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- A l'occasion de la parution d'un petit
ouvrage réalisé par l'Association Saint Etienne,
sous la direction de Jacques de Saint Aubin, permettant à
tous les publics et donc aux touristes de " découvrir
la cathédrale de Bourges ", il semble nécessaire
pour les lecteurs de montrer quelques facettes historiques moins
connues sur ce monument.
La cathédrale Saint Etienne est
classé au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1992. Elle doit ce titre à sa construction d'un
seul tenant et non par tranches successives. Sa réputation
vient d'une " parfaite utilisation de l'espace, à
l'harmonie de ses proportions et à l'extrême qualité
de son ornementation ". Le visiteur serra frappé
par la lumière intérieure de ce grand vaisseau
avec ses baies et ses vitraux du XIII e siècle et il contemplera
les 5 portails de la façade. C'est la cathédrale
de l'élévation
comme le nouvel éclairage
réalisé en l'an 2000 le souligne.
Le premier maître, cet inconnu
:
C'est sans aucun doute la cathédrale
gothique française qui a su conserver le plus d'authenticité.
Elle est rigoureusement conforme plus de 800 ans après
son édification aux plans de celui que l'on appelle depuis
toujours " le premier maître de Bourges ". L'anonymat
au Moyen Age était courant sauf pour les personnages importants
qui avaient généralement une identité. Or,
de l'homme qui a conçu la cathédrale de Bourges,
nous ne savons rien. Ni son nom, ni d'où il venait, ni
ce qu'il devenu après le début des travaux
.
Quelques hypothèses ont été avancées,
ce génie venait sans doute de la région de l'Aisne,
où il avait fait " son apprentissage ", et s'il
a quitté Bourges, peut être est-il parti en Espagne
vers Burgos ou Tolède. Mais ce ne sont que des suppositions,
la seule certitude, c'est qu'en 1195, lors de ce qui fut peut
être " la cérémonie de la pose de la
première pierre ", il était là, avec
ses idées et ses plans, sans que personne ne note son
nom ! S'appelait-il Jacques, Jean ou Pierre ? Pour toujours ce
génie demeure le Maître inconnu.
Une évolution
. A peine
visible :
Si l'on évoque le " Premier
" Maître de Bourges, c'est sans doute qu'il y en a
eu un second, et certainement un troisième. Il apparaît
en effet qu'au milieu de la construction dans les parties latérales
de la nef, une modification dans les ouvertures des fenêtres
a été réalisée. On note que les fenêtres
situées du côté du chevet ont un découpage
et une surface de vitrage assez faible et par la suite, une augmentation
significative des lancettes est visible. Le gothique de cette
seconde phase apporte encore plus de lumière à
l'intérieur de l'édifice.
Car la cathédrale, si elle est imposante à l'extérieure
a été faite pour des fidèles qui évoluaient
à l'intérieure. D'ailleurs, les chaises d'aujourd'hui
étaient absentes, on évoluait debout, on discutait,
on commerçait peut être, on pouvait aussi y faire
la fête
. Et le tout dans la lumière. C'est
la cathédrale la plus lumineuse de France. Et pour donner
davantage de beauté et d'émotion, les piliers de
la nef ont un écartement différent lorsque l'on
s'approche du chevet afin de gommer l'impression optique de rétrécissement.
A proximité de la façade, l'écartement entre
les piliers de la nef est de 14,12 mètres, pour une valeur
de près de 15 mètres juste avant l'hémicycle.
Drôle de méridienne
C'est en se plaçant justement vers
le milieu de la nef que tout curieux observant le sol voit une
ligne continue allant de la chapelle du Sacré Cur
à celle dite de Montigny.
Quelques guides, venus d'ailleurs expliquent aux touristes qu'il
s'agit de la célèbre méridienne de Paris,
celle qui commence à Notre Dame et passe au milieu de
la cathédrale de Bourges
.. Un vrai exploit, digne
des mystères d'un quelconque Da Vinci Code. Seulement,
c'est totalement faux. Il s'agit bien d'une méridienne,
mais pas de celle de Paris, laquelle passe à quelques
kilomètres de là, sur la commune de Bourges, vers
le canal de Berry.
Cette méridienne de la cathédrale
de Bourges date de 1757, elle fut l'uvre d'un chanoine
mathématicien, de Notre Dame de Salle, dont on connaît
le nom : Goumet. Elle est en cuivre et suit un axe Sud - Nord
comme toute méridienne. Ce qui est intéressant,
c'est que trois oeilletons ont été percés
dans les verrières supérieures et à midi,
les rayons du soleil, en les traversant, tombent sur cette méridienne.
Cette cathédrale étant si
riche en histoire, chacun admire la prouesse du premier maître
de Bourges, lequel a du être surpris au XIX e siècle
lorsque des hommes de bonne volonté ont voulu la restaurer
et ils ont fait quelques rajouts parfaitement inutiles. Alors,
ne vous extasiez pas sur la grande balustrade, ni sur les pinacles,
ces sortes de pignons qui sont placés sur les piliers
extérieurs
. Tout cela a moins de 2 siècles.
