Les grands principes des alchimistes
Soufre, Mercure et Sel des philosophes
La transmutation
Le Grand-uvre
L'élixir de longue vie
La pierre philosophale
La pratique et la gamme de fabrication du Grand-Oeuvre
Les traités d'alchimie
L'alchimie en procès ?
Le crépuscule des alchimistes
Les grands principes des
alchimistes
Sans que l'on puisse s'écarter de
la composante spirituelle de l'alchimie, on peut considérer
que l'aspect de la pratique répond à un certain
nombre de grands principes qui n'ont pas beaucoup évolué
depuis plusieurs centaines d'années.
La recherche pratique de la transmutation
des métaux doit aller de paire avec la purification de
l'âme. Loin d'être des personnages au matérialisme
exacerbé, les alchimistes procèdent à leur
opérations, dans un "laboratoire" qui est toujours
assez proche de "l'oratoire", comme chacun peut le
constater à Bourges à l'Hôtel Lallemant.
Pour Serge Hutin, c'est un des traits essentiels
de l'alchimie traditionnelle, " d'allier toujours au laboratoire
un local consacré à la prière et aux exercices
spirituels, autrement dit un oratoire ". Il ajoute que cet
oratoire peut être situé, selon les dimensions des
locaux, dans une pièce jouxtant le laboratoire. C'est
bien le cas de l'Hôtel Lallemant de Bourges puisque le
fait de monter quelques marche conduit du laboratoire à
l'oratoire en quelques mètres.
Dans l'oratoire l'alchimiste vient se recueillir,
il prie, il réfléchit, il
se repose, et c'est
aussi dans cet espace de méditation que se trouvent généralement
les quelques livres de l'alchimiste, livres précieux,
car n'oublions pas que l'imprimerie est juste en train de se
développer.
Une des devises fortes de alchimistes est
"Ora et labora", ce qui se traduit par "Prie et
travaille". L'alchimie est donc très proche de la
religion, quelle qu'elle soit. C'est ce qui explique la tolérance
par exemple de la religion catholique vis à vis des alchimistes,
et ceci pendant très longtemps, alors que les membres
d'autres sociétés, aux principes tout aussi secrets,
ont été excommuniées, pourchassés
et parfois brûlés.
Parmi les principes, se trouve celui de
l'unicité. C'est une des figures les plus célèbres
de la symbolique alchimiste avec ce serpent ou ce dragon selon
les figures qui "se mord la queue " et forme un cercle
: l'Ouroboros. La devise en est " Omnia in unum" ce
qui signifie "Un et un tout". Cette théorie
est très moderne, on peut même dire que les alchimistes
avaient une sacrée intuition. L'idée d'unicité
est devenue ces dernières années, aussi bien en
physique nucléaire que dans le domaine de la vie avec
les gènes et l'ADN, un des axes de recherches du XXI e
siècle. Tout ce qui est multiple vient de l'unité,
et à la fin, c'est le parcours inverse. Ainsi toute manifestation
dérive d'une seule et unique matière par une adaptation.
Parmi les autres grands principes, ceux
qui ont trait aux quatre éléments d'Aristote ne
font pas preuve d'une originalité farouche. L'air, l'eau,
la terre et le feu accompagnent de nombreuses écoles de
pensées.
C'est une tradition séculaire et cette vision du monde
au travers des quatre éléments est le socle intangible
de toute chose. Cancelier, l'exprimera ainsi :
" Malgré les subtilités
les plus extraordinaires, on ne pourra jamais faire que les quatre
éléments ne soient à la base de toute création".
L'air l'eau la terre et le feu sont des
substances que l'on retrouve dans d'autres pratiques et d'autres
civilisations. Ce ne sont pas des données propres aux
alchimistes. Mais ce sont parfois des " natures " ou
des " substances " permettant le passage de l'une à
l'autre.
Le feu, c'est la chaleur et la sècheresse
L'air, c'est la chaleur et l'humidité
La terre, c'est le froid et la sècheresse
L'eau , c'est le froid et l'humidité
Et puis avec ces quatre éléments,
s'ajoute un
. Cinquième qui est la Quintessence (Quinte
-essentia) et sans être à proprement parler d'un
élément, c'est un résultat, une vertu. La
quintessence, " assure la cohésion des quatre éléments
", nous dit Karine Djebari, c'est finalement un principe
de perfection.
