Chronologie des événements
aériens au-dessus du Cher : 1940
Avec l'offensive allemande
qui fait suite à la " drôle de guerre ",
ce sont les avions ennemis que les berrichons découvrent
assez rapidement dans le ciel de ce printemps de la débâcle.
De mai 1940 à l'entrée des troupe ennemies dans
Bourges, ville ouverte, une dizaine d'attaques se produit :
9 mai 1940
: un Junkers Ju 88 A de la 1/123 effectue une reconnaissance
quand, au-dessus du département, des ennuis de moteurs
obligent l'appareil à effectuer un atterrissage d'urgence,
train rentré, sur le territoire de la commune d'Azy. L'équipage,
indemne, met le feu à l'avion et tente de fuir à
travers la campagne. Un cultivateur, voyant les flammes, alerte
ses voisins qui finissent par intercepter les Allemands, obligés
de se rendre !
10 mai 1940 :
la base d'Avord est bombardée entre 4h45 et 4h55 par 5
avions allemands qui larguent des bombes explosives. Cinq militaires
de l'armée de l'Air sont tués et deux sont blessés,
tandis que trois bâtiments servant à l'instruction
sont rendus inutilisables.
11 mai 1940
: alerte dans la matinée suivie d'un bombardement intense
de la base d'Avord et d'une attaque sur Bourges. Quatre militaires
sont tués à Avord et dix autres sont blessés.
A Bourges, malgré la DCA (Défense Contre Avions),
on dénombre deux civils tués et un blessé.
A ce moment, la riposte à Bourges
s'organise. Une patrouille est constituée le 11 mai 1940
afin de couvrir les installations de la SNCAC, chargée
de l'assemblage et de la réparation des Curtiss H75. Comme
pour toutes les autres patrouilles d'usine, elle est équipée
des appareils sortant des chaînes qu'elle protège.
Une première patrouille polonaise est mise en place très
rapidement, sous la responsabilité du lieutenant-colonel
Haegelen. Les pilotes polonais proviennent de l'école
de pilotage d'Avord et arrivent dès le 16 mai : lieutenants
Marian Wesolowski et Zbigniew Moszynski, les sergents Jan Kremski,
Waclaw Giermer et Wladyslaw Majchrzyk, avec en supplément
une équipe de mécanos. Tout ce petit monde est
commandé par un ancien champion de voltige aérienne
qui pousse leur entraînement au maximum : le capitaine
Bronislaw Kosinski. Il fait d'ailleurs le bonheur des habitants
de la ville en leur offrant quelques belles séances acrobatiques
!
Très rapidement, le capitaine Kosinski entame la transformation
de ses pilotes sur Curtiss, car ceux-ci ne le connaissent pas.
Pour l'heure, seuls 3 appareils (H 75 A-2 N° 134, 141 et
176) sont disponibles, ce qui est bien faible pour entraîner
la patrouille. Le lieutenant-colonel Haegelen dispose pour sa
part du H 75 A-2 N° 183.
12 mai 1940 :
attaque d'Avord par un appareil ennemi isolé faisant peu
de dégâts.
24 mai 1940 :
le sous-lieutenant Wesolowski, accompagné des sergents
Kremski et Giermer, décolle sur alerte à la rencontre
d'un groupe d'une quinzaine de bombardiers He 111 (du III./KG
51). Dès les premières secondes du combat, Wesolowski
est obligé de rompre, moteur touché par les mitrailleuses
adverses et doit atterrir en catastrophe sur le terrain. Dans
la mêlée, l'adjudant-chef Paul Estan de la patrouille
d'Avord, est descendu en flammes par plusieurs mitrailleurs.
Il se parachute de 4 500 m près d'Issoudun. Kremski et
Giermer s'acharnent sur les bombardiers : une victoire sûre
sera attribuée à Kremski mais les pilotes signaleront
que deux autres appareils allemands ont été endommagés,
dont un avec un moteur en flamme. Le pilote " civil ",
Demazières, pour son action ce jour-là, recevra
la Croix de Guerre avec palme. Ce premier succès incite
la direction de la SNCAC à augmenter le nombre de Curtiss
attribués à la patrouille.
5 juin 1940
: toujours sur alerte, deux patrouilles légères
décollent à bord de 4 Curtiss (capitaine Kosinski,
sergent Kremski, sous-lieutenant Wesolowski, sergent Pietrasak)
auxquelles se joint Haegelen. A 6 000m, les Polonais effectuent
une première passe frontale sur les He 111 puis attaquent
par l'arrière. Si les Polonais revendiquent 3 victoires
et deux appareils ennemis sérieusement endommagés,
une seule victoire sera homologuée par les autorités
françaises à Kremski en collaboration avec ses
trois équipiers.
Pour sa part, le lieutenant-colonel
Haegelen, également sur Curtiss H75 (accompagné
d'un ailier de l'équipe d'essais dont on ne sait s'il
s'agit de Brivot, Nique ou Bertrand), prend en chasse un Heinkel
et finit par l'abattre entre Morogues et La Chapelle d'Angillon.
Blessé à l'épaule, il doit atterrir en catastrophe
à Avord. Son avion a encaissé 14 impacts, comptés
par son fidèle mécanicien " La Volaille ".
Cette victoire est la 23ème de sa carrière, 22
ans après les précédentes
Dans l'Indre, la patrouille de Châteauroux n'est pas inactive
et sera créditée, entre autres, d'une victoire
le 5 juin sur un He 111 qui s'abat à La Chapelle d'Angillon.
