La franc-maçonnerie a Bourges - Roland Narboux - Encyclopédie

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LES DEBUTS DE LA FRANC MAÇONNERIE A BOURGES
Par Roland NARBOUX

Bourges, et les début de la Franc-maçonnerie, un sujet rarement traité, et souvent méconnu.

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Version 2009

LA FRANC-MAÇONNERIE DANS LE CHER AU XVIIIe SIECLE

La Loge d'Aubigny
La Maçonnerie se développe en France
Le vide, puis Sainte-Solange, première loge berruyère
Les loges se multiplient à Bourges
Ce qui se fait en Loge au XVIII° siècle

 

LA LOGE D'AUBIGNY

Il n'est pas simple de déterminer avec précision quelle fut la première loge maçonnique du département. Il y a des légendes et aussi une réalité historique.

Les historiens ne sont pas tous d'accord, pour certains, la première loge à s'établir en France le fut à Aubigny en 1735, très exactement le 12 août sans doute au château d'Aubigny d'après l'historien Paul Naudon. Cette loge portait le numéro 133, mais elle portait aussi le nom de son Vénérable. Et c'est le duc de Richmond qui en aurait été le premier Vénérable, ou Grand Maître c'est à dire Président.

Son successeur à la Grande Loge de Londres est Lord Weymouth.
Le 27 décembre les loges maçonniques françaises se regroupent sous la direction d'un franc-maçon britannique, Jacques Aertor MacLeane, baronnet d'Ecosse, et c'est ainsi que la Loge d'Aubigny qui siège dans le château de la duchesse de Portsmouth devient l'une des quatre loges fondatrices de la Grande Loge de France : "L a Loge anglaise " à Bordeaux, "La Parfaite Uniuon" à Valenciennes, "La Loge Saint-Thomas au Louis d'Argent "à Paris et donc la "Loge d'Aubign,y".

Il s'agissait plus d'une loge de type "anglaise" que berrichonne. Elle était formée de nobles qui habitaient Paris, parfois ils se déplaçaient en province sur leur terre. La région d'Aubigny appartenait au duc de Richmond, qui en avait hérité de son aïeule Louise René de Penancoët de Keroualle. Cette femme, décédée en 1734 à l'âge de 85 ans était devenue sous le règne de Louis XIV, la maîtresse du roi Charles II qui la fit duchesse de Porthmouth, elle était très "pro-Stuart". Le château d'Aubigny s'appelait le château des Stuarts et il n'est pas surprenant que des réunions de loges se soient tenues dans le célèbre et bel édifice.

Selon un journal anglais du 7 septembre 1734, le duc de Richmond tenait une loge dans son hôtel, rue de Varenne, ainsiq qu'à l'hôtel de Bussy.
De plus, le Duc de Richmond avait été Grand Maître de la Grande Loge de Londres en 1724 et il est donc normal qu'il mette en place une loge, ce qu'il fit d'abord dans son hôtel parisien des Keroualles, puis à Aubigny.

Il s'agit donc d'une loge éphémère sur le plan géographique puisque les réunions pouvaient se tenir à Paris, à Aubigny et parfois même au château de la Verrerie toujours dans le Cher. Il apparaît aujourd'hui, que la Chapelle, située à l'entrée du domaine comporte une symbolique intéressante, avec la lune et le soleil et sans doute de nombreux autres symboles qu'il faudrait étudier de manière plus complète.

Parmi les frères qui ont assisté à des réunions, il y avait un dénommé Montesquieu.

Quelques compléments ont été apportés par Michael Baigent et Richard Leigh ( Des Templiers aux francs-maçons),

Une des plus importantes loges jacobites de France fut la Loge de Bussy (située à Paris rue de Bussy), à proximité de la rue de Boucherie, où était installée la loge fondée par Radclyffe. Il s'agissait des partisans des Stuarts. En septembre 1735, la Loge de Bussy initia Lord Chewton, fils du comte de Waldegrave, l'ambassadeur de Grande-Bretagne en France ainsi que le secrétaire de Louis XV, le comte de Saint Florentin.