Soufre, Mercure et Sel
des philosophes
Par contre, les grands principes qui gèrent
l'alchimie sont des données originales, transmises depuis
la nuit des temps. C'est la trilogie formée par :
- le Soufre
- le Mercure
- le Sel.
Aux premiers jours de l'alchimie, seuls
le Soufre et le Mercure étaient présents., il faudra
attendre le milieu du XV e siècle en Occident pour voir
apparaître le Sel.
Le Soufre et le Mercure, éléments
constitutif de toute matière, proviennent des métallurgistes
qui ont remarqué que les minerais que l'on trouve dans
la terre sont souvent formés de ce l'on appelle aujourd'hui
des sulfures, c'est à dire des "mélanges"
de Soufre et d'un Métal. Lorsque les forgerons par exemple
chauffent à haute température ces minerais, le
Soufre s'en va et fait place à un produit liquide qui
est plus fin, plus clair et qui ressemble au Mercure.
On trouve dans ce domaine, le sulfure de
plomb, (PbS), mais aussi le sulfure de fer (FeS).
Le grand principe des alchimistes est donc
de travailler un minerai formé par définition de
Soufre et de Mercure de le chauffer, en enlevant le Soufre, afin
d'obtenir davantage de Mercure pour aboutir à davantage
de pureté.
Un métal, dans la tradition des
alchimistes, est formé de Soufre et de Mercure et ce degré
de pureté est fonction des proportions respectives de
Soufre et de Mercure. Le plomb par exemple est un métal
"vil", comme le cuivre et l'étain, il possède
beaucoup de Soufre, c'est un métal imparfait qui doit
être purifié, afin de diminuer le Soufre, et après
moult opérations, il s'approche de l'argent puis de l'or,
pour devenir un métal parfait, formé de Mercure
et de presque plus de Soufre !
On pensait à ces époques,
que l'or était le métal qui comprenait le plus
de proportion de Mercure, on utilisait d'ailleurs le mercure
pour des amalgames afin d'imiter l'or, c'était le cas
à partir du cuivre. Plus le métal contenait de
Mercure, plus il était précieux.
Avec le temps, cette terminologie de mercure,
soufre, cinabre.... qui sont des matières chimiques qui
nous sont familières se transformèrent en produits
génériques. C'était davantage la Qualité
de la matière que le produit réel.
Certains auteurs cherchent à clarifier
les écrits des alchimistes dans ce domaine complexe, car
il y a une véritable ambiguïté entre le Soufre
avec un grand S, celui des alchimistes et le soufre, élément
chimique élémentaire et classique pour nous aujourd'hui,
nommé S et comportant un atome de 16 électrons
donc 16 protons pour assurer l'équilibre des charges électriques
et 16 protons.
Comme souvent en alchimie, lorsque l'on évoque le Soufre
du philosophe, ce n'est pas le métalloïde que l'on
connaît aujourd'hui, pas plus que le Mercure du philosophe
n'est le Mercure, métal liquide à température
ordinaire que l'on mettait autrefois dans les thermomètres.
Ce sont les mêmes mots qui n'ont pas la même signification.
On parle du Soufre avec un S majuscule pour définir le
principe, mais ce peut être le soufre pour un sulfure comme
le sulfure de plomb connu sous le nom de blende, ou de l'oxygène
dans le cas d'un minerai de fer, comme Fe2 O3 qui est un oxyde
de fer que l'on extrait "des entrailles de la Terre".
Quant au Sel, Philippe de la Cotardière, l'évoque
rapidement car "ce troisième principe, est censé
favoriser le mariage philosophique du Soufre et du Mercure dans
les entrailles de la Terre, ou dans l'uf philosophique
des alchimistes".
La notion nouvelle de Sel aurait été introduit
par Paracelse.
