S'il est
un roi de France qui s'identifie à Bourges, ce n'est pas
Louis XI, pourtant né dans la capitale du Berry, mais
c'est Charles VII, que chacun connaît sous le vocable de
"petit roi de Bourges". En fait Charles VII est un
berruyer de hasard, à un moment où la politique
ne lui laissait pas beaucoup de choix : comme il faut fuir Paris
et ses émeutes, alors où aller pour se sentir en
sécurité ? Et bien il choisit Bourges, rien de
plus simple à atteindre en une chevauchée. Ce roi
pourtant est pour le moins contrasté
Un début d'existence
contrasté
Charles VII est né à Paris,
à l'hôtel de Saint Pol le 22 février 1403, c'est à dire trois ans sensiblement après
Jacques Cur. Il se nomme tout d'abord Charles de Valois,
conte de Ponthieu et n'a alors aucun rapport avec le Berry. Il
est le fils de Charles VI, le roi fou qui a fait tout de même
10 enfants avant ce dernier rejeton? On peut être dément
et
. Faire des enfants à moins qu'Isabeau de Bavière
sa maman ait "fauté ".
Charles de Valois n'avait pas beaucoup
de chance de régner puisque deux de ses frères
étaient plus âgés, alors, il se rongeait
le sang dans une ambiance dans laquelle son père était
couvert de vermine et hurlait comme un loup.
La chance lui sourit à 10 ans lorsque
la reine de Sicile Yolande d'Anjou, par pitié ou par calcul
le prit en charge, avec pour intention de le marier à
sa fille Marie d'Anjou.
Charles quitta Paris qu'il n'aimait pas, et n'a jamais aimé,
et s'en alla auprès de Yolande en Anjou. En fait, il passa
en Anjou de merveilleuses années, jouant avec sa future
épouse, et comme il n'avait pas une grande santé,
il étudia beaucoup et certains affirment qu'il fut un
des hommes les plus lettrés du royaume.
Et c'est alors que le destin frappe en 1415, avec la mort de
son frère, le dauphin Louis, suivi un an plus tard par
la mort de Jean, l'autre fils
.. et c'est ainsi que Charles
devint héritier du trône de France en 1417, recevant
alors le duché de Berry.
Si l'Anjou était sensiblement calme,
il n'en était pas de même du reste du royaume et
la guerre complexe entre les Bourguignons et les Armagnacs, avec
en plus la présence des anglais faisait un joli bourbier,
avec les rapines, assassinats, et autres chevauchées sanglantes.
Charles avant d'être prisonnier par les Bourguignons s'enfuit
de Paris en 1418 pour se réfugier à Bourges, dans
son duché.
Le "petit roi de Bourges"
Charles se proclama alors régent,
et à cette époque, il n'a que 15 ans, on dit de
lui qu'il n'a pas de caractère et qu'il a horreur de la
violence, dans ces temps troublés, c'est presque une faute.
Par contre il est qualifié de gentil et il est très
modeste, bref, rien d'un futur roi .
D'ailleurs, il sera malade après l'assassinat de Jean
sans peur au pont de Montereau en 1419.
Et puis la rumeur, toujours cette rumeur. Elle n'avait jamais
cessé : pour beaucoup, ce Charles n'était qu'un
bâtard, et il ne pourrait pas être reconnu comme
roi de France. Sa mère, de plus en plus garce, déclarait
que le roi de France devrait être Henri V d'Angleterre,
et que "Charles, soi-disant dauphin" devrait être
condamné et banni du royaume". Charmante famille
!
Dans ces périodes difficiles, Charles
devenu "de Berry", vit au palais ducal de Bourges mais
aussi à Mehun sur Yèvre, dans le château
de feu son oncle.
La vie continue et il n'a pas 20 ans
quant il épouse au printemps à Bourges dans la
cathédrale Saint Etienne, le 22 avril 1422, sa copine
de jeu, Marie d'Anjou, qui sera une reine aimante et fidèle,
d'où son mérite, d'autant qu'elle n'était
pas très belle, les chroniqueurs de l'époque assurant
qu'elle avait "un visage à faire peur aux Anglais
même".
Marie d'Anjou, nous dit Suzanne Portier aura une vie monotone,
elle file le rouet, récite des prières et
.
fait des enfants, elle en mettra 14 au monde, dont le futur Louis
XI.
