kramëisen, pris pour un mythomane, réussit à emmener des membres d'une commission d'enquête vers la ferme de Guerry.


On découvrit alors les corps des 26 victimes le 20 octobre, et, en poussant davantage les recherches, les corps de 8 femmes assassinées dans les mêmes conditions le 8 août 1944 furent retrouvés dans un puits éloigné des précédents.

L'Affaire Paoli par Jean Lyonnet
1944... et le Cher fut libéré par Alain Rafesthain

 

BOURGES LIBEREE

Après le débarquement et les durs combats qui vont se dérouler dans les villes martyres comme Caen, Cherbourg ou Falaise, le symbole pour la France se situe le 25 août avec la Libération de Paris.
Les troupes alliées progressent de tous côtés, et bientôt, les grandes villes cherchent aussi à "bouter" les nazis hors de leur cité. Bourges n'échappe pas à la règle, mais ce n'est pas une ville stratégique, et l'avance des Anglo-américains ne revêt pas une urgence particulière.

L'ensemble des mouvements de Résistance dans le Cher cherche à libérer la capitale du Berry. Des FTPF de Marcel Cherrier au 1er R.I. de Bertrand, en passant par le colonel Colomb, de son nom Arnaud de Vogüe, tous veulent participer aux derniers combats.
C'est à cette époque que se constitue le C.D.L., Comité Départemental de Libération, qui doit prendre la place de tous les rouages administratifs contrôlés par Vichy. C'est une forme "d'Union sacrée" puisque ce Comité, placé sous la présidence de l'avocat et ex-parlementaire Marcel Plaisant, s'est doté comme vice-président du communiste Marcel Cherrier. A leurs côtés, des hommes aussi différents que l'artisan Georges Rossignol, le Chanoine Le Guenne ou encore Marcel Soubret le franc-maçon.

Pierre Jacquet, qui était à l'Etat Major des F.F.I. et appartiendra au C.D.L., raconte ces événements :

"Les contacts ont été pris entre Cher-Nord, Cher-Sud, FTP, F.F.I., Premier Régiment d'Infanterie, l'union s'est faite tout naturellement avec, pour objectif principal, la libération de Bourges.
Cette Libération n'a pas été le fait d'une attaque brutale de la Résistance contre l'occupant allemand, la Résistance n'avait pas les moyens, mais la Résistance a rendu impossible la vie des Allemands à Bourges. Couper les voix de communication sans arrêt, couper le téléphone, les voix ferrées, si bien que les Allemands étaient prisonniers dans la ville.
Ils ont fui du 15 août à la fin août où il ne restait plus que quelques éléments."
L'union véritable s'est faite au sein d'un Etat-Major F.F.I. sous l'autorité du colonel de Vogüe.

 

Pierre Jacquet poursuit son récit :

"Le 6 au matin, le colonel de Vogüe avait reçu, à la ferme de Beaumont vers Menetou-Salon, des renseignements précis de la gendarmerie, par le commandant Vacher, concernant la présence des Allemands dans Bourges, il avait aussi envoyé des patrouilles qui étaient revenues, en confirmant qu'il n'y avait plus d'Allemands en nombre important, seuls restaient des groupes isolés, et désabusés.
Il a décidé d'entrer dans Bourges, il y est entré à midi, accompagné du commandant Magnon et d'une section du maquis de Menetou transportée en camionnettes et en véhicules de toutes sortes.
Il avait été précédé une demi-heure auparavant par deux "Jeeps" du 4ème bataillon de parachutistes SAS, qui étaient arrivées à la préfecture.
Deux heures après, le reste du maquis de Menetou entrait en même temps que le 1er RI du colonel Bertrand, et les FTP du colonel Hubert ; ça a été une occupation tranquille, par les 4 points cardinaux de la ville, puisque Cher-Est était aussi présent.
La Libération, ça a été surtout une explosion de joie, avec la foule sautant au cou des parachutistes et des maquisards, avec des bals qui ont duré une partie de la nuit."

Pour les Berruyers, la nouvelle fut instantanément propagée, elle fit apparaître aux façades des immeubles une multitude de drapeaux et oriflammes aux couleurs françaises et alliées, les rues s'emplirent d'une foule compacte, manifestant bruyamment, c'était "l'immense joie de la délivrance", les cloches lancées à toutes volées ajoutaient encore à la liesse générale et à l'émotion profonde du moment.

L'Etat-major des F.F.I. du Cher allèrent s'installer à la préfecture dans l'après-midi, alors que vers 17 h 30, "le citoyen Lamy recevait les membres de l'Etat-major des F.F.I. conduits par le commandant Colomb, accompagné du colonel Bertrand, commandant le 1er Régiment d'Infanterie".


