14 juillet 1789_- Roland Narboux - Bourges Encyclopédie

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14 JUILLET 1789 A BOURGES
Par Roland NARBOUX

Bourges et la Révolution française, que s'est-il passé ce jour-là ? Mais aussi quelques jours avant et surtout après.

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Version 2016

 

Bourges en ce 14 juillet 1789 est une cité d'environ 16 000 habitants, c'est une ville calme avec des Etats Généraux qui se sont tenus à l'Eglise des Carmes, elle est dirigée par un maire, Jean Baptiste Clément de Beauvoir, dont le premier échevin se nomme Jean-Louis Sué, tous deux sont francs-maçons.

La ville est divisée en 4 quartiers, Auron, Saint-Privé, Bourbonnoux et Saint-Sulpice, et l'ordre est assuré par un lieutenant de police qui se nomme Gabriel Gauthier, il a avec lui une demi-douzaine d'archers.

Il y a aussi un milice bourgeoise sous les ordre du maire, mais qui n'est pas d'une grande efficacité, par sa composition sociale, formée de gros commerçants.

 

Et puis on a aussi la maréchaussée du Berry, avec un prévôt général à la tête. En 1789, il s'agit de Gayault de Celon, qui habite à Bourges. Mais là encore il n'y a que quelques effectifs, moins d'une dizaine.

 

Enfin, il y a une compagnie de Royal-Piémont, qui est à Bourges dans cette période.

Le problème qui se pose à Bourges comme ailleurs, c'est le prix du blé d'où découle le prix du pain.

 

14 juillet 1789 : un mardi

Une commission dite intermédiaire informe les citoyens qu'elle a fait modifier la répartition de la "taille", et il s'agit de soulager cet impôt, en réalité, sur 600 000 livres à percevoir, la réduction est de moins de 3000 livres...

Et c'est tout, rien ne vient de Paris, aucune information n'arrive à Bourges.

La Bastille du Cher

La Bastille du Cher

 

 

Mercredi 15 juillet, une seule information locale, un bébé de 18 mois est abandonné à l'Hôtel Dieu, c'est une petite fille qui se prénomme Marie.

Jeudi 16 juillet, On signale une expertise pour un mur mitoyen, rue des Trois Pommes, et les deux experts concluent que le mur a été fait dans les règles de l'art.

Et c'est tout, la Bastille, à Bourges, on ne connaît pas encore.

Vendredi 17 juillet ,

Enfin, la nouvelle des événements de Paris arrive à Bourges, c'est la prise de la Bastille. Mais rien de plus, pas de manifestation dans un sens ou dans un autre.

Par contre, une veuve qui "guérit le cancer" est honorée par la Commission et elle demande que cette dame communique son secret au chirurgien du canton.

Samedi et dimanche, on n'appelait pas cela le week-end, mais ce n'était pas une grosse actualité, on note quelques affaires juridiques, comme un monsieur Bridier qui est accusé de vol, et le jugement est sans équivoque, ce sont les galères pendant 9 ans !

Lundi 20 juillet,

Et c'est la première manifestation à Bourges en début d'après midi. Et ce sont les jeunes bourgeois de la ville qui vont fêter la remise de la cocarde tricolore au Roi, par le maire de Paris, M. Bailly.

Mais curieusement, il n'est pas question dans les journaux de l'époque de la prise de la Bastille. Et c'est la remise d'une cocarde tricolore à l'Intendant de la ville, avec des cris de "Vive le Roi", et "Vive la Nation".et ce fut une sorte de défilé dans les rues de la cité et le journaliste des "Annonces", chiffre le nombre de manifestants à 3000, ce qui est considérable.

Devant l'Hôtel de Ville, la manifestation se disperse dans le plus grand calme.

Seul point noir, en fin de soirée, la rumeur enfle : "des brigands et autres malfaiteurs se seraient introduits dans la ville et en plus, du grain quitterait la ville la nuit..." C'est le premier indice d'une certaine peur.

Mardi 21 juillet

Comme l'écrit Romain Gayon, la manifestation est contagieuse, car tout le monde arbore la cocarde, les ecclésiastiques, les nobles et même les religieuses....

Et ce fut une fête patriotique avec les épouses des notables qui vont offrir à madame l'Intendant une cocarde tricolore, elles étaient au moins 500 femmes !

Et toujours les mêmes cris, "Vive le Roi ! et vive la Nation".

Ma municipalité n'est pas en reste, puisque sur la place Séraucourt, un feu de joie est offert à la population.

On voit que Bourges reste calme et fidèle au Roi.

 

Mercredi 22 juillet

C'est le Conseil de la ville (Conseil municipal) sous la présidence de Clément de Beauvoir, entouré des 33 conseillers qui sont enthousiastes, avec ce discours du maire :

" Messieurs, pourrions-nous, étant bons français, étant sujets fidèles et inviolablement attachés à Sa majesté, le meilleur des rois, le plus fait, le plus digne d'être le chef de la Nation la plus aimante, la plus courageuse, la plus fidèle, d'un roi qui, par les actes de bonté, de franchise et d'abandon de sa personne sacrée à l'Assemblée nationale ..."