Quelques mois plus tard, le roi Charles
VI meurt et la France se retrouve avec deux rois. L'un est anglais,
c'est Henri VI, il est à Paris et règne sur une
grande partie de la France. L'autre, c'est "notre petit
roi de Bourges". Il règne sur le Berry et quelques
autres provinces, entouré d'une poignée de fidèles.
De 1422 à 1437, Charles VII fera de Bourges sa capitale,
et surtout un havre de paix et de sécurité.
Il devint un roi berrichon et tourangeau, avec une cour qui
n'était pas celle des miracles, mais qui était
très pauvre. Pendant plusieurs années, sans finances,
c'est le chapitre de la cathédrale qui payera les factures
du poisson de la cour et du roi pendant le carême !
Et puis, le "petit roi de Bourges",
avec ses fidèles comme le duc d'Alençon ou Jouvenel
des Ursins ainsi qu'un grand guerrier, le connétable de
Richemont se mit à reconquérir son royaume aux
mains des anglais et de leurs alliés. L'étincelle,
ce fut semble-t-il Jeanne d'Arc. Dotée d'un pouvoir de
persuasion certain, la pucelle rencontra le roi et le convainquit
qu'il était bien le
fils de son père et
non pas le fruit des aventures extra conjugales de sa mère
Ysabeau de Bavière avec un proche parent de la cour. Ce
fut sans doute la révélation.
La reconquête de
son royaume
On connaît bien la suite, une armée
est confiée à Jeanne d'Arc qui délivre Orléans
et emmène le roi se faire couronner "pour de vrai"
à Reims le 17 juillet 1429, comme le voulait la tradition.
A noter que l'armée qui escorte le roi a été
formée à Bourges, sans doute dans les rues dites
de "la Grosse armée et de la Petite armée".
Et puis peu à
peu, après cette forte impulsion donnée par Jeanne
d'Arc, et même une fois son emprisonnement puis sa mort,
la France de Charles VII prend forme et le roi "boute les
Anglais hors de son royaume".
Entre les combats, plutôt saisonniers,
le roi passe la plupart de son temps à Bourges dans son
palais et dans la région, à Mehun, Bois sir Amé,
et au château de Dame
..
En 1437, finalement Charles VII se résout
à retourner à Paris, qui redevint capitale du royaume,
mais Bourges restera dans la mémoire du roi, il rendra
hommage à "la grande et ferme loyauté de la
ville de Bourges". Au mois de mai de cette même année,
il avait accordé à ses habitants le privilège
d'acquérir des biens nobles sans aucune indemnité
envers l'Etat. Et il y eut toujours entre les habitants de Bourges
et donc "les bourgeois", et leur souverain, une grande
fidélité. Ce qui ne sera pas le cas, plus tard,
avec le fils.
Lequel fils, futur Louis XI lui en faisait
voir de toutes les couleurs, il voulait simplement prendre le
pouvoir à la place de son papa et ne reculait devant rien.
Ainsi, Louis le dauphin se révolta alors qu'il était
à Bourges et prit les armes. Ce complot armé prendra
le nom de "Praguerie" et Charles VII eut toutes les
peines du monde à reprendre la main et à vaincre
son fils lequel était aidé par Jean de Salazar,
un des grands chefs de cette rébellion.
C'était en 1440, il n'avait que
37 ans mais après cet épisode de vraie guerre entre
père et fils, Charles VII séjourna de plus en plus
à Bourges et en Berry.
Après une trêve conclut à
Tours en 1444, avec les Anglais, la situation commença
à devenir plus paisible, et tout en comptant fleurette
avec une jeune beauté appelée Agnès Sorel,
il lui cueillait des fleurs et "les offraient à sa
belle amie", le roi reconstituait une puissante armée,
et comme il changeait beaucoup, il participait même à
des tournois, rompant la lance avec les meilleurs.
Bref le roi s'épanouissait enfin, luttant toutefois contre
quelques soulèvements, fomentés par son fils qu'il
finit par exiler en Dauphiné, pour avoir la paix, au moins
de ce côté là.
Avec des capitaines comme Dunois, Brézé
et Richemont, Charles VII poursuivit lentement mais sûrement
la reconquête de son royaume, et après avoir repris
le Maine, ce fut la campagne de Normandie où il gagna
véritablement la guerre de 100 ans, et "Charles le
Victorieux" entra en novembre 1449 dans Rouen libéré.