Georges Lamy était entouré de plusieurs adjoints ou conseillers municipaux dont Mrs Lice, Mary, Caumont et Richet, il s'exprima en un court et solennel propos :

"La ville de Bourges vous salue.
En son nom et au nom de la population qui vient, groupée autour de vos drapeaux, de vous témoigner son enthousiasme, je vous dis, du fond du coeur : merci.
Merci pour ces instants grandioses que vous nous permettez de vivre. Dans la vie des hommes, des heures comme celles-là sont inoubliables. Leur souvenir restera gravé dans nos coeurs.
Merci, pour l'immense soulagement que vous nous apportez. Bourges sous la botte respire enfin, grâce à vous.
Merci enfin, pour l'exemple que vous nous donnez : exemple de courage, d'abnégation, de foi dans la grandeur et la pérennité de notre beau pays meurtri.
Vive la France ! Vive la liberté ! Vive la République !"

Colomb prit la parole pour remercier la municipalité de l'accueil reçu, il ajoutait qu'il espérait beaucoup de cette première entrevue.... et il fit observer une minute de silence en souvenir des nombreux absents qui donnèrent leur vie pour la cause commune.
Et tous se dirigèrent vers la Salle des Commissions pour un vin d'honneur ! Curieux pays.

Emission Recto Verso sur la libération de Bourges par Pierre Jacquet (1984)
Bulletin Municipal Officiel de Bourges Sept-Oct 1944
Bourges sous la botte allemande par Edmond Jongleux (non publié)

 

CHARLES COCHET, ACCLAME MAIRE DE BOURGES

Lorsque les autorités qui prirent le pouvoir cherchèrent à placer à l'Hôtel de Ville un maire accepté de tous, elles trouvèrent sans difficulté un accord sur le nom de Charles Cochet.
Ce notable avait été député du Cher en 1932, alors qu'il avait été élu au conseil municipal de Bourges sous le mairat d'Henri Laudier dès 1929. Resté socialiste, il était devenu le principal opposant au maire et lorsque Vichy, en application de la loi du 16 novembre 1940 sur la réorganisation des corps municipaux, renouvela le conseil municipal berruyer, Cochet sera le seul conseiller refusé par le gouvernement de Pétain. Il se désolidarise d'une politique qu'il condamne et ne manque jamais une occasion de témoigner ses sentiments. Il avait 77 ans à la Libération et son attitude ferme et inébranlable le place à la tête de la ville, en attendant les élections qui se dérouleront quelques mois plus tard.

Charles Cochet fut un personnage attachant, nivernais,il était né en 1867, son père était menuisier. Enfant doué, il réussit le concours à l'Ecole Normale et entre dans l'enseignement. Son premier poste le conduisit à l'école de la rue Nicolas Leblanc où il resta 23 ans. Puis Cochet enseigna à Massoeuvre avant de revenir à Bourges prendre sa retraite.
Marié, il a deux enfants, lorsque le malheur marque profondément son existence. Son fils meurt à 21 ans sur la Meuse en 1916, et il perd sa fille quelques années après la guerre, c'est la maladie qui a frappé. Au lieu de se replier sur lui-même, Cochet entre dans la vie associative, il s'occupe de la protection de l'enfance, du comité départemental d'hygiène, etc.

C'est en fait le 7 septembre 1944 que se déroule une manifestation qualifiée de "grandiose", avec la présence de Marcel Plaisant, Président du Comité de Libération, de Gustave Sarrien nouveau Préfet du Cher, arrivé du Loiret, et de Charles Cochet.

Le cortège se dirigea par la rue Moyenne vers le Monument aux Morts, où une gerbe fut déposée, alors que Plaisant prononçait un de ses premiers discours. Puis, le cortège prit la direction de l'Hôtel de Ville et Marcel Plaisant annonça de manière solennelle l'installation du nouveau maire : Charles Cochet, lequel s'avança et prononça ces quelques mots :

" Nous connaissons toute l'importance de la fonction pour laquelle nous avons l'honneur d'être désigné aujourd'hui.
Mais les difficultés qui nous attendent ne pourront qu'affermir notre désir de bien faire.
Dans l'ordre et le travail, avec des collaborateurs choisis, nous suivrons la bonne voie qu'exige la sage administration des affaires municipales de notre belle cité.
Vive Bourges ! Vive la liberté ! Vive la République ! Vive la France !"

Ainsi se terminaient ces journées de liesse, comme l'écrit le bulletin municipal officiel, "Quatre années d'asservissement et d'humiliation prenaient fin.... L'Allemand disparaissait de nos rues, de nos places, de nos établissements publics...."

