LA LOGE
D'AUBIGNY
Il n'est pas simple de déterminer
avec précision quelle fut la première loge maçonnique
du département. Il y a des légendes et aussi une
réalité historique.
Les historiens ne sont pas tous d'accord,
pour certains, la première loge à s'établir
en France le fut à Aubigny en 1735, très exactement
le 12 août sans doute au château d'Aubigny d'après
l'historien Paul Naudon. Cette loge portait le numéro
133, mais elle portait aussi le nom de son Vénérable.
Et c'est le duc de Richmond qui en aurait été le
premier Vénérable, ou Grand Maître c'est
à dire Président.
- Son successeur à la Grande Loge
de Londres est Lord Weymouth.
- Le 27 décembre les loges maçonniques
françaises se regroupent sous la direction d'un franc-maçon
britannique, Jacques Aertor MacLeane, baronnet d'Ecosse, et c'est
ainsi que la Loge d'Aubigny qui siège dans le château
de la duchesse de Portsmouth devient l'une des quatre loges fondatrices
de la Grande Loge de France : "L a Loge anglaise "
à Bordeaux, "La Parfaite Uniuon" à Valenciennes,
"La Loge Saint-Thomas au Louis d'Argent "à Paris
et donc la "Loge d'Aubign,y".
Il s'agissait plus d'une loge de type "anglaise"
que berrichonne. Elle était formée de nobles qui
habitaient Paris, parfois ils se déplaçaient en
province sur leur terre. La région d'Aubigny appartenait
au duc de Richmond, qui en avait hérité de son
aïeule Louise René de Penancoët de Keroualle.
Cette femme, décédée en 1734 à l'âge
de 85 ans était devenue sous le règne de Louis
XIV, la maîtresse du roi Charles II qui la fit duchesse
de Porthmouth, elle était très "pro-Stuart".
Le château d'Aubigny s'appelait le château des Stuarts
et il n'est pas surprenant que des réunions de loges se
soient tenues dans le célèbre et bel édifice.
Selon un journal anglais du 7 septembre
1734, le duc de Richmond tenait une loge dans son hôtel,
rue de Varenne, ainsiq qu'à l'hôtel de Bussy.
De plus, le Duc de Richmond avait été Grand
Maître de la Grande Loge de Londres en 1724 et il est donc
normal qu'il mette en place une loge, ce qu'il fit d'abord dans
son hôtel parisien des Keroualles, puis à Aubigny.
Il s'agit donc d'une loge éphémère sur le
plan géographique puisque les réunions pouvaient
se tenir à Paris, à Aubigny et parfois même
au château de la Verrerie toujours dans le Cher. Il apparaît
aujourd'hui, que la Chapelle, située à l'entrée
du domaine comporte une symbolique intéressante, avec
la lune et le soleil et sans doute de nombreux autres symboles
qu'il faudrait étudier de manière plus complète.
Parmi les frères qui ont assisté
à des réunions, il y avait un dénommé
Montesquieu.
Quelques compléments ont été apportés par Michael
Baigent et Richard Leigh ( Des Templiers aux francs-maçons),
Une des plus importantes loges jacobites
de France fut la Loge de Bussy (située à Paris
rue de Bussy), à proximité de la rue de Boucherie,
où était installée la loge fondée
par Radclyffe. Il s'agissait des partisans des Stuarts. En septembre
1735, la Loge de Bussy initia Lord Chewton, fils du comte de
Waldegrave, l'ambassadeur de Grande-Bretagne en France ainsi
que le secrétaire de Louis XV, le comte de Saint Florentin.
Ce dernier recevra l'initiation à
Aubigny qui initiera aussi Louis de Pardaillant de Gontrin, duc
d'Antin.
Les auteurs ajoutent :
" Dans l'assistance
on notait Désaguliers, Montesquieu et le cousin de Radclyffe,
le duc de Richmond. Plus tard la même année, le
duc de Richmond établit lui-même une loge dans son
château d'Aubigny-sur-Nère".