A ses côtés, un berruyer l'accompagnait : Jacques
Cur, qualifié alors de "noble homme de Bourges".
En moins de 3 ans, il avait reconquit sensiblement
toutes ses provinces, le frêle souverain qui avait fuit
Paris pour le Berry en 1418 était devenu un souverain
puissant, le Doge de Venise parlait de lui comme "du roi
des rois" et les poètes chantaient ses louanges.
Il prit alors le goût du luxe, des jolies filles et de
la bonne chère, ce qui surpris son entourage.
Fin de vie à Mehun
sur Yèvre
La fin de sa vie fut assez triste. Il
mourut à Mehun à l'âge de 58 ans, le 22 juillet
1461, après un règne de 43 ans, ce qui représente
tout de même 6 septennats !
Il vécut en reclus dans son château de Mehun sur
Yèvre, se méfiant de tout et particulièrement
de son fils, même éloigné, ce dernier continuait
à comploter. Charles VII soufrait de gangrène à
la jambe et pensait que le dauphin voulait l'empoisonner en enfin
prendre sa place.
A sa mort, il fut comparé à
Charlemagne et à César, et Suzanne Portier écrit
"que ses contemporains ne tarirent pas d'éloges sur
lui, le peuple se souvenait de sa simplicité et le pleura".
Son corps est embaumé puis transporté à
Saint Denis, accompagné, ironie de l'Histoire par Jean
Cur, archevêque de Bourges.
Charles VII était un souverain de
son temps, avec toute la cruauté de l'époque. Il
n'a pas fait grand chose pour sauver Jeanne d'Arc qui l'avait
"fait roi et commencé la reconquête".
Il avait manqué de beaucoup de gratitude envers Jacques
Cur l'arrêtant et l'emprisonnant, alors que ce dernier
avec son argent lui avait permis de lever les troupes qui libérèrent
la France.
Un roi "de Bourges" qui a plutôt "mauvaise
presse à Bourges et en Berry" même 600 ans
après sa naissance.
Dernier élément, et non des moindre, ce fut le
premier souverain à imposer à la cour, officiellement
sa maîtresse, Agnès Sorel. Jusqu'alors, les rois
n'étaient pas plus que Charles VII des exemples de fidélité
conjugale, mais ils trompaient leur reine discrètement.
Le "roi de Bourges" le fit ouvertement, et imposa sa
maîtresse à la cour
. Ce sera le premier à
le faire, et pas le dernier
Exposition aux Archives départementales
du Cher
Complément sur Agnès
Sorel :
De ce que nous savons, les restes d'Agnès
Sorel étaient conservés dans un tombeau du château
de Loches. Le Conseil Municipal, pour des raisons que j'ignore,
peut être pour des raisons simplement de travaux dans le
château, a décidé de déplacer le tombeau.
Un historien, ayant appris cela, a demandé au Conseil
Municipal de pouvoir ouvrir le tombeau afin de prélever
des ossements et de faire deux séries de recherches :
d'une part de rechercher par des tests, si la "Dame de Beauté
" a été ou non empoisonnée.
d'autre part de reconstituer en trois dimensions le visage de
la belle Agnès et sans doute voir si elle était
aussi belle que le dit la légende.
Donc, cela s'est fait au mois de septembre dernier,
On a retrouvé seulement un crâne en bon état,
car le tombeau a été profané à la
Révolution, comme cela s'est fait souvent. Le crâne
a été effectivement confié au CHU de Lille
qui va étudier si Agnès Sorel a été
ou non empoisonnée.
Quant au visage, c'est l'Institut de recherche criminelle de
la gendarmerie qui va s'en charger.
Les résultats du docteur Philippe Charlier, c'est un empoisonnement
par le mercure. Est-ce une erreur de posologie ou un acte criminel,
nous ne le savons pas.
Une simple remarque, les restes du crâne de Louis XI ont
été analysés, il y a un ou 2 ans, ils venaient
de la crypte de Cléry près d'Orléans, où
ils étaient vénérés. Le résultat
des recherches a montré qu'en fait, le crâne était
en trois morceaux, qui appartenaient à 3 personnes différentes,
dont une femme !
Pour Agnès Sorel, il reste encore des éléments
à trouver.
affaire à suivre.
En savoir plus sur Charles VII, Jacques
Coeur, Agnès Sorel et de quelques autres, cliquer sur
le site des Amis de Jacques Coeur : http://jacques-coeur.bourges.net/