Ce même jour, les Berruyers qui ne disposaient d'aucune information locale par les radios ou les journaux, devaient se contenter des avis placardés par voix d'affichage ou.... du bouche à oreille. Ainsi, parmi les nombreuses proclamations, celle du commandant Colomb résume la situation.
Après avoir informé la population que leur libération était le fait des Forces Françaises de l'Intérieur avec le concours du 4ème Bataillon de Parachutistes français, et qu'une nouvelle administration civile se mettait en place, avec pour tâche principale le ravitaillement et les réparations des destructions de l'ennemi, il insistait sur "l'ordre ainsi que sur la légalité qui doivent être respectés de tous".

Il évoquait aussi ceux qui s'étaient rendus coupables "d'intelligence avec l'ennemi.... et c'est à la Justice Française et à elle seule qu'il appartient de les juger. Personne n'a le droit de se substituer à eux."
Un autre appel cosigné de Marcel Plaisant et Gustave Sarrien est du même ton. Si ils ajoutent que "leur reconnaissance s'élève vers le général de Gaulle .... et leur gratitude vers les Forces Unies de la Résistance", ils se préoccupent surtout de l'ordre public, il y a chez ces responsables la peur d'être débordés par les extrémistes, et ils craignent de ne plus pouvoir maintenir leur autorité, ils terminent en effet leur appel par ces mots très forts :
"Nous vous exhortons à l'ordre, au calme, à une défense spontanée de la sécurité publique"

Pierre Jacquet, après ces heures de liesse, montrera avec objectivité que tout danger n'était pas écarté :
Dans les jours qui suivirent, ça a été un peu moins agité, car l'Etat major avait quelques raisons de s'inquiéter à cause de l'avance de la colonne allemande du général Elster. Pendant quelques jours, il y a eu une consigne discrète d'enlever les drapeaux qui étaient sur les édifices publiques et sur les fenêtres, car il ne fallait pas faire peur à la population.

Bulletin municipal officiel de Bourges (1944) BY P11
Interview de Pierre Jacquet pour Recto-Verso (1984)

 

LA COLONNE ELSTER

Le Sud-Ouest de la France était occupé par la 1ère armée allemande qui reçoit l'ordre de se replier sur les Vosges en rejoignant Belfort. La colonne du général Elster, forte de plus de 20 000 hommes, chargée de l'arrière-garde, ne commence à quitter Bordeaux que le 20 août, elle est la dernière à se mettre en route, et joue le rôle, selon le mot d'Henri Amouroux de "colonne balai" de l'armée allemande. Harcelés par les maquis du Massif Central, ces hommes, encore très fortement armés, remontent plus au nord que prévu, et se retrouvent en Berry dans les premiers jours de septembre.

Dans l'Indre, les Allemands qui sont condamnés à marcher au rythme des plus lents sont attaqués par les F.F.I. vers Mézières, Buzançais, alors que les avions américains bombardent la colonne entre Châteauroux et Issoudun. Arrivés dans le Cher, les premiers éléments d'Elster sont pris à partie par les F.T.P.F. du colonel Hubert, alors que d'autres accrochages se déroulent à Levet, Blet, et Dun-sur-Auron.
Des émissaires, dont le sous-préfet d'Issoudun Pierre de Monneron, prennent contact avec Elster pour l'inciter à capituler. Celui-ci ne répond pas par la négative, il pose des conditions à une éventuelle reddition, et le 9 septembre, alors qu'il transporte son P.C. du Château de la Pointerie à Châteauroux vers Châteauneuf-sur-Cher, ses hôtes, au cours de discussions lui font admettre qu'il "doit abandonner la lutte". Devant le duc Gilles de Maillé, il apparaît en effet que le général allemand ne veut pas se rendre aux maquisards français, mais à des troupes régulières américaines. Bientôt, il accepte de signer une "convention" auprès des Américains.

Ainsi, le 10 septembre 1944, à Issoudun, une "convention" ou une "reddition" est signée entre le général Elster et le général américain Macon, commandant de la 83ème Division américaine, située alors dans la région de Romorantin.

Les F.F.I. du Cher apprennent cette signature et c'est d'abord le soulagement, car une colonne de 20 000 hommes, comprenant 2 généraux et 470 officiers, disposant encore de 29 canons, 14 canons de D.C.A., 337 mitrailleuses, 24 000 armes individuelles et près de 600 voitures, pouvait faire encore beaucoup de victimes dans des combats.

Les coups portés par les F.F.I. du Cher, qui ont tué le commandant de l'avant-garde et fait prisonnier le chef d'Etat-major d'Ester, sont tels qu'ils refusent de considérer la signature de Macon comme un acte définitif. Ces maquisards remarquent que rien n'est dit sur le désarmement de la colonne, sur la prise en charge des hommes, sur les modalités effectives de la reddition. La situation est très incertaine de part et d'autre, et Elster lui-même, n'ayant rien signé avec les F.F.I. du Cher est inquiet pour ses troupes, de plus en plus harcelées. De leur côté, les Résistants français sentant les Allemands en pleine déroute veulent en découdre et pourquoi pas anéantir une partie de cette colonne.