Ce ne sont pas des métaux ou des
éléments chimiques, mais des principes. On découvre
alors cette dénomination, du principe ,suivi de "
Philosophe " :
Le Soufre des Philosophes symbolise le
corps, c'est un principe mâle, actif et sec, il utilise
la chaleur et c'est un élément essentiel de la
voie sèche.
Le Mercure des Philosophes symbolise quant
à lui, l'âme. C'est un élément femelle,
humide, volatil. Il est utilisé dans la voie humide. Il
est froid et se symbolise parfois par le dragon.
Le Sel des Philosophes se situe entre les
deux principes précédents. C'est un " alkali
", appelé parfois le Feu Secret des Sages. C'est
avec ce Sel que l'on obtient la cohésion du Mercure et
du Soufre, il donne la stabilité à cet édifice.
Le mercure que l'on connaît aujourd'hui
était appelé autrefois "le vif-argent".
Le Mercure, c'était la liquidité, l'humidité,
la froideur de la matière. Il devint l'eau, la femelle
alors que le Soufre était assimilé au feu, au mâle.
Chaque produit était appelé
par des mots différents, comme par exemple le cinabre
était le "dragon rouge ", et le vert de gris
qui est un oxyde de zinc "semence de Vénus ",
le cuivre "le lait d'un animal.
La transmutation
Pour le profane, l'alchimie est essentiellement
basée sur la notion de transmutation. C'est simplement
une théorie qui permet de faire passer, par une pratique
précise, un métal donné vers un autre métal.
Pour ce faire, il suffit de modifier les proportions de Soufre
et de Mercure, , avec l'aide du Sel.
Lorsque l'alchimiste procède à
une transmutation, il modifie les proportions de Soufre et de
Mercure, avec un grand S et un grand M et cherche à atteindre
le métal qui est le plus pur : l'Or.
L'aspect génial et visionnaire des
alchimistes, c'est une certaine analogie avec la science moderne
du XX e siècle. Un métal, ou un élément
est formé de trois composants élémentaires
qui forment un atome :
- le proton
- l'électron
- le neutron
L'atome est formé, en effet d'un
noyau central composé de neutrons et de protons et autour
de ce noyau, un nombre d'électrons tourne, en quantité
égale au nombre de protons. Avec ces trois particules
élémentaires, la science du XX e siècle
a découvert que tous les atomes étaient formés
de ces trois particules et que leurs quantités respectives
donnaient un métal ou un autre.
La transmutation existe et il est possible
comme l'on fait Soddy et Rutherford, de transforme de l'aluminium
en silicium. C'était au tout début du XX e siècle,
et lorsqu'ils réussirent en envoyant des rayons Alpha
sur une fine plaque d'aluminium, ils virent des atomes de silicium
apparaître sur la plaque.
C'est à ce moment que l'un de ces
deux savants dit à l'autre, " n'en parlons pas, ils
vont nous prendre pour des alchimistes et nous brûler sur
un bucher ".
Protons, Electrons et Neutrons d'un côté
ne sont-ils pas identiques à Soufre, Mercure et Sel ?
C'est le même concept, et entre le Plomb et l'Or, dans
le tableau de Mendéliew, la différence porte sur
3 électrons
.
Les alchimistes avaient de géniales intuitions.
Le Grand-uvre
A l'origine du Grand-Oeuvre se trouve la
théorie de la transmutation, puisqu'il s'agit de transformer
un métal vil en or.
Mais les alchimistes, devant la difficulté de réaliser
ce Grand-uvre ont mis en place une étape intermédiaire,
appelée le Petit-uvre, dans laquelle, l'objectif
est de transformer un métal vil en Argent qui, s'il n'est
pas parfait, mérite une mention particulière.
Quant au Grand-uvre, appelé
parfois Grand Magistère, c'est le "but ultime de
tout alchimiste", celui qui mène à la pierre
rouge, la célèbre pierre philosophale.
Celui qui arrive à cette pratique
obtient à la fois la pierre philosophale mais dans le
même temps, la grande lumière, appelée l'illumination
spirituelle, c'est à dire la Sagesse.
Il existe dans la tradition alchimique
deux chemins, deux voies pour atteindre cette pierre philosophale.
La voie sèche et la voie humide.
