La loi du 13 avril 1946 est un tournant
dans les moeurs de nos contemporains. En effet, c'est le jour
d'entrée en application de la loi dite Marthe Richard,
sur la fermeture des Maisons de Tolérance.
Le Conseil Municipal de Bourges et son maire publient plusieurs
articles sur les Maisons de Tolérance, situées
7 et 7 bis rue de l'Ile d'Or, et tenues par madame Rouquette
pour l'une et "conjointement" par Monsieur Nicol et
Mademoiselle Bouquet pour l'autre. Elles devaient cesser leur
commerce.
Il est ajouté que les locaux devront
être désaffectés, et pourront être
utilisés comme logements. Enfin, les licences sont retirées
aux tenanciers, sans aucune indemnité.
L'histoire de Monsieur Nicol, que chacun appelait "Monsieur
André", a fait l'objet d'un chapitre du livre sur
les "bordels de Bourges " publié par Jean-François
Donny. Ainsi, Monsieur André, qui rêvait de placer
à la tête de son "prestigieux" établissement
le jeune Guy Camus, est fort dépité par ces récents
événements et se retire dans sa maison de la route
de Saint Michel. On le verra encore passer parfois à bord
de sa Mercédès rouge, il avait bien quitté
la profession.
Monsieur André mourra le 17 juillet 1970, à son
domicile, "la nouvelle va circuler en ville très
rapidement et il y eut une foule considérable à
ses obsèques". C'est la fin des "bordels"
officiels de Bourges, c'est la fin d'une époque.......
La prostitution étant semble-t-il le plus vieux métier
du monde, à Bourges comme ailleurs, il y avait des "maisons
de passe". Les lieux les plus glauques de Bourges étaient
situés au pied des remparts.
On notera la "cour des miracles"
située à l'entrée de l'impasse des Juif,
situé rue des Juifs, et aussi dans le quartier Avaricum.
On cite aussi une drôle de maison, située place
de la Préfecture, c'est une bâtisse très
étroite, elle est penchée, et lorsque les guides
conférenciers promènent leurs touristes, ils citent
cette maison comme étant, selon la légende, une
maison de passe. Et pour en rajouter, elle est penchée
suite aux ébats des hommes et des femmes....
Mais c'est à partir des années
1870, date de la création d'un régiment d'artillerie
à Avord que se structure la prostitution à Bourges.
Il faut en effet s'occuper de la santé, si l'on peut dire
de plus de 6000 militaires dinfanterie.
On notera à partir de ces années,
plusieurs dizaines de maisons clauses et jusquà
une centaine de prostituées.
-
- Jean-François Donny dans son ouvrage
"Les Petites Bottines" fait l'historique de ce métier
à Bourges. Il donne les noms et les lieux des maisons
de passe au cours des ans, et donne aussi de savoureuses anecdotes.
- A noter qu'en 1816, les services de police
notent la présence dans la ville de 36 prostituées.
-
-
- A ces époques de l'entre-deux guerre,
le sida n'existe pas, mais le danger, c'est la syphilis fait
des ravages dans les régiments des artilleurs et plus
tard dans les agents et pilotes de la base militaire dAvord
.
-
- Les maisons de passe d'autrefois
:
-
- On distingue dans les maisons de passe
les plus célèbres de Bourges :
- Rue sous les Ceps, le N° 1 et le N°4,
qui ont fonctionné depuis le second Empire et qui avaient
pour nom, le Soleil et la Lune. On appelait ces deux "bordels",
les Petites Botines. Ce sont les maisons closes les plus
célèbres de la ville, situées derrière
la rue Mirebeau, le long de l'Yèvrette.
- ( en 1946, il y a encore 5 filles au N°
1 et 8 ou 10 au numéro 4).
-
- Autre bordel important, celui de l'Ile
d'Or, rue de l'Ile d'OR, vers la place Rabelais.On allait au
7 de la rue de l'Ile d'Or, dans un bel immeuble confortable.
Il aura ensuite très mauvaise presse, car ce sera le bordel
des Allemands durant les 4 ans de l'Occupation.
- Il y a aussi la guerre et l'Occupation
et rien ne change."On se surprend au maudire les filles
d'un bordel travaillant pour les boches pendant la seconde guerre
mondiale".