Elster accepte donc, le 11 septembre 1944, de se présenter dans la petite commune d'Arçay mais il refuse de signer une nouvelle capitulation, il dira : "je ne peux pas signer une nouvelle reddition à l'entrée de chaque département à traverser". Un texte est donc paraphé, il s'agit pour Henri Amouroux "d'un simple ordre de marche". Celle signature se passe en présence des représentants F.F.I. du Cher, M. Omer Thébault, instituteur et secrétaire de mairie à Arçay qui fut témoin de cette scène, raconte :

"Le colonel Bertrand, commandant le Premier Régiment, arrive, suivi d'autres officiers français, du colonel américain French, d'officiers anglais dont un en tenue d'Ecossais n'est pas des moins remarqués avec sa jupe."

L'instituteur poursuit sa description qu'il a consigné dans le livre de registres des délibérations de la commune alors que le maire a ceint son écharpe tricolore :

" Derrière ces uniformes amis, vient le général Elster, accompagné de deux commandants de son Etat-Major, les dents serrées de rage...."

Participant à cette signature de la "reddition", le commandant Arnaud de Vogüe, colonel "Colomb", représentait les F.F.I. de Cher-Nord. Ainsi, Elster peut conduire ses troupes et l'ensemble de son matériel à Orléans, en trois colonnes, et ce sont les Américains qui procéderont au désarmement. Il y avait des ordres supérieurs pour que les armes des Allemands ne puissent pas être prises par des Résistants. Il semble bien que pour les Américains, si les mouvements de Résistants avaient été considérés comme très utiles lors du débarquement pour freiner l'arrivée des renforts allemands, il restait toujours un soupçon sur la droiture des Français. Pour beaucoup, en particulier chez les Anglo-américains, les F.F.I. étaient noyautés par des éléments communistes.

Avec cette "reddition" du 11 septembre, Bourges pouvait se sentir sauvée, une page d'histoire était véritablement tournée. Les jours qui suivirent furent consacrés à la mise en oeuvre de l'administration, à la résolution des problèmes de ravitaillement, et à faire fonctionner la justice.

Après la guerre, comme souvent en France, une querelle opposera les Français pour savoir à qui revient le mérite d'avoir obtenu la "reddition" d'Ester. Sur la plaque commémorant l'événement, et apposée en 1946 avec la présence du général Koenig, on peut lire :

"Le 11 septembre 1944, les F.F.I. du Cher-Sud reçurent ici, après cinq jours de rudes combats, la reddition de la colonne Elster forte de dix-huit mille nazis. Cette victoire française est dûe aux actions combinées des F.F.I. de l'Indre, du Cher, d'Auvergne, de l'Allier, de la R.A.F. et du 14e bataillon de parachutistes".

Aucun mot sur l'action des Américains !

Le général Elster sera condamné à mort par un tribunal allemand en mars 1945 pour cette reddition, mais prisonnier des Américains, il sera conduit aux Etats-Unis pour rentrer quelques temps plus tard en Allemagne où il mourra en 1952.

Les règlements de compte de Henri Amouroux

L'EPURATION

Dans la liesse de la Libération, il y eut des moments inoubliables, d'autres qui le furent moins. La foule prit un drapeau à croix gammée et l'accrocha à une 402 Peugeot et traîné dans la boue, les gens crachaient dessus.... Puis, beaucoup se "portèrent vers les immeubles où avaient trôné pendant 4 ans les ennemis de la France". Ils voulaient détruire tout ce qui pouvait rappeler ces heures difficiles.

Et puis, dans la soirée, quelques filles et femmes notoirement connues pour avoir accordé leurs faveurs à des membres de l'armée occupante furent saisies et tondues. Malheureusement ajoute Jongleux, "de pauvres créatures absolument innocentes, furent victimes de ces démonstrations ineptes".
Dans son numéro du vendredi 8 septembre, le "Patriote Berrichon", organe du Front National, demandait de cesser "ces brimades inadmissibles, commises publiquement.... les organisations de la résistance protestent contre de tels agissements".

Marcel Cherrier, en 1984, au micro de Recto-Verso se souvient de ces folles journées :


"les jours qui ont suivi la Libération ont vu la réunion du Comité Départemental de Libération, qui avait en quelque sorte tous les pouvoirs pour restaurer la légalité, nous nous sommes mis au travail pour nommer les organismes qui étaient chargés de la vie du pays, et nous avons aussi parlé de l'épuration, beaucoup de gens venaient nous trouver, en nous disant, il faut punir ceux qui nous ont fait souffrir, nous avons créé un Comité d'Epuration et de Justice qui a fonctionné tout de suite. Nous avons commencé à examiner les cas les plus marquants, et ça s'est fait tout de suite avec la justice, le commissaire du gouvernement, et avec celui qui allait devenir le Président de la Cour de Justice, monsieur Gestat.
L'épuration provoquait un certain mécontentement, certains n'étaient pas punis, et chacun se demandait pourquoi, en rétablissant la justice, on introduisait la lenteur".