A Bourges, le bilan du bombardement
allemand est de 14 tués et 13 blessés dont 2 succomberont
à leurs blessures (ces chiffres sont variables selon les
sources). Deux hangars sont détruits et la Maison Départementale
de vieillards est gravement endommagée.
16 juin 1940
: en début d'après-midi, Saint-Satur et Saint Thibault
subissent les bombardements de 5 ou 6 appareils allemands. D'après
" La Voix du Sancerrois " : " Au milieu des démolitions,
des poteaux et des fils électriques et téléphoniques
qui pendouillaient partout, des morts, et encore des morts amputés,
sanguinolents ou achevant de brûler immobiles dans leur
voiture ".
Ce 16 juin, Kosinski est envoyé à la rencontre
d'un Dornier de reconnaissance qu'il manque. Dans la même
journée, Wesolowski décolle en direction du même
secteur et se fait tirer dessus à une quarantaine de kilomètres
au nord de Bourges ! La situation devient critique
Le lendemain,
les Français s'affairent à la destruction de l'usine
de la SNCAC et du maximum d'avions sur le terrain. A 10h l'ordre
arrive d'évacuer sur Perpignan
18 juin 1940 :
vers 19h, une trentaine de bombardiers allemands déversent
leurs bombes sur le champ de foire de La Chapelle d'Angillon
sur lequel se trouve une foule de réfugiés et font
un massacre. " La Gazette Berrichonne " du 3 août
1940 rapporte:
" Bouleversé, parsemé
d'énormes trous, c'était des cadavres un peu partout,
des dizaines de chevaux foudroyés, des voitures renversées,
calcinées, des arbres brisés. Trente maisons dans
le village ont été détruites en totalité
ou en partie. L'aile principale du château a reçu
une bombe et la toiture s'est effondrée. Il est impossible
d'évaluer exactement le nombre des victimes. On a retrouvé
et inhumé 104 cadavres, dont 5 appartenaient à
la population. Mais beaucoup de corps ont été pulvérisés
et déchiquetés et le nombre important de crânes,
membres ou fragments isolés qui ont été
recueillis permet d'affirmer que le nombre de morts n'est pas
inférieur à 120, dont 53 seulement ont pu être
identifiés. Le nombre exact des blessés n'est pas
connu, les moins atteints ayant fui, mais il n'est pas exagéré
de le fixer à une cinquantaine ".
19 juin 1940 :
en matinée, à Saint Florent-sur-Cher, selon le
témoignage de Mme Jeannine Gourier, ancien maire, âgée
d'une dizaine d'années à l'époque :
" Ce jour-là, des bombardiers
en piqué allemands (probablement des Junker 87 "
Stuka ") attaquent le viaduc au-dessus du Cher pour couper
la voie ferrée Bourges - Issoudun et stopper les quelques
trains de l'armée française en déroute.
Plus tard, beaucoup ont cru qu'il s'agissait d'avions italiens,
mais ils étaient bien allemands. Les sirènes donnent
l'alerte pour que la population se mette à l'abri. Nous
préférons nous réfugier dans le parc du
château. Des bombes tombent dans l'île formée
par le Cher et son bras, appelé fausse rivière,
enjambés par le viaduc. C'est dans cette île que
sera décimé le troupeau de vaches de M. Martin.
Le chien a une patte coupée par un éclat. Mais,
pour ce qui est du viaduc, seul le parapet est légèrement
touché en plusieurs endroits. Au pied de l'édifice,
à la ferme de La Chaise, Mme Desnoux est tuée sur
le coup alors qu'elle était sortie de sa cachette pour
regarder le bombardement ".
C'est la fin des bombardements sur le Cher,
et Bourges va se retrouver sur la ligne de démarcation,
la ville étant en zone occupée, la présence
d'un aéroport et d'établissements militaires étant
un point que les troupes d'Occupation vont prendre en compte.
A noter dans cette période un accident relaté par
des anciens. C'est un avion Douglas qui venait en ce mois de
juin 1940 du Maroc, et devant être en difficultés,
il se crasha à Bourges, et fut mis au parc à ferraille.
Cet événement est symbolique de la situation de
l'aviation française de l'époque.
Les attaques au-dessus
du Cher : 1943 - 1944
Les bombardements des
" Alliés " cette fois, au-dessus du Cher vont
se dérouler à partir de la mi-1943 pour ensuite
s'accroître à partir du début de 1944.
Les principales attaques au dessus du Cher commencent avec pour
cible l'aéroport de Bourges et la base d'Avord.
27 juin 1943 :
vers 0h50, un de Havilland " Mosquito " FB VI de la
Royal Canadian Air Force arrive en vue des lumières d'Avord.
" Nous avons un peu rôdé dans les environs
et nous avons vu deux appareils allemands atterrir et deux autres
décoller. Nous avons alors attendu le moment propice.
Une courte rafale de nos canons en a touché un et quand
il a percuté au sol nous avons été en mesure
de l'identifier grâce à la lueur de l'incendie.
Il s'agissait d'un He 111 ". Il s'abat en flammes sur la
commune de Lugny-Champagne. Sur les 5 membres de l'équipage,
3 périssent carbonisés. " Dix minutes plus
tard nous avons attaqué un Junkers 88. Nous avons engagé
notre attaque par l'arrière, dans l'angle mort et à
une distance de 200, 250 yards. Il y a eu une explosion puis
l'avion s'est mis à piquer vers le sol où il s'est
désintégré ". En fait, il s'agirait
d'un Messerschmitt Me 410 venant d'Avord. Ses restes ont été
retrouvés sur la commune de Plaimpied, les deux pilotes
ayant été tués.