Ce dernier recevra l'initiation à Aubigny qui initiera aussi Louis de Pardaillant de Gontrin, duc d'Antin.

Les auteurs ajoutent :

" Dans l'assistance on notait Désaguliers, Montesquieu et le cousin de Radclyffe, le duc de Richmond. Plus tard la même année, le duc de Richmond établit lui-même une loge dans son château d'Aubigny-sur-Nère".

Louise de Kéroualle :(la Chaîne d'Union N°8 de 1954 - 1955)

maîtresse de Louis XIV, et on se pose la question de savoir si cette noble personne joua un rôle d'intermédiaire important dans la formation de la grande Loge de France.

le fils Charles, duc de Richmond est devenu Grand maître de la Confraternité des maçons libres et acceptés d'Angleterre en 1695. Après sa mort en 1723, son fils, petit fils de Louise devient, devient à son tour Grand Maître de la Grande Loge d'Angleterre en 1724 et vint à Aubigny initier le duc d'Antin qui deviendra quelques jours plus tard le premier Grand maître français de la Grande Loge de France (1738).

LA MAÇONNERIE SE DEVELOPPE EN FRANCE

Dans les 40 années suivantes, la Franc-Maçonnerie se développe de manière considérable en France.
En 1742, il y a 200 loges en France
En 1771, les chiffres sont beaucoup plus importants, pour Paris seulement, 154 loges ont été crées, et la province en compte aussi 322, il faut ajouter 21 loges itinérantes, formées de militaires, pour atteindre le chiffre de 500 loges pour l'ensemble du pays.

Il est à remarquer que peu de loges recevaient leur "patente", c'est à dire l'accord de la Loge de Londres. En 1766, il n'apparaît que 3 loges qui ont l'agrément de Londres : la loge dite du "Louis d'Argent", celle de la Parfaite Union" et.... la loge d'Aubigny.

Les premiers essais en France de rassemblement et d'organisation des loges se déroulent, à partir de 1738, avec la formation de la Grande Loge de France (ou Grande Loge Anglaise de France) qui reste très liée avec la Grande Loge de Londres.
C'est le Duc d'Antin, qui avait été initié à la Loge d'Aubigny en 1737 par le Duc de Richmond qui devient le premier "Grand Maître" de ce qui est déjà la Franc-Maçonnerie française.
Outre Manche, les "frères" anglais furent relativement fâchés par cette nouvelle organisation. Lorsque meurt le duc d'Antin, son successeur sera le Prince de Condé, prince de sang, il l'emportait sur deux autres candidats prestigieux, le Prince de Conti et le Maréchal de Saxe.

La Franc-Maçonnerie en France se constitue donc sous des auspices curieuses :
- on copie la Franc-Maçonnerie anglaise.
- on s'en écarte avec une volonté d'indépendance.
- elle devient le rendez-vous des "grands" de ce monde.
- elle se cherche au plan administratif et veut améliorer sa cohésion.

Une des dates importantes, c'est 1773. Après un temps de flottement, une rénovation s'avéra nécessaire. Il fallait reprendre en mains les loges et les frères qui étaient rivaux, parfois, un "atelier" appartenait tout simplement .... à son Vénérable !

La Grande Loge de France fut dissoute et le 22 octobre, le Grand Orient de France, avec à sa tête, le duc de Chartres était créé.

Pour la première fois de son histoire, la Franc-Maçonnerie se dotait d'un véritable pouvoir central, ainsi que d'un système très démocratique de désignation des vénérables et autres dignitaires.

LE VIDE, PUIS SAINTE SOLANGE : PREMIERE LOGE BERRUYERE

Si Aubigny fut la première loge de maçons "de passage" elle fut très éphémère en Berry. Il faudra attendre 50 ans pour voir apparaître une vraie loge à Bourges. A l'opposée, Châteauroux possédait déjà une loge dès 1775 : "Les amis réunis". Plus curieusement, un bourg situé à quelques kilomètres de Bourges, Dun-le-Roi avait créé une loge maçonnique en 1779, sous le signe distinctif de "l'Union", elle ne semblait pas très solide ou puissante : en 1782, à la suite d'un incendie du temple, elle cessa ses travaux et se mis "en sommeil", c'est à dire cessa d'exister.