Sur le délicat problème des femmes, Marcel Cherrier répond sans aucune ambiguité :
"En ce qui concerne les femmes tondues, j'ai toujours pensé que ça c'était vraiment quelque chose d'inopérant et ça n'avait pas sa raison d'être, parce qu'il fallait surtout frapper les coupables de la trahison, et ceux qui nous avaient combattus directement avec le concours des Allemands, de la Gestapo, de la Milice, mais ce n'était pas en tondant des femmes que l'on pouvait faire la justice. Je pense que beaucoup étaient d'accord avec nous sur ce point."

Le 29 novembre 1944, la cour de justice du Cher s'apprête à juger deux personnes dont Louise Holmgren, accusée de collaboration. Comme le rappelle Henri Amouroux, l'atmosphère est pesante. La foule s'écrase aux portes du palais de justice, et c'est bientôt la ruée vers la salle d'audience. Les places "pour mieux voir" sont prises d'assaut. S'il y a une volonté de justice, la curiosité malsaine est aussi présente.
Ces deux personnages seront condamnés à mort par la cour de Justice du Cher pour faits de collaboration, mais, quelques temps plus tard, cette peine sera commuée : ils seront graciés par le président Jeanneney.

Le 21 décembre 1944, vers 18 heures, un groupe d'hommes armés faisaient irruption dans la prison du Bordiot et s'emparaient d'Aimé Péron et de "la femme Holmgren" pour reprendre le vocabulaire de l'époque.
Ils furent emmenés en dehors de la prison, et, à cinquante mètres de là, dans l'allée centrale qui conduit au Bordiot,, ils furent exécutés à la mitraillette par un groupe de soldats du 1er régiment populaire berrichon, une formation issue des F.T.P.
Le lendemain, un des "justiciers", le sous-lieutenant Charles Deregnaucourt, âgé de 31 ans, était arrêté. Il reconnaissait les faits, mais ne voulut donner aucun des noms de ses complices. Il fut traduit immédiatement devant le tribunal d'Orléans, et après une plaidoirie brillante de son avocat, mettant en avant sa bravoure dans les F.T.P., il fut acquitté.

En janvier 1945, dans les bois de Morthomiers, un village situé à quelques kilomètres de Bourges, les cadavres de cinq personnes furent découverts. Ils avaient tous été exécutés d'une balle dans la tête. Comme l'écrit le Berry Républicain, on a trouvé aisément le nom de cette famille et l'enquête se poursuit. A aucun moment, le quotidien berruyer ne donnera la suite de l'enquête, si suite il y eut.

L'épuration, et ses débordements font toujours l'objet de polémiques, un demi-siècle après les faits. Henri Amouroux, dans son "histoire des Français sous l'occupation en 10 volumes", a recherché, au plan national, les chiffres des exécutions. Il faut dire que beaucoup d'adversaires de la Résistance, dans les années 1950, évoquaient pour l'ensemble du pays des chiffres de l'ordre de 100 000 victimes des exécutions sauvages de la guerre. Une étude méticuleuse prouve que pour 84 départements, on dénombre 8142 exécutions sommaires dont 1459 après la Libération, et pour le Cher, le chiffre est de 146. On est loin des valeurs initiales. 50 ans après chacun s'accorde pour situer le chiffre des victimes de l'épuration à un peu plus de 10 000 personnes pour la France. Les condamnations furent lourdes lorsqu'elles furent prononcées dans les semaines qui suivirent l'été 44, mais deux ans plus tard, les peines des collaborateurs jugés furent très légères.

Dans les mois qui suivent la Libération, le malaise sur l'épuration se fait plus pressant. Il y a ceux qui ont tant souffert et veulent une vengeance et des actions expéditives, s'opposant à ceux qui réclament la justice sereine, alors qu'un autre camp désire la réconciliation de tous les Français, "à l'exception de ceux qui ont trahi politiquement, dénoncé leurs compatriotes ou trafiqué indignement avec les Allemands" pour reprendre la formule de l'amiral Auphan.
C'est Daniel Mayer, secrétaire général du Parti Socialiste, qui énonce le mieux les difficultés du moment, lorsqu'il s'exprime en août 1945 devant l'Assemblée Consultative :
" L'épuration est imparfaite, elle est trop lente ; elle donne une impression d'injustice.... Injustice des verdicts, inégalités aussi d'une région à l'autre et, parfois, lorsque les sentences prononcées répondent certainement à l'attente du pays, à son souci de justice, l'exercice du droit de grâce vient confirmer l'impression désagréable qu'il y a deux justices".