17 novembre 1943 :
un Heinkel He 111 P-4 du IV./KG4 s'écrase en flammes dans
un champ près d'Annoix. Il semblerait, d'après
les témoins, que l'avion volait assez bas (vers 200m)
avec un bruit de moteurs irrégulier. Les 7 occupants ont
péri. Deux champs en culture ont été dévastés
: l'un de blé, l'autre de colza. " Le propriétaire
du champ de colza a estimé le préjudice causé
à la somme de 300 francs (1 000m2 de superficie ravagée).
Le propriétaire du champ de blé l'a estimé
à 400 francs (5 000m2). Les deux propriétaires
font toutes réserves sur l'estimation des dégâts
qui pourraient être occasionnés par les moyens de
transport destinés à l'enlèvement des débris
de l'appareil
".
5 février 1944 : la grande base aérienne d'Avord ne peut
échapper indéfiniment à une mission d'envergure.
Lors du " briefing ", " l'Intelligence Officer
" en dresse un rapide portrait : " Ce terrain était
déjà un aérodrome militaire français
important et bien équipé avant l'invasion allemande.
Il a été continuellement occupé par des
groupes de bombardiers à long rayon d'action équipés
de Heinkel He 111 depuis juillet 1940 jusqu'à aujourd'hui.
Pour de courtes périodes, il peut y avoir jusqu'à
deux Groupes basés sur cet aérodrome et des appareils
d'autres terrains atterrissent sur cette base au retour d'opérations.
Nous pensons que depuis les douze derniers mois son activité
principale consiste à l'entraînement des équipages
".
La mission de reconnaissance effectuée le 4 janvier précédent
vient appuyer ces propos. Les photographies montrent un quadrimoteur
Focke-Wulf Fw 200 sur le " dispersal " nord, 5 Fw 200
faisant face aux hangars situés le long de la route Avord-Farges
et un bimoteur He 177 au décollage. Devant les hangars
sud, on compte un Fw 200, 2 He 177, 2 He 111 et un Caudron C
445. Enfin, 3 Fw 200 sont stationnés dans la partie ouest
du terrain.
L'attaque dont Avord est la cible ce jour-là, avec Châteauroux
et Tours, est menée par des Boeing B 17 et des Consolidated
B24 " Liberator " escortés par des Republic
P 47 " Thunderbolt " et des Lockheed P 38 " Lightning
".
Lors de la mission, quelques bombes sont lâchées
au-dessus de Foëcy, causant des dégâts matériels
mais sans victimes.
Au moment où les bombardiers américains arrivent
sur Avord, les Allemands, déjà alertés,
font décoller au plus vite les avions encombrant les pistes.
A 11h09, les premières bombes tombent sur la base. Un
mitrailleur de queue raconte : " J'ai vu un bombardier allemand
qui s'élançait pour le décollage mais 4
chasseurs P 38 ont fondu sur lui et l'ont expédié
au tapis ". Plusieurs hangars reçoivent des coups
directs et sont gravement endommagés. Les abords ne sont
pas épargnés : 16 maisons du hameau " Les
Vignes " sont soufflées et partiellement détruites.
Les chasseurs américains abattent un quadrimoteur et un
bimoteur ennemis surpris au décollage. Le premier s'écrase
à Annoix et le second dans les marais entre Fenestrelay
et Bourges.
Au sujet de ce dernier, précisons
que le 23 septembre 1997, lors de travaux sur la future rocade,
furent retrouvés les restes d'un appareil Allemand. Grâce
aux recherches d'Alain Charpentier, chercheur émérite,
on sait qu'il s'agissait " d'un bombardier Heinkel 111 de
la base d'Avord qui avait été abattu par 5 chasseurs
américains Lockheed P 38 " Lightning ". L'action
s'est effectivement située le 5 février1944. Les
P 38 accompagnaient 50 Boeing B17 " Flying Fortress "
attaquant la base d'Avord. Deux appareils allemands ont décollé
au moment où ils arrivaient. Le premier parvint à
s'échapper par le sud tandis que le second fut touché
et s'écrasa. Les 4 membres de l'équipage du Heinkel
furent inhumés dans le cimetière Saint-Lazare à
Bourges.
M. Roland Merlin, 18 ans à l'époque, se souvient
:
" A peine une demi-heure après
la chute de l'avion ennemi, un camion de soldats allemands est
arrivé. L'appareil est resté sous surveillance
pendant près d'une semaine. Quand les soldats sont partis,
nous sommes allés voir, par curiosité. Il ne restait
pas grand-chose de l'amas de ferraille qui s'était enfoncé
dans les marais ".
5 avril 1944
: un " sweep " (attaque de chasseurs) est déclenché
sur les aérodromes de Châteauroux, Conches, Chartres
et Bourges. Le captain Richard Turner sur North American P.51
Mustang ", rapporte au-dessus de Bourges :
" J'ai attaqué le premier avec
" Red Flight " en mitraillant un Messerschmitt Me 410
qui se posait et que j'ai arrosé tout au long de son roulage
au sol. Il a explosé dans une gerbe de flammes en laissant
une traînée de débris sur la piste. Virant
après cette première passe, j'ai plongé
sur un Messerschmitt Bf 110 à l'entretien sur une aire
de stationnement. Le feu a commencé à faire rage
sous lui lorsque mes incendiaires ainsi que celles de mon ailier
ont mis le feu à l'essence qui s'écoulait de ses
réservoirs. Redressant une nouvelle fois afin d'exécuter
un troisième passage, je suis arrivé sur un bimoteur
qui effectuait son point fixe en limite de terrain, ses moteurs
lancés pour le décollage. La rafale de mes 12,7mm
l'a complètement haché et il a explosé immédiatement
(
) ".