La voie humide se fait par une sorte de
maturation de la prima matéria, qui est placée
dans l'uf philosophique. C'est en quelque sorte une gestation
en milieu humide en prenant beaucoup de temps. Il faut selon
les traités, une quarantaine de jours , et parfois plus.
C'est l'école de la patience.
L'autre voie dite voie sèche est
beaucoup plus rapide, elle aboutit au même résultat
mais en chauffant la prima matéria de manière forte.
On peut arriver au résultat en quelques heures. C'est
une voie pour alchimiste pressé
.. mais elle comporte
beaucoup de danger et d'explosion des produits en cause.
Les métaux sont souvent assimilés
à des êtres vivants, et il n'y a pas de différence
entre métaux et matières organiques ou vivante.
Le processus est curieux, c'est celui de l'évolution.
On va d'un état de plus en plus évolué passant
d'un métal vil à commencer par le fer, puis le
cuivre, le plomb, l'étain, le vif-argent, vers un métal
moins vil, l'argent et cela jusqu'à l'or, l'aboutissement
du Grand Oeuvre.
l'Elixir de longue vie
On trouve encore l'Elixir de longue vie,
que l'on peut lire dans un roman de Balzac, peu connu,
Malgré le scepticisme dont il était
armé, don Juan trembla en débouchant la magique
fiole de cristal. Quand il arriva près de la tête,
il fut même contraint d'attendre un moment, tant il frissonnait.
Mais ce jeune homme avait été, de bonne heure,
savamment corrompu par les murs d'une cour dissolue ; une
réflexion digne du duc d'Urbin vint donc lui donner un
courage qu'aiguillonnait un vif sentiment de curiosité,
il semblait même que le démon lui eût soufflé
ces mots qui résonnèrent dans son cur : "
Imbibe un il ! " Il prit un linge, et, après
l'avoir parcimonieusement mouillé dans la précieuse
liqueur, il le passa légèrement sur la paupière
droite du cadavre. L'il s'ouvrit.
Dès le XIIIe siècle, mais
sans doute avant, les hommes de science vont remettre au cur
de leur préoccupation : le mythe de l'éternelle
jeunesse, qui avait une connotation relativement légendaire.
Naît alors une nouvelle littérature sur "comment
retarder la vieillesse" ou sur la "prolongation de
la vie" qui est très vite aspirée par l'alchimie.
L'or nouveau, issu du Grand Oeuvre devient l'élixir de
longue vie par excellence et " occupe une place importante
dans l'imaginaire occidental pendant des siècles. "
selon le professeur Agostino Paravicini Bagliani.
La pierre philosophale
La pierre philosophale était au
centre des opérations de transmutation sans qu'il soit
possible d'en déterminer la nature. Elle devait permettre
par sa puissance de transformer le métal vil en argent
ou en or.
C'est un catalyseur de la transmutation, elle peut apparaître
sous forme de pierre de couleur rouge, couleur rubis, et au toucher
de cette pierre, le plomb se transforme en or, par simple contact
ou frottement. La pierre peut aussi prendre la forme d'une poudre,
et le jet d'une pincée de celle-ci sur le morceau de plomb
le transforme là encore en or.
La pierre philosophale est aussi un principe
qui rend meilleur et plus éclairé, c'est pour le
métal, l'évolution vers l'argent ou l'or, donc
le métal est plus beau, et
.. il en est de même
pour la vie et l'homme. La pierre philosophale soigne donc les
métaux et aussi l'homme et ses maladies. C'est en effet
l'Elixir de longue vie, celui qui donne l'immortalité
et chasse la maladie et la souffrance, "soignant le corps".
Enfin, la pierre philosophale soigne
l'âme, et rend l'homme meilleur, lui apportant la Sagesse.
Quel beau programme pour celui qui réussit
à mettre la main sur cette Pierre des philosophes, et
cela explique que des femmes et des hommes, durant des siècles,
aient cherché à l'acquérir, mettant en uvre
à la fois leur temps, leurs compétence et parfois
leur vie.
Cela explique aussi, à partir du
XVI e siècle, l'appétit des charlatans et des escrocs
de tout poil pour se procurer une once de cette pierre rouge
si miraculeuse !