Si l'épuration suit son cours et divise les Français et les Berrichons, en réclamant une justice plus expéditive, en particulier envers des hommes comme Lécussan qui sévit à Saint Amand ou comme Paoli à Bourges, d'autres se préoccupent des hommes qui ont fait du bien et au premier rang desquels se trouve Alfred Stanke, le Franciscain de Bourges.

Marcel Cherrier, vice-président du Comité Départemental de Libération du Cher, se souvient de ces instants :

" J'ai reçu des rapports de notre ami Léo Mérigot, d'un certain nombre de détenus qui m'ont dit qu'à la prison du Bordiot, il y avait un Franciscain qui les avait aidés, qui les avait soignés, qui les avait consolés, et pourtant, il était habillé en Allemand. Nous avons appris que les Américains détenaient ce Franciscain, et je dois dire qu'à la suite d'une campagne menée par des amis personnels du Franciscain, nous avons décidé au CDL de nous adresser aux autorités américaines pour demander sa libération, et j'ai eu l'honneur de signer cette lettre".

Retour en haut de page


 Discours de monsieur Maurice Renaudat lors de l'anniversaire de la Libération de Bourges le 6 septembre 2009, alors que la Ville de Bourges honnirait 14 Résistants en donnant leur nom à 14 rues du nouveau quartier Maréchal Juin :

Dénomination des rues de la ZAC du Maréchal Juin

Au nom du Comité Départemental d'Union des Associations et des Amis de la Résistance et de la Déportation, je remercie la Ville de Bourges d'avoir donné le nom de 12 résistants aux rues de la ZAC du Maréchal-Juin.

Honoré d'Estienne d'Orves, Tom Morel, le Général Köenig, Emmanuel d'Astier de la Vigerie, Philippe Kieffer, Jean l'Herminier, Jean Zay, Guy Môquet et Pierre Brossolette (qui, en janvier 1943, transita par le terrain d'atterrissage clandestin situé sur les terres de la famille Jolivet à Primelles) sont connus au niveau national. Des livres, des articles de presse, leur ont été consacrés. D'autres sont des fils de notre département. Ils incarnent l'implantation de cette résistance locale qui fut indispensable pour mener l'action contre l'occupant et, dans le Cher, libérer notre petite patrie.

On parle beaucoup de la mémoire de la Résistance : devoir de mémoire, travail de mémoire, lieux de mémoire. La dénomination de rues permet de l'évoquer de façon concrète. Les habitants d'une rue, d'un quartier sauront ainsi que la Résistance, c'était des noms, des figures, des actes qui pouvaient conduire jusqu'au sacrifice.

Permettez-moi de rappeler l'action des résistants originaires du département du Cher :

Pierre JACQUET

Instituteur à Dun-sur-Auron, Pierre Jacquet participe aux combats de 1939-1940. Fait prisonnier le 19 juin 1940 à Villeneuve-sur-Cher, incorporé à une colonne de prisonniers se dirigeant à pied vers Sancerre, il accomplit son premier geste de rébellion en s'évadant. Il regagne alors Dun et retrouve son poste d'instituteur.

Formé par l'École Normale d'Instituteurs aux idées de l'école républicaine et laïque, la propagande pétainiste auprès des jeunes n'ébranle pas ses convictions. Et lorsque Fernand Sochet, un autre instituteur, évadé des camps de prisonniers de guerre, lui propose de participer à la création de groupes de résistants dans le cadre du Front National de lutte pour la libération de la France,
il trouve en Pierre Jacquet un homme qui mettra sa compétence au service de son pays. Pierre sera alors en liaison avec le maquis FTP de Maupioux dans les bois de Meillant et quand les Alliés débarquent en Normandie le 6 juin 1944, il quitte sa classe et participe au siège de la Milice à Saint-Amand-Montrond, ce qui lui vaut une citation à l'ordre de la division et l'attribution de la Croix de guerre avec étoile d'argent.

Repliés dans la Creuse, les FTP de Maupioux maintiennent les contacts avec leur département d'origine et Pierre, devenu capitaine, est envoyé en mission dans le Cher. Le 15 août 44, il accompagne Maxime, commandant départemental des FTP du Cher, à une réunion de l'État-major départemental FFI constitué sous les ordres du commandant Colomb. C'est au cours de cette réunion que seront prises les décisions concernant la libération de Bourges. Lorsque la Libération arrive, Pierre Jacquet représente les Forces Unies de la Jeunesse patriotique au Comité Départemental de Libération.