10 avril 1944 (lundi de Pâques) :
L'aéroport et l'usine d'avion
de Bourges sont visés par les anglo-saxons à moins
d'un mois du débarquement. Les préparatifs des
" Alliés " sont précis : " Les équipages
sont tous réunis dans la salle de " briefing "
pour connaître notre destination du jour (467th Bomb Group
sur Consolidated B 24 " Liberator "). Sur le mur du
fond une carte est cachée par un rideau et nous attendons
encore l'officier des renseignements qui a dû faire un
saut vers la base voisine de Horsham pour y récupérer
des photographies de l'objectif. Enfin, le " briefing "
commence, le rideau est tiré et la carte nous dévoile
son secret : Bourges, une ville du centre de la France (l'objectif
secondaire étant Avord). ". Des chasseurs P 47 escorteront
les bombardiers puis seront relayés par des P 51.
Lors du " Bomb Run " (dernière branche rectiligne
avant le bombardement effectif), quelques bombes tombent sur
Saint Ambroix et au Châtelier à Saint-Florent-sur-Cher
sans faire de victimes. Au-dessus du terrain de Bourges, les
premiers tirs sont trop courts et c'est l'extrémité
sud-ouest du terrain qui est touchée ainsi que les hangars
et les aires de dispersion des avions du chemin de Villeneuve.
Les " squadrons " suivants vont rectifier leurs paramètres
et maintenant c'est l'usine de la SNCAC ainsi que la Cité
Jardins de l'aéroport qui subissent l'orage de feu. Dans
la foulée, et comme prévu, les " Mustang "
mitraillent le terrain. Le Major Kinnard témoigne :
" Je suis passé une nouvelle fois à travers
les fumées du bombardement pour un autre mitraillage mais
la " Flak " commençait à tirer autour
de nous depuis une tour et j'ai signalé au " squadron
" de dégager. Nous avons grimpé vers les bombardiers
afin de continuer l'escorte, la densité des fumées
plus les tirs en provenance du sol ne m'engageaient pas à
effectuer un autre passage sans risque ".
Les dégâts sont considérables pour l'usine
et pour les Allemands où l'on relève de nombreuses
pertes en hommes et en matériels. Malheureusement, on
dénombre aussi quelques victimes parmi la population de
Bourges et ce, malgré l'alerte et le message radio diffusé
la veille par la radio de Londres.
Dans un extrait du journal de guerre de
la Flugzeugführerscchule B15, qui est l'école de
pilotage basée sur l'aéroport à cette époque
:
" L'alarme aérienne est déclenchée
aux environs de 9h53. De 10h12 à 10h19 l'aérodrome
est attaqué par des vagues de 13 à 18 avions évoluant
à 4 000m d'altitude, qui larguent des bombes explosives
de gros et moyen calibre ainsi que des bombes incendiaires. Au
même moment, douze P51 " Mustang " effectuent
une attaque à basse altitude et incendient les avions
stationnés sur le terrain. Les pertes en personnel de
l'école s'élèvent à six morts ".
" L'usine est complètement
détruite. A l'intérieur du hangar de la chaîne
de montage, il y a d'importants dommages. Les bâtiments
" vie " situés sur l'aérodrome (pratiquement
vides suite à leur évacuation), la direction de
l'école et le contrôle aérien sont détruits
à environ 70%. L'eau et l'électricité sont
coupées. Les baraquements d'instruction sont simplement
endommagés.
Les pertes en avions sont les suivantes : bombardier moyen He111,
2 détruits, 5 endommagés, 3 légèrement
touchés ; trimoteur de transport Ju52, 1 gravement endommagé
; bimoteur Fw58, 8 détruits, 2 endommagés, 2 légèrement
touchés ; bimoteur Si204, 1 détruit, 6 endommagés,
3 plus légèrement touchés. Les pistes du
côté nord ont reçu plusieurs impacts de bombes
mais le côté sud est provisoirement opérationnel
".
Après l'attaque, les chasseurs
américains filent vers les 157 bombardiers " Liberator
" qui se sont regroupés au point de ralliement situé
à la verticale de Rians et qui font route vers Aubigny-sur-Nère
où va les rejoindre un autre groupe d'escorte, les P47
" Thunderbolt " du 356th Fighter Group.
Vers 11h30, un avion de reconnaissance américain du 7th
Photographic Reconnaissance Group piloté par le Major
Haugen vient survoler le terrain et l'usine et photographie les
résultats du bombardement.
Pour les Allemands, la remise en état du terrain et des
installations a déjà commencé : " Le
déblayage des routes d'accès et du terrain a commencé
immédiatement avec les renforts des forces de la direction
des constructions, des soldats de l'école de pilotage
et du régiment de parachutistes stationné actuellement
à Bourges. Pour le lendemain 11 avril et pour les jours
suivants, des civils français seront réquisitionnés
".
28 avril 1944
: dans la matinée, 124 Boeing B17 " Flying fortress
" franchissent les côtes anglaises escortés
de Republic P47 " Thunderbolt " avec pour objectif
cette fois la base d'Avord. Bientôt, les P47 cèdent
la place aux North American P51 " Mustang ". Un dernier
changement de cap a lieu à proximité de Saint-Amand
Montrond.