Louise de Kéroualle :(la Chaîne
d'Union N°8 de 1954 - 1955)
maîtresse de Louis XIV, et on se
pose la question de savoir si cette noble personne joua un rôle
d'intermédiaire important dans la formation de la grande
Loge de France.
le fils Charles, duc de Richmond est devenu
Grand maître de la Confraternité des maçons
libres et acceptés d'Angleterre en 1695. Après
sa mort en 1723, son fils, petit fils de Louise devient, devient
à son tour Grand Maître de la Grande Loge d'Angleterre
en 1724 et vint à Aubigny initier le duc d'Antin qui deviendra
quelques jours plus tard le premier Grand maître français
de la Grande Loge de France (1738).
LA MAÇONNERIE
SE DEVELOPPE EN FRANCE
Dans les 40 années suivantes, la
Franc-Maçonnerie se développe de manière
considérable en France.
En 1742, il y a 200 loges en France
En 1771, les chiffres sont beaucoup plus importants, pour Paris
seulement, 154 loges ont été crées, et la
province en compte aussi 322, il faut ajouter 21 loges itinérantes,
formées de militaires, pour atteindre le chiffre de 500
loges pour l'ensemble du pays.
Il est à remarquer que peu de loges
recevaient leur "patente", c'est à dire l'accord
de la Loge de Londres. En 1766, il n'apparaît que 3 loges
qui ont l'agrément de Londres : la loge dite du "Louis
d'Argent", celle de la Parfaite Union" et.... la loge
d'Aubigny.
Les premiers essais en France de rassemblement
et d'organisation des loges se déroulent, à partir
de 1738, avec la formation de la Grande Loge de France (ou Grande
Loge Anglaise de France) qui reste très liée avec
la Grande Loge de Londres.
C'est le Duc d'Antin, qui avait été initié
à la Loge d'Aubigny en 1737 par le Duc de Richmond qui
devient le premier "Grand Maître" de ce qui est
déjà la Franc-Maçonnerie française.
Outre Manche, les "frères" anglais furent relativement
fâchés par cette nouvelle organisation. Lorsque
meurt le duc d'Antin, son successeur sera le Prince de Condé,
prince de sang, il l'emportait sur deux autres candidats prestigieux,
le Prince de Conti et le Maréchal de Saxe.
La Franc-Maçonnerie
en France se constitue donc sous des auspices curieuses :
- on copie la Franc-Maçonnerie anglaise.
- on s'en écarte avec une volonté d'indépendance.
- elle devient le rendez-vous des "grands" de ce monde.
- elle se cherche au plan administratif et veut améliorer
sa cohésion.
Une des dates importantes, c'est 1773.
Après un temps de flottement, une rénovation s'avéra
nécessaire. Il fallait reprendre en mains les loges et
les frères qui étaient rivaux, parfois, un "atelier"
appartenait tout simplement .... à son Vénérable
!
La Grande Loge de France fut dissoute et
le 22 octobre, le Grand Orient de France, avec à sa tête,
le duc de Chartres était créé.
Pour la première fois de son histoire,
la Franc-Maçonnerie se dotait d'un véritable pouvoir
central, ainsi que d'un système très démocratique
de désignation des vénérables et autres
dignitaires.
LE VIDE,
PUIS SAINTE SOLANGE : PREMIERE LOGE BERRUYERE
Si Aubigny fut la première loge
de maçons "de passage" elle fut très
éphémère en Berry. Il faudra attendre 50
ans pour voir apparaître une vraie loge à Bourges.
A l'opposée, Châteauroux possédait déjà
une loge dès 1775 : "Les amis réunis".
Plus curieusement, un bourg situé à quelques kilomètres
de Bourges, Dun-le-Roi avait créé une loge maçonnique
en 1779, sous le signe distinctif de "l'Union", elle
ne semblait pas très solide ou puissante : en 1782, à
la suite d'un incendie du temple, elle cessa ses travaux et se
mis "en sommeil", c'est à dire cessa d'exister.
Selon des archives récentes du "vénérable
Marcel Soubret" qui fera une communication le 14 janvier
1940 à l'intérieur du temple de sa Loge Travail
et Fraternité, dans laquelle il évoquera la loge
de Dun-le-Roi, qui a "travaillé sous le nom de la
"Timidité politique", une loge qui date sans
doute de la fin d ela Révolution avec un tel patronyme,
et "ses travaux seront suspendus en 1814".