- Ce lieu selon André Rousseau sera
"un lunapar de luxe", il raconte, étant adolescent,
ce qu'il a vu au lendemain de la Libération de la ville
:
- " Nous sonnâmes, une jeune
femme affolée nous laissa entrer dans ce lieu désert
et déserté. En face de nous une grande salle, ornée
de fresques libertines réalisées, je l'appris plus
tard, par l'artiste berruyer Roger Rabot, dit Régor. Des
petites alcôves autour et un grand escalier menant aux
chambres et qui, bien sûr, nous y conduisit. Nous nous
attardâmes dans l'une d'elles, sautant sur le lit, découvrant
la garde-robe, jouant avec les dessous féminins que nous
y trouvions. Nous tombâmes même sur deux boîtes,
l'une contenait des cigarettes et l'autre des billets de banque.
Que croyez-vous que nous emportâmes ...Les cigarettes,
bien entendu !"
-
- Puis, le 7 rue de l'Ile d'Or fut réouvert,
et devint dans l'après guerre, le rendez-vous des berruyers
qui venaient le samedi soir "s'encanailler" sous la
surveillance de madame André, laquelle tenait la caisse
au bas de l'escalier, forte femme à la fois de corpulence
et de caractère.
-
- Après la loi Marthe Richard, madame
André prit l'Hôtel La Bécasse, face à
la gare alors que son mari, qui portait toujours un chapeau vert
était au Petit Elysée, chaussée de Chappe.
-
- "Le Nouméa" et "LAs
de Pique", deviennent des
bordels très fréquentés, ils sont situés
dans le quartier Carnot, dans le chemin Bossu d'autrefois devenu
la rue Faidherbe, les deux établissements se faisaient
face.
-
- Linterdiction des maisons de tolérance
en 1946 na pas vraiment amélioré les choses
puisquelle na fait que modifier les structures mais
les filles ont continué leur métier, avec beaucoup
moins de contrôle. Ce fut le moment de la clandestinité
avec les dérives mafieuses et délictuelles que
cela implique. La légalité des maisons de passe
permettait pourtant à lEtat davoir une forme
de contrôle sanitaire et une assez bonne connaissance de
ce commerce un peu à part.
-
- Dans les années 1970, j'avais rencontré
un Inspecteur des Impôts, (Jean T.) assez proche de la
retraite. Il racontait comment il opérait lorsqu'il allait
dans les maisons de passe afin de prélever l'impôt
qui était du à la ville (ou à l'Etat). Tout
se passait avec beaucoup de professionnalisme et il lui arrivait
en sortant de voir les "belles", nues, l'accompagner
jusqu'à la porte.
-
-
-
- Aujourd'hui, qu'est devenu
à Bourges la prostitution ?
-
- C'est une question qui est très
souvent posée par les visiteurs, les curieux. Où
sont les "endroits chauds" de la ville ?
- la réponse n'est pas simple, pendant
une longue période, la prostitution s'est réfugiée
dans le quartier de Carnot-pyrotechnie, simplement parce que
l'on est à proximité de la dernière grande
école militaire, l'ESAM de Bourges.
-
- On retrouve dans un article de l'Agitateur
que "le
milieu de la prostitution à Bourges est sinistré.
On a bien recensé il y a deux ou trois ans un bar à
hôtesses (hélas interdit depuis), ou encore louverture
récente de "salons" de massages très
particuliers, mais rien qui nait la classe des lieux de
débauche dautrefois. Cependant, bien que plus discrets,
les berruyers nen demeurent pas moins des chauds-lapins.
Un signe ne trompe pas : ce sont encore les sex-shop qui enregistrent
les plus faramineux bénéfices parmi les commerces
de la cité de Jacques Coeur qui abrite dailleurs
lune des plus grandes stars du porno-trash, Eva, du fameux
sex-shop du même nom.
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- Ces dernières années, la
prostitution, à Bourges, a eu un lieu largement connu
: le lac d'Auron, vers le bord de la Rampenne, du côté
de la plage. mais ce fut assez vite le rendez-vous d'une prostitution
ou de rencontres homosexuelles. Ce lieu prenant la suite à
partir des années 1980, d'un lieu situé en centre-ville,
sur les pentes de la place Séraucourt où se trouvait
un urinoir, qui était le lieu de rendez-vous.
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- Quant aux dames, pourchassées et
sans domicile fixe connu, elles se sont équipé
avec des véhicules de type camionnettes ou camping car
pour les plus aisées, et attendent le client sur un parking
discret, que ce soit boulevard de l'industrie ou place Séraucourt
ou encore au lac d'Auron.
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- Pour en savoir plus sur l'histoire, le
seul ouvrage sur ce sujet :
- "Les Petites Bottines", de Jean-François
Donny. Editions Christian Pirot.
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