A 16 000 pieds, la base d'Avord est maintenant
visible et commence alors le " Bomb Run ", la course
rectiligne qui va conduire les avions à la verticale de
l'objectif. L'attaque débute à 11h54 mais les équipages
sont surpris par la réaction de la " Flak "
de défense du terrain. Un premier bombardier est sérieusement
touché après avoir largué ses bombes et
le pilote donne l'ordre d'évacuer l'appareil qui explose
peu après. Un second B17, touché par un coup direct
dans un moteur explose en vol alors que seuls trois membres de
l'équipage ont le temps de sauter en parachute. Les P51
attaquent les positions de " Flak " avant le passage
de la deuxième vague, mais la défense allemande
est toujours aussi vigoureuse : au moins une quarantaine d'appareils
alliés font état de dommages à leur retour
en Angleterre. Le Captain Davis est contraint d'évacuer
son P51, suite à des problèmes de moteur, dans
la région de Graçay : il sera récupéré
par la résistance locale.
A 12h03 l'attaque est terminée. Les parties sud et est
de la base ont été les plus touchées. Quatre
hangars côté sud ont reçu des coups directs
(deux en flammes), côté est un hangar est complètement
détruit et un autre à 50%. Deux avions au sol ont
été détruits.
4 juin 1944 : la mission N° 93 du 354
" Fighter Group " de la 9th Air Force Américaine
s'inscrit dans le plan d'attaque des communications rail-route
" Transportation Plan " mené par les Alliés
depuis le début de l'année en prévision
de l'opération " Overlord ", le débarquement
en Normandie. 20 " Mustang " décollent d'Angleterre
en tout début d'après-midi, armés de bombes
sous les ailes. Les objectifs sont les embranchements ferroviaires
de Vierzon-Forges et de Marmagne Pont-Vert. Vers 14h20, une première
attaque a lieu au-dessus de Vierzon-Forges. La " Flak "
de La Noue gêne beaucoup les pilotes. Les bombes tombent
sur une longueur d'un kilomètre environ. Peu de dégâts
sont observés sur les voies ferrées locales, mais
les lignes téléphoniques sont atteintes et les
lignes Paris-Toulouse et Tours-Saincaize sont coupées.
Une vingtaine d'habitations sont touchées sans faire de
victimes, mais un four et un gazomètre de la Verrerie
des Forges sont entièrement détruits.
Du côté de Marmagne, par vagues de deux appareils,
le bombardement est un certain succès car il coupe plusieurs
voies ferrées et endommagent des lignes téléphoniques.
Malheureusement, la soudaineté de l'attaque endeuille
une famille de Pont-Vert : des éclats blessent grièvement
l'épouse du garde-barrière et décapitent
leur fils de seize ans. D'après un rapport de la SNCF,
la circulation est rétablie dans les 24 heures à
Vierzon-Forges et dans les 48 heures à Pont-Vert.
La mission terminée, les " Mustang " tombent
sur un Focke-Wulf Fw56 " Stösser " d'une unité
d'écolage basée à l'aéroport de Bourges.
Quelques rafales et l'avion allemand tombe en flammes au lieu-dit
La Perlotte, sur la commune de Saint-Doulchard, alors que deux
appareils américains manquent d'entrer en collision au
cours de ce combat.
A l'aube du 6 juin 1944, les alliés débarquent en Normandie.
La surprise est grande pour les Allemands qui s'attendaient certes
à ce débarquement, mais l'imaginaient plutôt
dans le Pas-de-Calais. Les Alliés avaient d'ailleurs tout
fait pour leur faire croire.
Pourtant, certaines têtes de pont piétinent, en
particulier dans la zone d' " Omaha beach " que doivent
conquérir les Américains. Les Allemands se ressaisissent
vite et prévoient d'envoyer des renforts au plus vite
vers la zone d'invasion. Le lent et patient travail, remontant
à 1940, du SOE anglais (Special Operations Executive,
Service des opérations spéciales) peut dès
lors donner le feu vert à l'insurrection de la Résistance
en France. Si de multiples sabotages ont déjà eu
lieu de la part de celle-ci, cette fois il s'agit de tout mettre
en uvre pour au moins ralentir, sinon empêcher, les
renforts de l'occupant d'arriver dans la zone des combats. Mais
ces actions ne peuvent être que limitées, même
si, malgré les risques énormes pris par les résistants,
elles sont très souvent couronnées de succès.
L'appui de l'aviation de bombardement est donc nécessaire
aux yeux de l'Etat Major allié.
Le 6 juin 1944,
un violent bombardement allié s'en prend à l'usine
de la SNCAC de Bourges. Les dégâts sont considérables
pour les installations industrielles et 12 employés trouvent
la mort. Leurs noms figurent sur la plaque commémorative
de la société.
Pierre Girard, 60 ans après les faits, lui qui fut le
premier directeur de la Libération et qui était
alors ingénieur dans l'usine en 1944 évoque les
bombardements des Alliés. Il a le souvenir de celui d'avril
1944, et il ajoute : " celui de Juin qui a été
encore plus terrible ". Les machines outils avaient été
déménagées à Saint-Florent-sur-Cher
se souvient-il.
Le 18 juin 1944,
des De Havilland " Mosquito " font sauter un train
de munition ennemi à Foëcy. La veille, l'embranchement
de Pont-Vert (près de Marmagne) est visé, faisant
13 morts. De même, Vierzon subit également diverses
attaques de ces bombardiers légers, construits presque
entièrement en bois (difficilement détectables
par les radars) et très rapides.
27 juin 1944
: un train de troupes allemandes est stoppé sur les voies
entre Bourges et Vierzon et le 474th " Fighter Group "
est chargé de le détruire en fin de soirée.