Ainsi, alors que la franc-maçonnerie
existe depuis 1730 environ en France, Bourges n'aura sa première
loge Sainte-Solange qu'en 1785, un demi-siècle plus tard.
Les historiens locaux pensent que ce manque de création
provient du caractère des berrichons qui ne sont pas très
enclins aux aventures spirituelles, ce phénomène
se reproduira au XIXe siècle. En 1787, le frère
Baugin écrit : "Le Berry est peut-être la province
de France où il se trouve le moins de loges".
Et comme souvent à Bourges, l'initiative
de la création d'une loge ne vient pas d'un berruyer de
souche, mais d'un Suisse !
Le 21 août 1785, la loge de Bourges
prenant pour nom Sainte-Solange est crée autour de Rémond
qui était maître des eaux et forêts, un poste
très important en Berry à cette époque.
Sur le tableau de la loge, le jour de sa création figurent
les noms de 24 frères, dont 14 sont de Bourges. Il y a
principalement des notables : gens de loi, avocats, notaires.
On note aussi la présence d'un prêtre et d'un apothicaire,
alors que deux frères sont des nobles.
Parmi les frères qui sont à
Sainte Solange, certains vont jouer un rôle important à
Bourges quatre ans plus tard pendant la révolution, ce
sont par exemple les futurs maires : Michonnet et Callande, ou
encore ce fabuleux personnage Patrocle Joly, le prêtre
franc-maçon qui deviendra un des grands révolutionnaires
du département du Cher. Parmi les membres de la loge en
1787, il y a 7 avocats, 7 militaires (dont 1 marquis et 1 comte),
3 procureurs du Roi, puis des notaires, apothicaires, architectes....
Le nom choisi par la Loge berruyère
: Sainte-Solange, montre la tradition régionale puisque
cette sainte est la "patronne" du Berry, et le caractère
"très catholique" du choix. Lors de l'installation
de cette loge, ce sont les frères de Châteauroux
qui viendront et procéderont à ce qui s'appelle
"un allumage". Parmi les "installateurs",
Legrand est présent, il est "des Amis Réunis"
de Châteauroux. Il aura un rôle considérable
sous la révolution, c'est Legrand qui transforme les Etats
Généraux en Assemblée Nationale.
Cette période qui précède
la Révolution est bouillonnante au plan des idées
et des initiatives. La franc-maçonnerie qui est aussi
représentative de son époque va participer à
cette période trouble qui aboutira à ce grand chambardement.
LES LOGES
SE MULTIPLIENT A BOURGES
Cette loge de Sainte-Solange va faire des
"petits", ce sera le cas en 1786, avec "Les Amis
de la Paix". En guise d'essaimage, il y a mieux. En fait,
ce sont plusieurs frères qui décident de quitter
leur loge pour en créer une autre, toujours à Bourges.
Les raisons, ce sont des dissensions qui portent visiblement
sur le recrutement et l'entrée de nouveaux frères,
ce qui n'est pas admis par l'ensemble de la loge.
Cette nouvelle loge est installée le 12 décembre
1787, elle comprend, autour de Rémond, toujours lui, 7
autres transfuges de Sainte-Solange sur les 12 membres la composant.
"Les Amis de la Paix" ne vont pas durer très
longtemps à Bourges, quelques années seulement,
pour ensuite disparaître.
Autre loge de cette période pré-révolutionnaire,
celle de Minerve. Elle ne vient
pas de dissension, mais d'une volonté pour des maçons
appartenant au même milieu de se réunir. Cette loge
Minerve est créée le 26 novembre 1787, et elle
est installée un mois plus tard. Sur les 2 membres fondateurs,
on relève 22 noms comportant une particule, c'est la noblesse
berrichonne qui entre massivement en Franc-Maçonnerie.