La paix retrouvée, il se préoccupe de l'aide à apporter à ses anciens camarades résistants en créant le Comité des Œuvres Sociales de la Résistance. Son charisme le désigne pour être président du Comité d'Union de la Résistance.
Soucieux de faire connaître cette époque difficile aux générations plus jeunes, il témoigna dans les établissements scolaires, participa à la création du musée de la Résistance et de la Déportation de Bourges et du Cher dont il présida jusqu'au bout de ses forces l'association des Amis.
Pierre Jacquet fut journaliste, puis rédacteur en chef et membre du Conseil d'Administration d'un journal issu de la Résistance : Le Berry Républicain.
Il était titulaire de l'Ordre du Mérite National.

Edme BOICHE

Il a 18 ans en 1939 lorsque la guerre commence et contracte un engagement pour la durée de la guerre. Affecté à la 4ème division cuirassée, il devient en mai et juin 1940 chauffeur du Colonel Charles de Gaulle.

Démobilisé après l'armistice, Edme Boiché se retrouve à Saint-Etienne. Il entre en contact avec le réseau Tolbiac, puis vient à Bourges où il se fait embaucher à l'usine de Mazières qui travaille pour l'occupant. Cela lui donne la possibilité de saboter la production destinée aux nazis.

Réfractaire au STO, il est arrêté dans une rafle et emprisonné au Bordiot où il rencontre le Franciscain Alfred Stanke. Le frère Alfred lui prodiguera ses soins au retour des interrogatoires très musclés de la Gestapo. Dirigé vers l'Allemagne, Edme Boiché réussit à s'enfuir du train.

En août 1944, il est incorporé au maquis des FFI Cher-Nord où il retrouve Pierre de Vogüé qu'il a connu avant guerre dans un patronage à Paris. Il adopte le pseudonyme de Gérald et est nommé chef du groupe Jacques-Cœur.

Le 26 août, il lui arrive une aventure peu ordinaire. Circulant en voiture avec Antoine de Vogüé et Pierre Montillier, ils sont faits prisonniers par les Allemands qui menacent de les fusiller. C'est alors qu'un officier allemand lui propose de retrouver certains de ses soldats faits prisonniers par le maquis. En échange, ils auront la vie sauve, mais pendant qu'Edme Boiché fera les recherches, ses deux compagnons resteront prisonniers. Ils seront fusillés s'il ne revient pas.
Conscient des responsabilités qui pèsent sur lui, Edme Boiché parvient à retrouver les prisonniers allemands et les ramène à leur chef qui tient parole. Les trois FFI sont libérés.

Profondément reconnaissant au Franciscain des soins qu'il lui avait prodigué, Edme Boiché créa une association pour conserver le souvenir du frère Alfred. Il témoigna dans les établissements scolaires et participa à la création du Musée de la Résistance et de la Déportation de Bourges et du Cher.
Edme Boiché fut maire adjoint de Bourges.

Louis DELAMARRE

Avec Louis Delamarre, c'est un autre aspect de la Résistance qui se présente. Celui des services de santé, indispensables pour toute unité combattante. C'est réconfortant pour un combattant de savoir que s'il est blessé, quelqu'un de compétent pourra s'occuper de lui et l'aider à s'en sortir.

Dans l'Historique des maquis du Cher-Nord, Xavier Moissinac écrit : " lorsque les maquis furent installés dans la zone de Menetou-Allogny, le docteur Louis Delamarre de Saint-Martin d'Auxigny se mit à notre disposition. Il fut décidé d'établir un hôpital clandestin du maquis. On choisit comme emplacement le château de Parassy, isolé et à l'abri des regards indiscrets ".
Sous la responsabilité du Docteur Malgras, chef du Service médical de la Résistance, les Docteurs Louis et Paul Delamarre s'employèrent à installer des salles d'opération, des chambres, un groupe électrogène.
Louis Delamarre put ainsi apporter son assistance à tous les résistants du secteur, ainsi qu'aux parachutistes alliés.

Il fut Conseiller Général du canton de Saint-Martin d'Auxigny.

Georges CAZIN

 

 

Avec Georges Cazin, Bourges honore la mémoire d'une victime berruyère de la barbarie nazie.
Ingénieur pendant de longues années à l'Ecole Centrale de Pyrotechnie et à l'Atelier de Construction, notre compatriote est détaché à la Manufacture Nationale de Tulle lorsque les occupants y commettent le 9 juin 1944, un de leurs crimes les plus odieux.

Après une première libération de la ville par les maquisards, les SS réoccupent Tulle et procèdent au choix de leurs futures victimes. Parmi celles-ci, Georges Cazin. Un premier groupe d'une dizaine d'hommes sont pendus aux balcons, aux réverbères, aux devantures des magasins sous les yeux horrifiés de la population. Puis 10 par 10, les martyrs doivent défiler devant les corps encore tressaillants de leurs camarades, avant d'être eux-même pendus. Au soir, on dénombre 99 victimes.