Le ciel est particulièrement clair au-dessus du Berry
mais, malgré cela, et après le survol de la voie
ferrée sur plusieurs kilomètres, les pilotes de
P38 s'avèrent impuissants à localiser le train
recherché. En désespoir de cause, les aviateurs
américains profitent du survol de Bourges pour attaquer
la gare ainsi que des quartiers de la ville. La gare ne subit
pas de gros dégâts mais en ville des bombes détruisent
partiellement le garage de l'Auto-Progrès rue Moyenne,
d'autres tombent dans la cour de l'hôpital général
sans faire de victimes. Les aviateurs finissent par retrouver
leur objectif.
A 21h00, réservoirs largués, les " Lightning
" attaquent par vagues successives. Des bombes tombent sur
le nud ferroviaire mais aussi sur le hameau de Pont-Vert.
Ainsi, l'une d'elle tombe sur un débit de boissons où
plusieurs habitants avaient trouvé refuge : le bâtiment
s'effondre sur ses occupants. La " Dépêche
du Berry " témoignera : " J'étais sur
le seuil de ma porte quand la bombe est tombée à
moins de dix mètres de moi. Je n'ai pas eu une égratignure
mais toute la maison voisine s'est écroulée sous
le choc ". Treize habitants ont péri. L'attaque ne
produit pas l'effet prévu car un rapport de la SNCF indique
que les aiguillages sont intacts et que les voies ont peu souffert
Le 29 juin 1944
à 8 heures du matin, le pont de chemin de fer et le triage
de la gare sont touchés : un immeuble de la SNCF est détruit
et des voies ferrées sont endommagées.
Le plus fort bombardement de Vierzon interviendra le lendemain.
Le 30 juin 1944,
75 cibles ferroviaires, vitales pour assurer le transport des
renforts allemands, sont désignées, dont Vierzon
(cible Z 842). 118 Avro " Lancaster " sont préparés
sur 7 aérodromes autour de Lincoln en Angleterre. Ces
lourds quadrimoteurs sont les bombardiers standards du "
Bomber Command " avec le " Halifax ". Ils se sont
en particulier rendus célèbres lors de la destruction
des barrages de la Möhne et de l'Eder en mai 1943.
Les appareils sont chargés de 42 bombes, soit une charge
de 6 tonnes et demi et sont servis par un équipage de
7 hommes (parfois 8 ou 9, selon la spécialisation de l'avion).
Il ne leur est accordé qu'une escorte de 10 " Mosquito
" et uniquement jusqu'en Normandie. La crainte des équipages
était surtout la chasse de nuit allemande dont des unités
étaient basées à Dreux, Châteaudun
et Orléans.
Finalement, ce sont 115 appareils qui décollent d'Angleterre
à 22h dans la nuit du 30 juin, soit 7 " squadrons
", dont un Polonais et un Australien. A 1h05, la première
vague largue ses " marqueurs ", mais un peu trop au
sud de la cible. Le " Master Bomber " s'en aperçoit
et demande aux équipages de corriger le tir. Les 50 premiers
bombardiers atteignent en grande partie l'objectif. Pour la seconde
vague, il en va autrement : les marqueurs sont lâchés
à un kilomètre au nord-ouest du triage, là
où, précisément, les habitants du quartier
de la gare avaient décidé de s'enfuir pour se mettre
à l'abri des bombes. Si une partie des pilotes pilonna
suivant les marqueurs de la première vague, les autres
visèrent ceux de la seconde
En 17 minutes, 1 550 bombes, soit 650 tonnes, ont été
larguées. Les dégâts sont considérables
sur le triage (rails et postes détruits, 80 wagons éventrés
et inutilisables), mais aussi dans la population civile. 50 personnes
sont tuées, des centaines blessées, dont certaines
grièvement qui décèderont dans les jours
suivants.
Dès avant le bombardement, les Allemands avaient déjà
réagi. Deux bombardiers furent abattus avant d'atteindre
l'objectif. La DCA allemande, la " Flak ", disposait
de 3 batteries autour de Vierzon, dont une fut détruite
par les mitrailleurs Anglais. Mais c'est la chasse de nuit qui
fit le plus de dégâts (pour l'essentiel du fait
de Junkers 88). Au-dessus de l'objectif et sur le chemin du retour,
12 autres bombardiers furent perdus, causant la mort de 86 membres
d'équipage. Certains avaient 19 ans et quelques pilotes
à peine 20 ans ! Quelques-uns eurent le temps de se parachuter
à temps. Ce fut soit pour être fait prisonnier et
terminer la guerre dans un " stalag ", soit, pour les
moins malchanceux, de pouvoir être recueillis par la population
et aidés par la Résistance.
Un témoignage de M. Daniel Belliard
est cité par Alain Rafesthain :
" Tout à coup, très
proches de moi, des ronronnements de moteurs d'avions se firent
entendre, accompagnés de toutes parts de crépitements
de mitrailleuses : l'aviation de chasse allemande était
entrée en action et poursuivait les bombardiers anglais.
J'ai vu successivement, au loin, cinq ou six appareils en flammes,
ressemblant à d'énormes torches, descendre du ciel
en oblique.
Puis un bombardier, blessé à mort, s'abattit dans
un énorme fracas de ferrailles tordues à quelques
centaines de mètres de la petite maison où j'étais
en observation. La lueur de l'incendie me guidant, je me dirigeai
dans sa direction
Une chaleur intense et l'explosion continuelle
des munitions du bord m'empêchèrent d'approcher
à moins de cent mètres de l'appareil. Tout secours
était inutile ; les aviateurs avaient tous péri
sans qu'un seul ait pu se servir de son parachute.