Selon des archives récentes du "vénérable Marcel Soubret" qui fera une communication le 14 janvier 1940 à l'intérieur du temple de sa Loge Travail et Fraternité, dans laquelle il évoquera la loge de Dun-le-Roi, qui a "travaillé sous le nom de la "Timidité politique", une loge qui date sans doute de la fin d ela Révolution avec un tel patronyme, et "ses travaux seront suspendus en 1814".

 

Ainsi, alors que la franc-maçonnerie existe depuis 1730 environ en France, Bourges n'aura sa première loge Sainte-Solange qu'en 1785, un demi-siècle plus tard. Les historiens locaux pensent que ce manque de création provient du caractère des berrichons qui ne sont pas très enclins aux aventures spirituelles, ce phénomène se reproduira au XIXe siècle. En 1787, le frère Baugin écrit : "Le Berry est peut-être la province de France où il se trouve le moins de loges".

Et comme souvent à Bourges, l'initiative de la création d'une loge ne vient pas d'un berruyer de souche, mais d'un Suisse !

Le 21 août 1785, la loge de Bourges prenant pour nom Sainte-Solange est crée autour de Rémond qui était maître des eaux et forêts, un poste très important en Berry à cette époque. Sur le tableau de la loge, le jour de sa création figurent les noms de 24 frères, dont 14 sont de Bourges. Il y a principalement des notables : gens de loi, avocats, notaires. On note aussi la présence d'un prêtre et d'un apothicaire, alors que deux frères sont des nobles.

Parmi les frères qui sont à Sainte Solange, certains vont jouer un rôle important à Bourges quatre ans plus tard pendant la révolution, ce sont par exemple les futurs maires : Michonnet et Callande, ou encore ce fabuleux personnage Patrocle Joly, le prêtre franc-maçon qui deviendra un des grands révolutionnaires du département du Cher. Parmi les membres de la loge en 1787, il y a 7 avocats, 7 militaires (dont 1 marquis et 1 comte), 3 procureurs du Roi, puis des notaires, apothicaires, architectes....

Le nom choisi par la Loge berruyère : Sainte-Solange, montre la tradition régionale puisque cette sainte est la "patronne" du Berry, et le caractère "très catholique" du choix. Lors de l'installation de cette loge, ce sont les frères de Châteauroux qui viendront et procéderont à ce qui s'appelle "un allumage". Parmi les "installateurs", Legrand est présent, il est "des Amis Réunis" de Châteauroux. Il aura un rôle considérable sous la révolution, c'est Legrand qui transforme les Etats Généraux en Assemblée Nationale.

Cette période qui précède la Révolution est bouillonnante au plan des idées et des initiatives. La franc-maçonnerie qui est aussi représentative de son époque va participer à cette période trouble qui aboutira à ce grand chambardement.

LES LOGES SE MULTIPLIENT A BOURGES

Cette loge de Sainte-Solange va faire des "petits", ce sera le cas en 1786, avec "Les Amis de la Paix". En guise d'essaimage, il y a mieux. En fait, ce sont plusieurs frères qui décident de quitter leur loge pour en créer une autre, toujours à Bourges. Les raisons, ce sont des dissensions qui portent visiblement sur le recrutement et l'entrée de nouveaux frères, ce qui n'est pas admis par l'ensemble de la loge.
Cette nouvelle loge est installée le 12 décembre 1787, elle comprend, autour de Rémond, toujours lui, 7 autres transfuges de Sainte-Solange sur les 12 membres la composant.
"Les Amis de la Paix" ne vont pas durer très longtemps à Bourges, quelques années seulement, pour ensuite disparaître.