On remarque l'emphase et ce que pensent les notables du Roi Louis XVI.

C'est une adresse de remerciement aux députés des Etats généraux.

L'adresse est rédigée par 5 membres, dont Pierre Antoine Rémond, Louis Augier et Dom Astruc...

Certains veulent poursuivre la fête et les manifestations patriotiques, mais beaucoup sont plus réalistes ou prudents et ils demandent qu'il faut continuer à travailler, car le pain est cher, et que les manifestations, c'est pour le dimanche et pas en semaine.

On célèbre toujours la réunion des trois Ordres le 27 juin aux Etats généraux, et non pas la prise de la Bastille !

Jeudi 23 juillet

Le Conseil de la Ville propose un Te Deum en la cathédrale pour le dimanche suivant, toujours pour la réunion des trois Ordres !

 

Vendredi 24 juillet

C'est dans l'après midi, la lecture de l'adresse qui sera envoyée aux députés à l'Assemblée nationale :

"... Pourrions-nous donc, Messieurs, ne pas admirer l'éclat de vos vertus et votre dévouement aux intérêts de la Patrie?".

Samedi 25 juillet

On entend à Bourges le bruit des canons, mais ce n'est pas une révolte ou une révolution, mais simplement l'annonce d'une grande fête patriotique prévue le lendemain dimanche.

Dimanche 26 juillet

C'est la fête à Bourges, et dès le matin, un char dit "de Triomphe" avec une belle cavalcade parcours les rues de la Ville.et ils s'en vont chez M. de Bengy, lieutenant général pour lui présenter une cocarde qu'il accepte "avec bonté".

 

Dans l'après midi, on chante le Te Deum à la cathédrale, une cérémonie "des plus brillante et des plus pompeuses", nous dit le journal local.

Il y avait ensuite la cavalerie, et en musique les participants s'en vont place Séraucourt pour un nouveau feu de joie.

Lundi 27 juillet

La Bastille a été prise depuis près de 13 jours lorsque les Berruyers se décident, l'espace d'une journée de "faire leur "Révolution".

La foule s'en va dès avant 8 heures du matin place Gordaine devant la maison du négociant, M. Georges Tourangin à l'endroit actuel des Arômes du Vieux Bourges, appelé encore Hédiart, et les cris fusent.

Tourangin, qui est marchand en draps et soieries est accusé "avoir fait sortir plusieurs voitures de blé pendant les réjouissances", en particulier durant le Te Deum ! Il veut affamer la population de Bourges.

Et bientôt, c'est l'émeute, comme Tourangin et sa femme ne répondent pas, la foule casse les vitres, puis les portes et fenêtres et pénètre dans la maison afin de "lui ôter la vie " à ce Tourangin.

Certains s'en vont dans les caves alors que le couple a réussit à fuir et là, furieux d'avoir manqué le négociant, ils se vengèrent sur ... le vin.

Une partie de la population vient voir place Gordaine ce qui se passe et c'est une foule considérable qui fait "sa Révolution", ce qui nécessite l'arrivée d'un piquet de 24 cavaliers du Royal Piemont qui vont tenter de calmer les plus excités, et bientôt les émeutiers sortent de la maison, à l'exception de ceux qui sont dans la cave, et comme il est plus de 11 heures, ils sont en piteux état !

place GordaineA midi, nous dit R. Gayon, c'est la milice bourgeoise qui arrive, sabre en main pour ramener le calme, c'est un début de corps à corps avec les émeutiers , mais les violence cessent assez vite.

En début d'après midi, la cave est occupée par les forces de l'ordre et deux pièces de vin sont sorties afin que cessent le pillage, ce qui fut fait, beaucoup trouvant la boisson plus alléchante... Mais cette foule voulait surtout du pain, et elle eut du vin.

 

 

 

La maison Tourangin place Gordaine.

 

Mais la place Gordaine restant calme, les gens ne la quittent pas, et le Conseil de la Ville en réunion extraordinaire prend une décision : le nouveau prix du pain sera de 1 livre pour un pain de 12 livres, c'est à dire une baisse de près de 20%.

 

En fin d'après midi, il y a "une quantité prodigieuse de gens ivres parmi lesquels presque tous les plus coupables... " relate la presse locale.

Et c'est ainsi qu'en début de soirée, vers 21 heures, alors que la place se vide, la milice bourgeoise procède à 67 arrestations. qui sont conduite dans "les prisons royales".

On apprendra dans les jours suivants que Georges Tourangin n'a jamais voulu affamer la population, mais il a livré du blé à Vierzon.

 

Ainsi se termine "la phase 1 de la Révolution de 1789 à Bourges", avec comme on le voit une certaine prudence et hormis quelques agités, assez vite avinés, la population reste calme.

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