Le lendemain, au petit jour, je revins sur les lieux du sinistre
et j'ai pu me rendre compte de l'horrible tragédie. L'incendie
était terminé et l'on distinguait nettement la
forme des sept membres de l'équipage, comparables à
des tas de cendres ; les colonnes vertébrales seules se
reconnaissaient à leurs anneaux mais tellement fragiles
qu'on ne pouvait y toucher. Et tout autour de l'appareil, dans
le bois voisin, jusqu'à plus de cent mètres du
point de chute, gisaient épars des fragments, des lambeaux
de chair projetés hors de l'appareil lorsqu'il vint s'écraser
au sol
Les débris furent recueillis et dans la nuit
je commandais un cercueil pour les recevoir et les enterrer dans
le petit bois, les Allemands s'étant opposés à
leur transfert au cimetière ".
Ce même 30 juin 1944 : au
cours d'une mission d'attaque au-dessus de la Nièvre effectuée
par 38 " Lightning " rescapés d'un " Wing
" de 48, le Lieutenant Loring est touché par un tir
anti-aérien , son témoignage est issu des recherches
et travaux de M Frédéric Henoff, ce qu'il a publié
dans son site Internet (http://www.fred.henoff.free.fr/)
" Mon moteur droit a pris feu lorsque
j'ai été touché, probablement à une
quinzaine de mètres au-dessus du sol. L'habitacle s'est
rempli de fumée ce qui m'a caché les instruments
mais je commençais à remonter. J'ai fait tout ce
que j'ai pu pour éteindre l'incendie : j'ai essayé
de mettre l'hélice en drapeau, j'ai interrompu l'arrivée
de carburant en fermant le circuit d'alimentation mais je n'ai
pas réussi à arrêter le feu. J'ai enfin décidé
que je devais quitter l'avion. Quoique je fusse bon pilote, il
n'y avait aucune chance que je puisse rentrer en Angleterre avec
cet appareil. J'ai largué ma verrière, j'ai descendu
la vitre et alors que je commençais à me lever
pour sauter, j'ai été pris dans les remous d'air.
La force du vent a retiré mon casque, mes lunettes et
mon masque à oxygène et je me suis de nouveau retrouvé
assis et plaqué sur mon siège. Je devais sortir
car la chaleur était vraiment intense. D'une manière
ou d'une autre, je me suis traîné sur l'aile. Le
métal était chauffé à blanc pendant
que je me déplaçais d'une prise de main à
une autre, mais je ne sentais pas l'effet des brûlures.
Quand j'ai finalement quitté l'aile, j'ai vu l'avion s'éloigner
de moi et j'ai alors tiré sur le cordon d'ouverture de
mon parachute (quelques secondes plus tard, le moteur explose
et l'aile se détache. L'atterrissage de l'aviateur est
rude du fait de la faible altitude d'éjection). J'ai été
traîné sur le visage à travers tout le champ,
roulé-boulé sur mes brûlures et venant finalement
m'arrêter près d'une haie en bordure. Je me suis
examiné : bien que mes deux chevilles soient foulées
et que j'aie des brûlures au visage et au bras, j'étais
encore en vie ". Il est 21h00 et le pilote pense qu'il est
quelque part près de Nevers alors qu'en réalité,
il se situe dans les parages d'Ivoy-le-Pré et son avion
s'est écrasé près de La Chapelle-d'Angillon.
Un paysan s'approche de lui l'emmène dans sa ferme toute
proche, lui offre un verre d'eau ainsi qu'une chemise et un manteau
mais il refuse de lui apporter le miroir que l'Américain
lui demande. Il est caché dans une haie, car les Allemands
d'Avord ne vont certainement pas tarder à arriver. "
Avant de partir de la ferme, une des femmes m'a donné
deux ufs. Pensant qu'ils étaient durs, j'en ai mis
un dans chacune de mes poches. Je n'ai pas mis longtemps à
m'apercevoir qu'ils étaient crus et j'ai dû demeurer
avec ses ufs cassés dans mes poches jusqu'à
ce que je sois délivré ". La première
nuit est terrible car il souffre de ses brûlures et afin
de ne pas se faire repérer par les cris que la douleur
lui inflige, il économise la seringue de morphine du kit
de premier secours en se faisant toutes les heures de petites
doses d'injection. " Je suis resté dans la haie pendant
environ dix jours et j'ai reçu du vin rouge, des cerises
rouges un jour et le jour suivant des jaunes et du pain français
". La Résistance le prendra en charge et il pourra
regagner l'Angleterre en août 1944.
9 juillet 1944 :
à 9h00, un Heinkel 177 " Grieff " du 4/KG40
décolle de la base de Mérignac avec pour destination
l'Allemagne avant de rejoindre la Norvège. A bord, outre
l'équipage, deux permissionnaires profitent du voyage
; Après une heure de vol, l'appareil est pris à
partie par des P38 " Lightning " au nord-est d'Avord.
Une salve des chasseurs touche en particulier le réservoir
de fuselage du bombardier et le carburant qui gicle dans la cabine
de pilotage s'embrase. La trappe d'évacuation est forcée
par le radio et le navigateur qui sautent, suivis par le mécanicien
et le pilote. Un des permissionnaires, hésitant à
évacuer l'appareil en perdition, sera retrouvé
mort dans les débris. A 400 mètres d'altitude seulement,
l'électricien et les deux mitrailleurs parviennent eux
aussi à sauter. Les blessés seront dirigés
vers les hôpitaux de Nevers et de La Charité.