La pierre philosophale a donc un côté
mystique, elle recèle l'âme du monde, mais au niveau
technique, c'est un agent tinctorial des métaux, proche
d'un colorant.
De quoi est-elle composée, c'est
un secret et y répondre reviendrait à nier l'alchimie.
Ce secret doit demeurer inviolé......
Mais l'alchimie subit une évolution
récente avec l'apport des philosophes et de nouvelles
recherches. Il ressort que le travail de laboratoire pour certains
n'était qu'un prétexte et que tout était
dans la " transformation psychique " pour reprendre
les termes de Pierre Lory dans les dix traités d'alchimie
de Jâbir Ibn Hayyân. L'auteur ajoute qu'il est nécessaire
de réhabiliter ce travail de recherche mentale, et d'étudier
plutôt que de condamner. Il remarque que de grands savants
comme Liebniz et Newton admettaient qu'il était possible
d'effectuer des transmutations métallurgiques. Et sur
un tout autre plan, Carl Jung a réalisé des travaux
et " il a été frappé par l'analogie
entre le symbolisme des rêves et des hallucinations de
certains de ses patients, et le symbolisme alchimique "
selon Eliade.
Pour Jung, il existe dans le psychisme de chacun une sorte de
processus tendant vers un but final qui doit permettre l'accomplissement
de soi.
Cette forme de l'alchimie traitée
par Karine Djebari est une forme d'initiation, " l'alchimiste
est un chercheur, comme le philosophe, comme le sage indou, comme
le franc-maçon ". C'est le célèbre
" connais-toi toi-même " repris par Socrate.
La pratique et la gamme
de fabrication du Grand-Oeuvre
Le nombre de documents donnant les moyens
d'arriver à la Pierre philosophale et au Grand-uvre
sont considérables, et cela est d'autant plus étonnant,
de la part d'un "confrérie" qui met le secret
au centre de ses préoccupations. Mais ces "recettes"
sont-elles crédibles ? C'est la question de fond, d'autant
plus que ces révélations partent d'un mystère
primitif. Le point de départ, c'est à dire la composition
de la matière première, laquelle matéria
prima n'est jamais révélée !
Voici à titre d'exemple, quelques
éléments historiques sur ce que doit être
la réalisation devant aboutir à la pierre philosophale
avec Basile Valentin :
" Prends 100 livres de cette matière,
la matéria-prima désignée avant comme de
l'antimoine. Opère comme si elle était dans les
entrailles de la terre. L'ayant pulvérisée avec
soin très subtilement... qu'on la mette dans des cornues
de verre et qu'on la distille. Au début, ce doit être
un feu léger de charbon jusqu'à ce que sorte l'esprit
ou mercure, et à la fin, le feu doit être très
fort, de bois pour que le soufre s'attache dans la cornue....
Prend ce soufre et purifie le en le sublimant trois fois dans
un récipient et remet chaque fois ce qui est au fond avec
ce qui est monté...
Prends l'esprit qui est le mercure et mets lui 10 grains de ce
soufre. Qu'il soit placé pour 40 jours dans du fumier
de cheval en alambic avec un tube fermé. Après
ces 40 jours, distille tout, enlève les résidus
qui sont au fond."
Djahir ibn Hayyan, de son côté,
a beaucoup écrit, et on trouve ainsi cette recette pas
très simple à mettre en pratique :
" Entreprends ensuite l'opération
du quatrième Elément, soit la Terre. Prends-la,
réduit la en poudre, broie la et tamise-la. Puis prends
la poudre tamisée, pose la sur une pierre plate et broie
la avec une molette, avec délicatesse et fermeté.
Verse alors de l'eau Première dessus en la broyant et
en l'arrosant à satiété jusqu'à ce
qu'elle ait pris une consistance de poix épaisse. Essore-la
ensuite, soit au soleil, soit sur la cendre chaude, comme tu
voudras qu'elle se dessèche".
Dans les traités connus, se trouvent
des constantes, basées sur un autre des grands principes
de alchimistes, le célèbre " Solve et Coagulat",
c'est à dire dissoudre et coaguler ou encore purifie et
intègre.