Des témoins ont relevé l'attitude digne et héroïque de Georges Cazin. Tout au long de la journée, il remonte le moral de ses compagnons. Faisant partie du dernier groupe, il se révolte contre cette mort horrible et fait face aux bourreaux. Les mitraillettes crépitent et les SS pendront les corps d'hommes morts ou blessés.

Le corps de Georges Cazin est ramené à Bourges le 3 novembre 1944 où la population est nombreuse à ses obsèques.

 

Georges Cazinje vous adresse en pièces jointes des photos de Georges Cazin dans son atelier des dessinateurs à la Pyro,prises par mon père,Fernand Lechêne,qui était un de ses collègues.Georges Cazin est reconnaissable à sa chevelure avançant en pointe sur le front.

Il est à droite de la photo

Signé Robert Lechêne.

Hubert de LAGARDE

En 1916, à 18 ans, Hubert de Lagarde s'engage au 1er Régiment d'Artillerie de Bourges et participe à la Grande Guerre de 14-18. Après différentes affectations au sein de l'Armée, il opte pour la vie civile et se consacre à la littérature et au journalisme.

Il reprend du service de septembre à octobre 1938, lors de la crise des Sudètes et de la conférence de Munich. En septembre 1939, il est affecté au 155ème Régiment d'Infanterie de forteresse et à l'Etat-major du 23ème corps d'armée.

Dès août 1940, Hubert de Lagarde revient dans le Cher où il aide à franchir clandestinement la ligne de démarcation. Sous le pseudonyme de " Villard " il entre en 1941 dans le réseau Cohors-Asturies, puis en 1942 dans le réseau Eleuthère. Il fournit de précieux renseignements aux Alliés, permettant de détruire à Mailly-le-Camp, dans la nuit du 3 au 4 mai 1944, 102 véhicules dont 37 chars, 114 bâtiments dont 47 hangars et ateliers et des dépôts de munitions. L'occupant compte 200 morts et quelques 200 blessés. Il y a également plusieurs dizaines de prisonniers de guerre et de requis du STO parmi les victimes.

Le Lieutenant-Colonel Hubert de Lagarde occupe de hautes fonctions au sein de la Résistance. il est le représentant du BCRA auprès du COMAC et en 1944, il est à la tête du 2ème bureau des FFI.

Condamné à mort par contumace par l'occupant, Hubert de Lagarde est arrêté le 26 juin 1944, torturé au siège de la Gestapo, puis déporté à Buchenwald, puis à Dora (Kommando d'Elrich). Il décède dans ce bagne nazi le 25 janvier 1945.

 

Les hommes dont je viens d'évoquer l'action représentaient la diversité de la Résistance avec ses mouvements, ses réseaux, ses maquis. Ils n'avaient pas la même origine sociale, mais tous étaient animés d'une même volonté : participer à la libération de leur pays.


Monsieur Narboux,

Ceci n'est pas une contribution mais plutôt une remarque.
J'ai essayé d'en savoir plus sur l'affaire Charles Deregnaucourt évoqué à cette page
http://encyclopedie.bourges.net/liberation.htm
et ai contacté les archives départementales du Loiret qui ne possèdent pas ce dossier, qu'en pensez vous?
Par ailleurs je m'intéresse à l'histoire et à la seconde guerre mondiale en particulier dans la Loire, connaissez vous quelqu'un qui pourrait me donner des informations?

En vous remerciant d'avance, je vous prie d'agréer, Monsieur Narboux, l'expression de mes salutations distinguées

Simone Montabert


 

 

 

Retrouvez quelques articles de l'Encyclopédie :
Ils sont nés à Bourges,
François Mitterrand à Bourges
Chiffres essentiels
Les Templiers
Les élections à Bourges au XXe siècle
Les Très Riches Heures du duc de Berry
les villes jumelles
Radios locales
Les francs-maçons
Kiosque et musique
Agnès Sorel
L'horloge astronomique
Les tramways de Bourges
L'Yèvre à Bourges
L'alchimie
La Bouinotte, magazine du Berry
L'usine Michelin
La maison de la Reine Blanche
Serge Lepeltier
L'industrie à Bourges au XXIe s
Monuments Historiques Classés
 

Et puis une nouveauté : L'information et l'actualité à savoir sur Bourges, en quelque clip et quelques lignes :

http://www.bourges-info.com/

 

Vous souhaitez enrichir le site de l'Encyclopedie de Bourges ?

 

Cliquer ici

 

 

Bourges à l'heure du débarquement
La tragédie des puits de Guerry
Bourges libérée
Charles Cochet, acclamé maire de Bourges
La colonne Elster
L'épuration