Le rapport de la gendarmerie de Jouet-sur-l'Aubois
sur cette journée :
" Nous avons été avisés
téléphoniquement par le maire de la commune de
Beffes qu'un avion en flammes venait de s'écraser dans
la cour de ferme de " Moledon ", territoire de la dite
commune. Nous nous sommes rendus sur les lieux où nous
avons effectivement constaté qu'un appareil allemand s'était
écrasé dans le jardin de la ferme suscitée
et à environ huit mètres de la maison d'habitation
du fermier. Cet avion, en tombant, a détruit également
un hangar en pierre contenant l'outillage aratoire du fermier
ainsi qu'une voiture automobile ".
Et nous avons la déclaration du
cultivateur :
" Ce matin, vers 8H30, alors que je
me trouvais dans ma maison d'habitation, un avion allemand en
flammes s'est écrasé dans mon jardin situé
en face et à huit mètres environ de mon logement.
Mon fils qui se trouvait dans la cour au moment de l'accident
a été sérieusement blessé à
la tête et aux bras par suite de l'explosion qui l'a projeté
à terre. Il a été évacué immédiatement
vers le château de Beffes où il a reçu les
premiers soins du docteur de Jouet-sur-l'Aubois ".
Au cours de la nuit du 11 au 12 juillet
1944, quelques avions de la Royal Air Force bombardent à
nouveau Vierzon (sans doute des De Havilland " Mosquito
"). L'un des appareils est touché par la " Flak
" et s'abat à Saint-Georges-sur-la-Prée, à
proximité du hameau des Ocreries. Le pilote de l'appareil,
le captain E. Suszynski, périt à son bord. Mais
le second membre de l'équipage, le commodore Julian Lagowski,
a pu s'éjecter à temps et sauter en parachute au-dessus
de la métairie de Rozay. A travers la campagne, il parcourt
environ trois kilomètres à pied avant de frapper
à la porte de la maison de M. et Mme Daudu, au hameau
de Dion.
Leurs voisins, M. et Mme Gerbault, le prennent en charge :
" Madame Gerbault se souvient précisément
de cet homme trapu, ayant la quarantaine et qui apprécie
les ufs et le fromage qui lui sont servis. Il parle quelques
mots de français et fait comprendre qu'il vient de Saint-Georges
où son avion s'est abattu. Il attire la sympathie de ses
hôtes, offre du chocolat aux enfants. C'est un miracle
qu'il ne se soit pas fait prendre car les Allemands sont sur
toutes les routes et les dénonciateurs ne manquent pas.
Madame Gerbault donne un bleu au commodore et cache la tenue
militaire dans un champ d'avoine et les papiers sous un tas de
bois. Ainsi, le fugitif pourra se promener autour de la maison
jusqu'à la fin de l'après-midi. Daniel Belliard
arrive vers 22 heures. On va réveiller le commodore. Quand
celui-ci entre dans la cuisine, Daniel Belliard sort de ses poches
deux révolvers qu'il pose sur la table ; l'aviateur devient
blême. Il ne sait pas encore qu'on vient pour le tirer
d'un mauvais pas. M. Gerbault et Daniel Belliard prennent chacun
un révolver et indiquent au rescapé qu'il faut
les suivre. Le commodore remet sa tenue et les trois hommes partent
à travers les champs pour le ferme de Grandmont exploitée
par M. Hannequart qui travaille pour la Résistance
".
10 septembre 1944 :
au retour d'une mission au-dessus de l'Allemagne, quatre P38
s'égarent et l'un d'eux, à court de carburant,
se pose train rentré près d'Avord. Si le pilote
est indemne, l'avion est détruit. Les trois autres pilotes
se posent à Bourges au milieu des festivités de
la Libération qui se déroula le 6 septembre 1944.
Dans l'après-midi, une messe est célébrée
dans la cathédrale avec deux des pilotes comme invités
d'honneur placés au premier rang. Après la célébration,
les deux pilotes se retrouvent au sein de la foule en liesse
et reçoivent les accolades des berruyers comme s'ils avaient
eux-mêmes libéré la ville ! Cette journée
très spéciale se termine pour les deux lieutenants
américains par un repas de fête donné à
l'Hôtel de Ville de Bourges en compagnie des personnalités
du département.
A Saint-Florent-sur-Cher, le témoignage de Mme Gourier
est édifiant :
"En août ou septembre 1944,
des avions alliés viennent bombarder la ville (d'après
la description, probablement des Lockheed P38 " Lightning
"). Les sirènes rugissent mais les avions apparaissent
presque aussitôt après. Nous nous précipitons
dans les tranchées creusées dans le quai de la
rive droite du Cher. Les avions font un premier tour de reconnaissance
à basse altitude de leurs objectifs et, de derrière
le château, ils lâchent leurs bombes qui sifflent
au-dessus de nos têtes, visant le viaduc. Un éclat
siffle tout près de mon oreille. Nous le retrouverons
à la fin de l'alerte, enfoui dans le sable et encore brûlant.
Dans le même temps, d'autres avions survolent le Grand
Breuil et doivent viser la gare. Bilan de cette attaque : le
viaduc est légèrement endommagé, des maisons
sont détruites près du passage à niveau
de la route de Levet, d'autres maisons rasées à
l'angle de l'avenue Gabriel Dordain et de la rue Charles Migraine
où une dame est tuée. Enfin, la route nationale
est touchée par une bombe non éclatée et
désactivée par les artificiers ".
Cette page a été réalisée
à la suite de l'ouvrage de PABB intitulé "Un
siècle d'histoire de l'aéronautique à Bourges
et dans le Cher, 1900 - 2000", dans lequel plusieurs passages
sont issus des travaux de M. Frédéric Henoll
http://www.fred.henoff.free.fr/