Les recettes suivent alors :
" Et tout d'abord : c'est effectivement
par la distillation qu'il faut commencer les opérations,
c'est à dire par la séparation des quatre éléments.
Ceci est la première des trente paroles, elle est fondamentale.
Cette distillation consiste à placer la Pierre dans une
cucurbite déposée dans une marmite de cendres,
sous laquelle on allume un feu jusqu'à l'évaporation
complète, toute eau étant extraite.... "
Dans certains traités, ce sont 4
opérations qui président au travail des alchimistes
:
- la purification du sujet, c'est à
dire de la matière première.
- la dissolution ou volatilisation jusqu'à ce qu'il ne
reste que l'être universel
- la solidification nouvelle
- une dernière combinaison sous l'empire de l'être
le plus pur.
Comme avec ces 4 opérations élémentaires,
de nombreux alchimistes ne purent arriver à leur fin,
il semble que la pratique devint plus complexe, et 2 opérations
supplémentaires furent ajoutées. C'est alors que
la nouvelle gamme d'obtention de la pierre philosophale pour
obtenir de l'or
- la calcination, elle correspond à la couleur noire,
c'est l'extension des désirs, la destruction des différences.
C'est la réduction à l'état premier de la
matière.
- la putréfaction, qui sépare les éléments
calcinés
- la solution dont la couleur est blanche, c'est une matière
totalement purifiée.
- la distillation
- la conjonction qui correspond à la couleur rouge ou
à l'union des opposés.
- la sublimation qui correspond à l'or, c'est la couleur
du soleil.
Le tout se résume dans ces mots
: solve et coagula aussi valable pour la matière que pour
l'être. Et c'est pourquoi on retrouve dans l'iconographie
alchimique de nombreux exemples de couples " faisant l'amour
", dans un bocal ou sur un champs
. La plupart étant
rois et reines !
Les traités d'alchimie
Le nombre de traités sur l'alchimie
est considérable, plusieurs dizaines de milliers. Avec
toute cette documentation, comment comprendre que l'on ne puisse
pas trouver aisément la gamme de fabrication de l'Oeuvre
et transformer le plomb en or ?
Et puis l'ensemble des pratique ne devait-t-il pas rester secret
? alors pourquoi écrire ?
Le grand commandement éthique qui
était imposé aux Alchimistes était d'être
" charitable " et " envieux ". Il devait
partager avec d'autres la Sagesse, mais ne pas autoriser la divulgation
au premier venu des techniques.
Donc il fallait fournir des indications pratiques pour les "
Frères " et accéder à la vrai fraternité,
celle des philosophes en séparant le bon du mauvais pour
la suite.
Il est particulièrement difficile
de lire les traités alchimiques quels qu'ils soient. Rien
n'est simple car, il n'y a pas souvent de logique.
Les expressions sont souvent sibyllines, il y a aussi de longs
chapitres sur la métaphysique, sur le cosmos, des digressions
qui déroutent le lecteur.
Des textes sont parfois insérés pour abuser le
lecteur profane.
Le langage utilisé était
très ésotérique, il y avait un double cryptage
:
- l'utilisation de symboles comme les dieux,
les animaux fantastique, les monstres. Leurs rapports dévoilaient
des principes et des opérations.
- le mode d'expression était de type labyrinthique, les
successions chronologiques et la concaténation ( l'enchaînement)
des causes n'était pas logique.
Une opération décrite en
son milieu, puis on allait à la fin, on revenait vers
le début et ainsi de suite. C'est peut être le problème
des caissons du plafond de l'Hôtel Lallemand. On cherche
depuis des lustres un cheminement logique, il faut commencer
par les caissons proches de la fenêtre et lire les caissons
comme les vitraux d'une cathédrale, de bas en haut et
de gauche à droite. Ainsi, la lecture se ferait, en prenant
notre logique du XXI ° siècle, de la fenêtre
à la porte
. Sauf qu'il s'agit d'alchimie et qu'il
est fort possible que la lecture soit plus complexe, en zig zag,
ou en prenant un caisson ici, un autre plus loin, et ainsi de
suite. C'est une éventualité qui sera évoquée
dans le chapitre sur les révélation relatives à
ces plafonds.
