école de jeunes filles de Bourges - Roland Narboux - Encyclopédie

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L'ECOLE NATIONALE PROFESSIONNELLE DE JEUNES FILLES DE BOURGES
Par Roland NARBOUX

Bourges n'a pas souvent été pionnière en matière d'enseignement, il est un domaine ou la ville avec Laudier a été précurseur.

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Version 2009

 

Parmi les projets qui tenaient à coeur le maire Henri Laudier , il en est un qu'il va mener à bien avec une fougue toute particulière : c'est la mise en oeuvre d'une Ecole Nationale Professionnelle pour Jeunes Filles.

Ce premier établissement s'ouvre pour la première fois le lundi 14 octobre 1929, avec deux semaines de retard par rapport aux prévisions. L'aménagement des locaux n'était pas terminé le premier octobre. Bien sûr, tout n'est pas en état, mais comme le rapporte la presse, "les parties indispensables au fonctionnement des cours et des services sont finies, et c'est l'essentiel".


Le personnel enseignant est là, au complet ; les cours dans cette nouvelle école ont une durée de 4 ans, et cette année, il n'y aura qu'une première et une troisième année, "les exigences des études ne permettaient pas de faire mieux". Ce n'est qu'à la rentrée de 1930 que les quatre années seront pourvues. L'école se donne pour objectif de former des jeunes filles à la vie professionnelle ; signalons parmi les premières classes, le début de la section des aides-chimistes.

Le journaliste de la Dépêche du Berry qui écrit quelques lignes sur le sujet termine par cette belle envolée :
" Le bel et vaste établissement de la rue de Dun est devenu une véritable ruche où règne le labeur fécond".

Cette fois encore, pour Laudier et son équipe municipale, ce fut un travail acharné.

Les premières esquisses de ce qui deviendra une Ecole Nationale Professionnelle de Jeunes Filles remontent à 1922. Le maire décrète alors le 15 juillet que les sections industrielles et commerciales de l'Ecole Primaire Supérieure (E.P.S.) existant à Bourges pour les jeunes filles ont déja été transformées en Ecole Pratique, c'est donc un "acheminement vers une nouvelle orientation". La question des types d'enseignement est posée, si sur le plan industriel et commercial, il n'y a aucun problème, pour l'enseignement agricole, lequel dépend du ministre de l'Agriculture, rien n'est acquis. Pour Henri Laudier :


"Nous aurions une Ecole Professionnelle de jeunes filles qui comprendrait une section d'enseignement général... En somme cela se passerait comme à Vierzon, avec un internat, la question du local sera à examiner. On songe à l'immeuble du Petit Séminaire Saint Célestin, offert par le Département à l'Etat".

Comme souvent, les aspects financiers vont perturber l'installation rapide de la première école de ce type en France. En 1925, Laudier, dans son examen de la situation municipale à la veille des élections, signale que "l'accord est absolument complet entre la Ville, le Département et l'Etat ; si il n'y avait pas eu un retard dans le vote du budget, les travaux seraient commencés...".


Le coût prévu pour les frais d'installation sont de 2 millions de francs dont 600 000 francs correspondant à la participation de la ville. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes berruyers, lorsque se produit un véritable coup de théâtre au mois d'août 1926.


Henri Laudier, l'air grave et solennel, ouvre la séance du conseil municipal le 28 août 1926 par ces mots :

" Contre tout bon sens, et à l'encontre de tous nos espoirs, le Conseil Général vient de décider le transfert de l'Asile d'incurables à Saint Célestin, nous privant ainsi de réaliser immédiatement la création de l'Ecole Nationale professionnelle de jeunes filles, décidée par la loi de finance du 13 juillet 1925".

Il poursuit par des explications précises :


"Cette décision que rien ne laissait prévoir, après cinq années de laborieux efforts en commun, retentira douloureusement au coeur des Berruyers. Et cependant nous pouvons nous rendre cette justice que nous n'avons ménagé ni notre temps, ni notre peine, ni les deniers de la Ville pour arriver à concilier des intérêts qui n'avaient rien de forcément inconciliables, puisque pendant cinq ans, le Conseil Général et le Conseil Municipal avaient parfaitement marché unis dans cette question".

Et c'est le bras de fer entre les deux institutions. Le maire reconnaît que la position du ministre des Finances vis à vis de l'Assemblée Départementale sur les modalités de remboursement dans les travaux d'appropriation n'a pas été sans influence sur la décision prise, mais en fait, par cette décision, c'est le refus de toute marche en avant. Les mots dépassent parfois la pensée, lorsque Laudier évoque les vieillards incurables qui seront logés princièrement dans un bel immeuble alors que la jeunesse studieuse se trouve sacrifiée.


C'est ensuite le rappel de ce que devait être une grande école, avec trois à quatre cents pensionnaires, venant de tout le département, et Bourges, cité "déshéritée" en a bien besoin. Sur les aspects financiers, la ville de Bourges récuse les bonnes raisons avancées par le Département en faisant valoir que la ville a accepté de donner 510 000 francs au Conseil Général, en provenance du Pari Mutuel.... qui, à l'époque servait à construire des écoles !

C'est la guerre dans le département entre les différentes instances. On parle d'une démonstration d'hostilité de la part des conseillers généraux, et le maire réfute un à un les arguments de ses opposants du Cher. Il parle du faible coût de l'entretien, de la solution pour les incurables, et enfin de la gestion très légère du département.
Devant l'émoi des milieux politiques, la population ne semblant pas avoir manifesté beaucoup d'intérêt dans cette querelle, même si la délibération du conseil municipal en la matière est portée à la connaissance du public par affichage, les démarches de Laudier vont reprendre.

A la fin de l'année 1926, l'accord intervient à nouveau avec le département. En fait, la Ville s'engageait à payer la différence entre la somme réclamée par le Département : 876 000 francs et celle remboursée par l'Etat : 636 000 francs soit 240 000 francs. De plus, la Ville abandonnait ses droits sur la caserne Vieil-Castel, dans le cas où le département déciderait d'y installer son Asile d'incurables ; et enfin, ne reculant devant rien pour "son école", Laudier acceptera d'aider financièrement le département dans le cas où il désirerait construire un nouvel Asile au Lautier. Ainsi, la crise était-elle terminée au début de 1927 et les travaux pouvaient commencer rue de Dun. Laudier avait dans cette affaire fait preuve de beaucoup de pugnacité, mais il avait accepté les conditions posées par le Département.

C'est ainsi que Bourges possèdera à la rentrée d'octobre 1929 la première Ecole Professionnelle de la rue de Dun, pour Jeunes Filles ; aujourd'hui, cet Etablissement est devenu le lycée Jacques Coeur ; il forme toujours des milliers d'étudiants dans l'enseignement général, mais aussi et surtout professionnnel.


Parmi les professeurs qui officieront dans cette école, figure Simone Weil. Cette grande philosophe, disciple d'Alain eut une vie peu ordinaire. Agrégée de philosophie, elle entre comme ouvrière chez Renault... avant de participer à la guerre d'Espagne dans les brigades internationales. Elle meurt de tuberculose pendant la guerre en 1943 après avoir rejoint de Gaulle à Londres. L'ensemble de son oeuvre ne sera publié qu'après-guerre.

Bulletin Municipal Officiel de 1922 à 1926

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