Cet article vient d'une recherche
personnelle au cimetière Saint Lazare, de Bourges lors
d'une animation (une visite théâtralisée)
pour le 11 novembre 2018 avec les Diseurs du Berry.
L'année suivante un
article sur Ottilie Voss est paru dans La Bouinotte N° 149
signé de Jean Pierre Pille.
Ottilis Voss est
née à Goch en Allemagne le 15 septembre 1880, elle
avait 34 ans à la guerre de 1914.
Elle sera fusillée à Bourges
le 17 mai 1915 pour espionnage.
En France avant 1914
Ottilie Voss est allemande, et elle vient
en France dans les années 1900,
Elle fait de bonnes études en Rhénanie
devenant institutrice, et parlant déjà plusieurs
langues. Elle s'installe une première fois à Agen
ou elle passe 7 ans.
Elle parle parfaitement le français
en plus de sa langue maternelle et de l'anglais.
A Agen, de ce que l'on sait, elle travaille
comme interprète dans un hôtel, c'est au Jasmin,
et cela dure deux ans.
Pour vivre, elle donne des cours à la bourgeoisie locale,
devenant professeur dans plusieurs familles importantes de cette
petite ville. Elle passe pour une jeune femme compétente
et aimable, visiblement elle a une bonne réputation, et
elle gagne honorablement sa vie.
Officiers ou inspecteur d'école primaire lui confient
leurs enfants.
Elle prend un logement pour donner des
cours particuliers à son compte, c'est une vraie intégration.
Et puis c'est l'été 1914,
et la, tout se complique.
Le 31 juillet 1914 alors que la guerre
se déclare, c'est là
mobilisation de millions de jeunes gens en France et en Allemagne,
elle quitte Agen et veut se rendre en ... Angleterre, elle affirmera
plus tard que c'est pour améliorer son anglais.
On comprend mal ce départ, surtout pour l'Angleterre,
on aurait davantage compris que ce fut pour l'Allemagne.
D'Agen, elle part pour Paris où
elle rencontre sans doute un de ses frères, puis va à
Dieppe et par bateau, se retrouve en Angleterre le 1 er aout
1914. Sur ce type de déclaration, on peine à trouver
une logique et les dates ne semble pas possibles, même
si on est dans une période troublée.
David et Lylian dans une visite théâtralisée
du 11 novembre 2018
Que se passe-il alors ? Nul ne sait mais
Ottilie Voss veut revenir en France début septembre, ce
qui n'est pas très facile, car elle est de nationalité
allemande et elle ne semble faire qu'un court passage à
Agen, le temps de vendre son mobilier et de quitter son logement.
Et elle se retrouve sur les routes françaises
pour aller en Allemagne en passant par Rotterdam. Et elle retourne
ainsi chez papa et maman dans la maison familiale.
Comment se retrouve-elle
à faire de l'espionnage ?
Il faut bien vivre et Ottilie Voss lit
dans une petite annonce que l'on recherche des hommes et des
femmes connaissant plusieurs langues. La jeune femme est intéressée
car c'est un vrai travail et c'est bien payé.
Surprise sans doute lorsque elle s'aperçoit
que c'est pour faire de l'espionnage, et elle suit des cours
sur une dizaine de jours , des cours très techniques,
comme le canon de 75 fabriqué à Bourges, elle
apprend très vite et est envoyée au centre d'espionnage
du grand état major allemand.
Elle devient une vraie espionne, est munie
de faux papiers, elle s'appellera Jeanne Bouvier, Belge née
à Bruxelles, c'est sa couverture avec laquelle elle va
à Zurich et obtient un laisser passer, étant belge,
qui lui permet alors d'aller facilement en Suisse, en Italie
et en France.
Espionne à plein
temps
On la retrouve le 3 février 1915
en France et elle commence "son métier" d'espionne.
Elle va à Marseille et à Lyon, et s'intègre
bien à la population du midi de la France, ontre le fait
d'aller par exemple au cinéma, et au théâtre,
elle écoute, note et transmet ce qu'elle ressent sur le
moral des français de l'arrière.
En outre, elle étudie des lieux
et des gares, elle va aussi à Nice et à Montpellier,
sur la cote, elle ragarde les navires militaires et note les
mouvements des troupes.
Et elle repart en Allemagne avec tous ces
renseignements par exemple sur les voies de communication ou
la situation du recrutement. Une vraie espionne !
Après avoir communiqué ce
qu'elle avait trouvé, ses chefs semblent contents de son
travail et la renvoie en France, mais cette fois dans une zone
plus sensible, le centre de la France avec une somme de 500 francs
or et elle parcourt quelques grandes villes, comme Orléans,
Nevers et enfin Bourges.
Notre Jeanne Bouvier est dans le Cher et
à Bourges à partir du 26 février 1915, mais
elle est déjà "fichée" par les
services de renseignements de Paris.
Elle s'installe à l'Hôtel
Terminus en face de la Gare, et elle s'est fait semble-t-il un
plan de visites des lieux et des installations de la ville.
En effet, Bourges est une grande cité
militaire, il y aura 23000 personnes qui travailleront dans les
différents Etablissements militaires, le polygone de Tir,
la Pyrotechnie, les ateliers de fabrication des obus et surtout
du canon de 75 et puis la cvaserne Condé qui est le centre
du 95° RI, Régiment d'Infanterie.
Elle n'aura pas le temps de visiter beaucoup
de ces sites puisque si les dates sont exactes, le 27 février
1915 elle est arrêtée, par les services français
de lutte contre l'espionnage.
A son hôtel, des documents sont récupérés,
avec des cartes de chemins de fer, des notes codées, et
sans doute d'autres indications car le commissaire Portal l'incarcère
à la prison du Bordiot.
Elle a le numéro d'écrou
N° a454.
Elle est traduite devant le Conseil de
guerre du 8° Corps d'armée que préside le commandant
Brizard.
Et c'est le procès
La salle est remplie de curieux, car une
esionne ça attire le monde et tout commence le 9 avril
1915.
Pour sa défense, elle dit qu'elle
ne voulait pas trahir la France, mais qu'elle devait vivre et
donc elle apportait aux officiersd allemands des renseignements
de ce qu'elle avait vu en France. Pour vivre elle avait reçu
1250 francs or.
Elle aimait la France disait-elle et "il
fallait que je raconte quelque chose en retournant en Allemagne".
Sa défense est délicate et
même si les autorités affirment qu'elle n'a pas
pu donner beaucoup de renseignements importants,
il faut donner un exemple et ce sera la peine de mort.
Un recourt en grâce est formulé
le 27 avril 1915, mais il est refusé par le Président
de la République Raymond Poincarré à la
date du 16 mai.
Le lendemain 17 mai 1915, Ottilie Voss
est exécutée sans doute dans la prison du Bordiot
(?) et elle est enterrée au cimetière Saint Lazare.
Nul ne sait où se situe la tombe,
que l'on recherche toujours.
Dans ce secteur un peu abandonné
vers le carré militaire, les tombes ne sont pas marquées,
afin d'éviter que cela devienne un lieu de souvenir morbide
pour certains.
Fiche anthropométrique datée
du 1 er mars 1915