Premier Film a Bourges- Bernard Epailly - Bourges Encyclopédie

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PREMIER FILM A BOURGES
Par Bernard Epailly

Bourges et le cinéma avec le premier film à Bourges en 1896, l'ancêtre du multiplexe CGR.

Un retour sur une belle page de notre ville.

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Version 2015

 

Le premier film

Hier encore, c'était le printemps du cinéma, une fête pour les cinéphiles qui peuvent se " faire une toile " comme on dit, pour 3,50€ ; avec, cette année, un anniversaire à l'horizon : il y aura 120 ans à Noël que le premier film a été projeté à Paris.

Et dans nout'Berry, ça a eut été quand ? dame, on n'en sait ben ren !

Bien sûr que si ! Où et quand, on le sait. A Bourges, rue Moyenne, au Grand Café, le 8 juillet 1896, juste six mois après Paris. Six mois seulement ! Balzac a dû se retourner dans sa tombe, lui qui soulignait, avec la suffisance d'un parisien (né à Tours), " l'aversion profonde des berrichons pour le changement1 ". En ce temps-là, on aimait presqu'autant les nouveautés à Bourges qu'à Paris. Dans la capitale du Berry, le Grand Café était le " plus bel établissement du genre ", des " locaux richement décorés, des lumières électriques réfléchies par de grandes glaces2 ", une décoration de type Art nouveau… et autour des tables : des officiers, des grands et des petits bourgeois, bien sûr aussi des élégantes, que du beau monde. A la tête de cette affaire, M. Margaritat, un chef d'entreprise réputé et qui voyait grand. Le cinéma ? Il ne pouvait pas rater ça.

Donc, le 8 juillet 1896, à 8 heures du soir, Bourges a accueilli son premier film. Et (Balzac, calme-toi !) le succès a été plus grand chez nous que dans la capitale. Six mois plus tôt, boulevard des Capucines à Paris, la projection organisée par les frères Lumière avait réuni seulement trente-trois spectateurs (dont deux journalistes) venus découvrir ce qu'ils appelaient des " vues photographiques animées 3 ". A Bourges, c'était mieux. La première séance était, " par une attention délicate de la direction, réservée aux autorités et à la presse", séance gratuite pour les passeurs d'idées ; déjà. Et, dès le lendemain, " la salle était ouverte au public de 2 h de l'après-midi à 6 h et de 8 h à 10 h du soir4 ". Le bouche à oreille aidant, les projections se sont faites, le plus souvent, à guichet fermé.

Le " premier film " montré à Bourges est, comme à Paris, à Lyon et Marseille, une succession de petits clips qui atteignent à peine une minute. La plupart de ces vénérables documents peuvent être, aujourd'hui encore, visionnés sur internet ou dans une cinémathèque. Parmi eux, il y a les premières productions (muettes) de Louis Lumière : La sortie de l'usine, tourné à Lyon, Le train en gare, le plus connu, tourné à La Ciotat, avec un gros plan sur la locomotive qui fonce et crache, provoquant, dit-on, un peu de panique parmi les spectateurs ; et aussi le premier gag filmé avec Le jardinier et le petit espiègle, qui met en scène un arroseur arrosé. Avec, en plus, les premières " actualités ", un document filmé en Russie par les techniciens des frères Lumière le 14 mai 1896.

On ne va pas encore au cinéma pour voir un film mais par curiosité, pour découvrir des images qui bougent. " Toutes les personnes sont émerveillées du spectacle qu'ils ont sous les yeux ", affirme la presse de l'époque, " ces images animées sont vraiment surprenantes ". Et, cerise sur le gâteau, " c'est une distraction goûtée par le clergé et les institutions religieuses ". Mon Dieu que c'est bon. Reste le prix, fractionné comme au théâtre : 0,50 F pour ceux qui sont mal placés, 1 F pour les plus riches. Un place de pauvre coûte le prix de deux kg de pain, à peu près comme aujourd'hui. Les plus riches paient le double mais ils ont les moyens, fantaisie à laquelle le monde moderne a renoncé, au moins pour le cinéma.



1 H. de Balzac, La Rabouilleuse, 1842. 2 André Rousseau, C'était hier à Bourges, La Bouinotte, 2007. L'alimentation électrique privée était fournie par une dynamo. Au 16 rue Moyenne, l'établissement a été remplacé par une banque dans les années 50 (cf. www.encyclopédie-bourges.com). Un Grand Café du même type subsiste encore à Moulins-sur-Allier.
3 Claude Beylie et Jacques Paturault, Les maîtres du cinéma français, Bordas, 1990. 4 L'Indépendant du Cher. 5 Le Journal du Cher.

Illustrations

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