De même un processus pouvait se décomposer
en différentes phases et se disperser dans un texte. C'est
particulièrement déroutant.
Les traités d'alchimie sont souvent
des ouvrages passionnants mais ils soufrent d'un hermétisme
que l'on conçoit mal aujourd'hui. La plus grosse difficulté
tient au langage des alchimistes : un seul terme n'a pas toujours
la même signification.
Ainsi, par exemple, le livre de "
Soixante dix " est un ouvrage de Djabir Ibn Hayyan, qui
donne un certain nombre de recettes pour atteindre la Pierre
philosophale.
Chaque chapitre commence par une louange à Dieu, c'est
ainsi que dans " le Livre des Trente Paroles ", le
texte commence ainsi :
" Au nom de Dieu le Tout Miséricordieux,
Louange à Dieu, à Qui seul revient la Souveraineté,
et seul réalise en Lui-même Son unicité,
le Créateur par sa Puissance, qu'il soit loué.
Il y a donc souvent une forte connotation
religieuse sachant que certains chapitres prennent en compte
les valeurs humaines. Jabir parle de l'arrogance et de la fierté
de l'homme qui commet de graves erreurs. Il poursuit sur le mensonge,
car " Dieu m'a fait éviter le mensonge, qu'Il vous
en délivre également ". C'est toute une partie
très moraliste qui transparaît dans l'ouvrage, avant
de proposer la manière dont doit être traitée
la matière.
Il apparaît donc que les traités
d'alchimie comportent toujours plusieurs approches :
- d'une part, une référence à Dieu est une
constante dans de nombreux traités alchimique. Cela signifie
que les alchimistes peuvent être des religieux, mais aussi
qu'ils ne veulent sans doute pas se mettre à mal avec
l'institution religieuse,:
" que Dieu soit exalté ".
- Puis, on trouve des conseils moraux ou des propos sur l'homme
:
" Les gens se situent à différents
niveaux. Chez certains, la réflexion n'aboutit à
rien de fructueux. D'autres apportent une solution après
mûre réflexion. Il y a les bilieux dont la bile
jaune s'est transformée en bile noire.....Un jugement
pondéré, qui ne tombe pas dans l'erreur, est celui
du mélancolique ".
- Des renseignements sur les outils et
moyens à utiliser. Le monde des alchimistes est formé
de gens qui ont inventé des procédés, comme
le bain-marie, mais aussi des matériels, comme l'alambic
pour la distillation, ou encore le célèbre athanor
qui est le four des alchimistes. Mais les instruments de verre
comme le pélican qui est "une cornue à col
recourbé", ont été utilisés
par les alchimistes puis
les chimistes.
Enfin, l'objet le plus célèbre des laboratoires
souterrains des alchimistes est sans contexte ce ballon de forme
ovoïde, fait le plus souvent de verre et que l'on va appeler
l'uf philosophique. C'est pour reprendre une terminologie
d'alors, "un objet destiné à être placé
dans l'athanor, ce qui constituait la chambre nuptiale où
le Soufre et le Mercure devaient s'accoupler" comme le rapporte
d'Histoire des Sciences.
Les détails peuvent aller assez
loin, comme ce traité qui signale que le vase doit provenir
de Bassora :
" Prends la Terre, .... broie-la
jusqu'elle acquiert la consistance de la cervelle, lors de la
trituration. Dépose-la dans un vase de poterie rouge de
Bassora "
- Et puis la manière d'opérer
n'est pas absente des traités.
" si tu recours à un régime
de feu modéré, l'Eau se dégage blanche.
Si tu renforces la flamme, tu altéreras sa couleur ".
Parfois le texte se tinte d'une forme de
philosophie dans lequel le temps n'intervient plus :
" La lenteur requise par ce travail
peut excéder ce que peut supporter ta patience, puisqu'il
peut arriver que tu aies à attendre une année sans
pouvoir intervenir ".
L'alchimie en procès
?