Il y a là, des noms comme les "de Bigny", "de
Bengy", "de Villeneuve", "de Puyvallée",
"de Préville"... etc... Il apparaît que
la plupart de ces membres aient été initiés
dans des loges militaires. Cette loge Minerve formée des
"grands" du Berry, va innover, en particulier, elle
va recevoir dans son temple, des femmes, ce qui était
scrupuleusement interdit par les règlements de l'époque.
Il est bon d'ajouter qu'aujourd'hui, en cette fin de XXe siècle,
la très puissante maçonnerie anglo-saxonne refuse
toujours les femmes.
Le premier Vénérable de Minerve sera un ancien
officier des carabiniers au service du roi, un dénommé
Stollenwerke, alors que le second "surveillant" n'est
autre que le maire de Bourges.
Une des dernière loge de cette période,
ce sera "La Liberté". Cette loge aura de nombreuses
difficultés de constitution, car elle comprenait des artisans
et des petits bourgeois. En effet les loges berruyères
comprennent des notaires, hommes de loi, et autres "grands"
du royaume, mais peu de négociants ou artisans. Nous sommes
alors en 1788, et selon "le vénérable Marcel
Soubret" qui écrit ces lignes en 1940 :
Une demande de Constitution
en date du 2 août 1788, est faite par la Loge "La
Liberté", les Loges "les Amis de la Liberté",
, "Minerve" et "Sainte Solange" mettent opposition
et la Constitution est refusée".
Cette demande dite de "patente", c'est à dire
d'autorisation est demandée par des frères de "la
Liberté" le 15 décembre 1788, alors que, comme
cela était courant, la loge fonctionnait parfaitement.
La demande au Grand Orient était pour beaucoup, une simple
formalité pour obtenir "la régularité".
Mais, contre toute attente, la patente
pour la loge "la Liberté" sera refusée,
ce n'est que 14 ans plus tard, après la Révolution
qu'elle sera accordée.
( Ce sera le 4 juillet 1802 avec une nouvelle
demande qui sera cette fois acceptée, et l'installation
sera faite le 28 mars 1803, la loge travaillera jusqu'en 1812.)
CE QUI
SE FAIT EN LOGE AU XVIIIe
Dans les loges maçonniques de cette
époque, il ne semble pas qu'il y ait des travaux importants
de type philosophiques ou de débats sur les problèmes
du moment. Par contre, les frères appliquaient une fraternité
et utilisaient un vocabulaire nouveau. Dans le livre d'architecture
de Minerve, il est noté que le temple est : "le lieu
où règne la paix, l'union, le silence, l'égalité,
le patriotisme, la bienfaisance". La Franc-Maçonnerie
est déjà une école de pensée et on
trouve en 1787, des mots qui sont prononcé comme ceux
sur l'égalité : Le Frère Rémond prononce
un discours sur l'égalité qui doit nécessairement
exister entre tous les maçons". Sur ce plan le nom
des nobles de Minerve sont énoncés sans les particules,
comme si la nuit du 4 août était passée à
Bourges avant l'heure.
Pour Emile Meslé qui a écrit
un important livre sur l'Histoire de Bourges, "à
l'intérieur des loges, les maçons berruyers firent
leur apprentissage pratique de la philosophie parlementaire,
devinrent plus intimes avec un certain vocabulaire. C'est une
des forces de la franc-maçonnerie d'avoir ainsi montré
que dans une loge, le vénérable devait être
élu par l'ensemble de ses frères. C'est une forme
de démocratie et de Liberté intéressante
à la veille de la Révolution. De la même
façon, le port de l'épée était obligatoire
en loge, que l'on soit noble ou qu'on ne le soit pas, c'était
le principe d'Egalité. Enfin le dernier principe du triptyque,
la Fraternité était ce qui se voyait le plus et
sur lequel il y avait le plus de propos.
On discourait beaucoup dans les loges,
et le "bien parler" ou le bien "écrire"
était important, mais il semble qu'un point non négligeable
consistait dans les banquets. Le banquet était un des
sommets des réunions de frères, et parfois "des
frères attendaient la fin de la tenue pour n'apparaître
qu'au banquet".
SUITE EN CLIQUANT CI-DESSOUS
LES
FRANCS MAÇONS DANS LA TOURMENTE