Autre loge de cette période pré-révolutionnaire, celle de Minerve. Elle ne vient pas de dissension, mais d'une volonté pour des maçons appartenant au même milieu de se réunir. Cette loge Minerve est créée le 26 novembre 1787, et elle est installée un mois plus tard. Sur les 2 membres fondateurs, on relève 22 noms comportant une particule, c'est la noblesse berrichonne qui entre massivement en Franc-Maçonnerie. Il y a là, des noms comme les "de Bigny", "de Bengy", "de Villeneuve", "de Puyvallée", "de Préville"... etc... Il apparaît que la plupart de ces membres aient été initiés dans des loges militaires. Cette loge Minerve formée des "grands" du Berry, va innover, en particulier, elle va recevoir dans son temple, des femmes, ce qui était scrupuleusement interdit par les règlements de l'époque. Il est bon d'ajouter qu'aujourd'hui, en cette fin de XXe siècle, la très puissante maçonnerie anglo-saxonne refuse toujours les femmes.
Le premier Vénérable de Minerve sera un ancien officier des carabiniers au service du roi, un dénommé Stollenwerke, alors que le second "surveillant" n'est autre que le maire de Bourges.

Une des dernière loge de cette période, ce sera "La Liberté". Cette loge aura de nombreuses difficultés de constitution, car elle comprenait des artisans et des petits bourgeois. En effet les loges berruyères comprennent des notaires, hommes de loi, et autres "grands" du royaume, mais peu de négociants ou artisans. Nous sommes alors en 1788, et selon "le vénérable Marcel Soubret" qui écrit ces lignes en 1940 :

Une demande de Constitution en date du 2 août 1788, est faite par la Loge "La Liberté", les Loges "les Amis de la Liberté", , "Minerve" et "Sainte Solange" mettent opposition et la Constitution est refusée".


Cette demande dite de "patente", c'est à dire d'autorisation est demandée par des frères de "la Liberté" le 15 décembre 1788, alors que, comme cela était courant, la loge fonctionnait parfaitement. La demande au Grand Orient était pour beaucoup, une simple formalité pour obtenir "la régularité".

Mais, contre toute attente, la patente pour la loge "la Liberté" sera refusée, ce n'est que 14 ans plus tard, après la Révolution qu'elle sera accordée.

( Ce sera le 4 juillet 1802 avec une nouvelle demande qui sera cette fois acceptée, et l'installation sera faite le 28 mars 1803, la loge travaillera jusqu'en 1812.)

CE QUI SE FAIT EN LOGE AU XVIIIe

Dans les loges maçonniques de cette époque, il ne semble pas qu'il y ait des travaux importants de type philosophiques ou de débats sur les problèmes du moment. Par contre, les frères appliquaient une fraternité et utilisaient un vocabulaire nouveau. Dans le livre d'architecture de Minerve, il est noté que le temple est : "le lieu où règne la paix, l'union, le silence, l'égalité, le patriotisme, la bienfaisance". La Franc-Maçonnerie est déjà une école de pensée et on trouve en 1787, des mots qui sont prononcé comme ceux sur l'égalité : Le Frère Rémond prononce un discours sur l'égalité qui doit nécessairement exister entre tous les maçons". Sur ce plan le nom des nobles de Minerve sont énoncés sans les particules, comme si la nuit du 4 août était passée à Bourges avant l'heure.

Pour Emile Meslé qui a écrit un important livre sur l'Histoire de Bourges, "à l'intérieur des loges, les maçons berruyers firent leur apprentissage pratique de la philosophie parlementaire, devinrent plus intimes avec un certain vocabulaire. C'est une des forces de la franc-maçonnerie d'avoir ainsi montré que dans une loge, le vénérable devait être élu par l'ensemble de ses frères. C'est une forme de démocratie et de Liberté intéressante à la veille de la Révolution. De la même façon, le port de l'épée était obligatoire en loge, que l'on soit noble ou qu'on ne le soit pas, c'était le principe d'Egalité. Enfin le dernier principe du triptyque, la Fraternité était ce qui se voyait le plus et sur lequel il y avait le plus de propos.

On discourait beaucoup dans les loges, et le "bien parler" ou le bien "écrire" était important, mais il semble qu'un point non négligeable consistait dans les banquets. Le banquet était un des sommets des réunions de frères, et parfois "des frères attendaient la fin de la tenue pour n'apparaître qu'au banquet".

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