Le reproche qui est fait souvent à
l'alchimie, c'est un certain refus de la méthode scientifique
et de l'esprit critique. Il y a de la foi et de la magie dans
tout ce qui se fait. La transmission de la connaissance se fait
avec une confiance aveugle sans vérification sérieuse.
Il y a un côté totalement irrationnel dans certaines
approches.
Ainsi, les concepts étaient souvent un peu approximatifs
: " l'or est lourd, le plomb aussi, les deux métaux
contiennent donc le même principe Lourd ".
C'est simpliste, mais pas si idiot que
cela. Ils n'avaient pas découvert l'atome ou le neutron.
Et puis parfois c'était plus cocasse,
il est apparu un jour dans les traités, le mot "
alkahest " qui selon les auteurs était le dissolvant
universel. Tout corps quel qu'il soit, plongé dans ce
liquide se dissolvait et donc disparaissait.
Il s'agissait d'un produit extraordinaire, et les études
et recherches sur ce mystérieux élément
se multiplièrent.
Et puis, un jour un alchimiste, sans doute moins crédule
que les autres se demanda si ce dissolvant universel répondait
bien à la définition de ses "inventeurs",
c'est à dire qu'il dissolvait tout, mais alors, dans quoi
le mettre et le conserver ? Le vase qui contenait le liquide,
en effet devait aussi se dissoudre au premier contact !
Le crépuscule des
alchimistes
Comment peut-on expliquer la fin des alchimistes
au 16 ° siècle en occident ?
L'alchimie c'est la rencontre et le travail dans une même
direction d'un aspect pratique, les fourneaux, et autres cornues
avec la recherche de l'or à partir de métaux quelconques,
et puis une quête plus spirituelles, qui est la recherche
de l'élixir de longue vie ou plus simplement la sagesse.
Deux tendances s'affrontent alors, :
Une première avec la science physico-chimique qui devient
prépondérante, et néglige les aspects mystiques
et spirituels. Ils deviennent des chimistes.
Une seconde à l'opposé, écarte tous les
aspects matériels et pratiques et se consacre uniquement
à la spiritualité, utilisant encore un langage
alchimiste mais en ayant éliminé tout travail.
Il faut dire qu'il n'est jamais simple
de passer de l'alchimie à la chimie et qu'il y a continuité.
Les alchimistes avec leur défaut n'étaient pas
des gens incompétents, on peut même dire qu'ils
avaient un sacrée intuition. L'idée d'unicité
est devenue ces dernières années très moderne,
aussi bien en physique nucléaire que dans le domaine de
la vie avec les gènes et l'ADN.
Le tout est dans un, c'est une découverte récente.
Il y a des charlatans, comme toujours,
comme partout et il y a des gens qui cherchent. Mais ces charlatans
ont donné une très mauvaise image de cet art et
des gens qui le pratiquait.
Est-ce que le transistor, le micro-ordinateur
ou la carte à puce étaient des objets imaginés
il y a 30 ans ? Assurément non, et la façon dont
ils ont été inventés n'est pas plus idiote
que les recherches des alchimistes pour transmuter du plomb en
or.
La fin des alchimistes correspond assez
bien avec la diffusion des travaux de Lavoisier, et à
partir de ce moment, d'une manière assez rapide, l'alchimie
a été " reléguée au rang de
fausses sciences ", et pour beaucoup une entreprise de charlatans
et de gogos, sans penser que nombre d'alchimistes ont permis
des avancées scientifiques très importantes.
Une réhabilitation de l'alchimie sous des aspects historiques
et d'évolution de la pensée scientifique est indispensable,
sans omettre la naïveté de nombreuses approches.
Les alchimistes ont beaucoup travaillé devant leurs fourneaux,
mais ont-ils trouvé de l'or à partir de "
vils métaux " ?, la démonstration reste à
faire, mais ils ont beaucoup écrit, et parfois fait des
vraies découvertes. Ainsi, la porcelaine dure, "
made in China ", a fait l'objet de recherches considérables
en Europe pendant plusieurs siècles. Un alchimiste, Böttger,
dont l'histoire est fabuleuse, passa tant et tant de jours à
faire des expériences qu'il trouva à défaut
de l'or recherché la gamme de fabrication de la porcelaine.