Malgré cela, reconnaissons que l'édifice n'a pas
été défiguré, comme ce fut le cas
dans tant d'autres lieux gothiques.
La tour de beurre
Enfin, avec un peu de courage, montez en
haut de la tour nord de la cathédrale, dite " tour
de beurre " et admirez, la symbolique des sculptures en
montant les 396 marches. A chaque pas dans l'escalier, levez
la tête et attention aux diables, aux personnages louches
et grotesques où aux chauves souris
. En pierre.
Aucune étude n'a jamais été faite sur ce
sujet.
Arrivé en haut à 65 mètres de hauteur, vous
découvrez un beau spectacle et un pélican en bronze
que chaque touriste prend en photo. Ce pélican est une
reproduction, pour voir le vrai, il faut redescendre, il est
juste à l'entrée de la tour
Cette tour s'est effondrée le 31
décembre 1506, et la nouvelle tour est commencée
en 1508, et les travaux vont se dérouler jusqu'en 1536.
On trouve au somment un pélican,
ce qui est curieux. Bourges serait la seule cathédrale
avec un pélican à la place d'un coq, comme sur
toutes les églises ou presque de France.
Le pélican est un symbole qui
rappelle l'Eucharistie. (il s'agit
au sommet d'une copie, mise en place en 1995, l'original, corrodé
est en bas de la tour).
Vers une crypte pleine de mystère
A la recherche de l'insolite et du mystère,
après la tour, il faut descendre dans la crypte qui est
la plus vaste de France, dans le couloir de la descente, des
rails apparaissent, ce n'est pas la trace d'un éventuel
train à grande vitesse, mais c'est effectivement là
que passaient au XIX e siècle des wagons qui transportaient
le charbon pour le calorifère afin de chauffer par le
sol, une partie de l'édifice. En poursuivant vers cette
" église basse " qui recèle le jubé
d'autrefois en pièces détachées
. Une
partie du tombeau du duc Jean de Berry et les restes de certains
vitraux de la Sainte Chapelle. Cette crypte est donc un lieu
de rassemblement d'objets assez hétéroclites. Cela
permet aussi de voir de grandes sculptures, qui étaient
autrefois sur la façade de la cathédrale
.
Ce qui signifie simplement que celles que l'on photographie aujourd'hui
à l'extérieur, sont de belles reproductions.
Mais le plus curieux dans ce lieu, ce sont
les multiples plans qui sont tracés au sol. Compte tenu
de la grandeur de la surface plane, les maîtres de Bourges
ont réalisé des tracés au sol directement
dans la pierre afin de construire les fenêtres ajourées
ou ce qui est le grand housteau avec la rosace.
Sous la crypte, en s'enfonçant encore,
on pénètre dans une église romane, sous
laquelle sont enterrés les archevêques de Bourges.
Encore au-dessous quelques galeries souterraines assez impressionnantes
...
Le retour à la lumière passe par l'intermédiaire
d'un beau couloir avec des cul de lampe qui représentent
des personnages dont un montre
son cul, ce qui déroute
quelque peu les touristes.
Terminer une ballade dans l'insolite, c'est retrouver la façade
et ses 5 portails dont celui du jugement dernier.
L'énigme des écoinçons
enfin résolue :
Les écoinçons, sur la façade
sont ces petits triangles situés à hauteur d'homme
ou presque, sculptés comprenant des personnages et des
scènes parfois curieuses. Pendant des siècles,
les spécialistes se sont penchés sur ces sculptures
qui représentent de manière classique, des scènes
de la bible, comme Adam et Eve, Noë et son zoo, ou d'autres
représentations plus communes, sur Jésus, Marie,
Joseph ou d'autres saints
Mais sur toute une partie de ce programme,
certaines scènes demeuraient incompréhensibles
pour tout chercheur voulant donner une signification conforme
à l'enseignement classique d'alors, car le programme des
sculptures et des vitraux semblaient être l'uvre
de Saint Guillaume. Le mystère de ces sculptures était
total jusqu'aux recherches des 15 dernières années
au cour desquelles les travaux de Laurence Brugger ont montré
de manière incontestable l'utilisation de textes hébraïques
que l'on retrouve dans le Kabbale, et qui fait de ce programme
un élément unique dans une grande cathédrale
gothique. On voit ainsi Sammaël, bien connu des légendes
juives trônant sur un serpent, entouré de dragons,
ce fut une révélation pour beaucoup.
Saint François d'Assises de
passage
En restant sur le parvis et en observant
les cinq portails, le jugement dernier est un des plus beaux,
et il semble qu'enfin, on puisse reconnaître un des personnages,
c'est un moine qui est envoyé au Paradis par l'Archange
Saint Michel, et ce moine, un franciscain, porte la code à
triple noeuds et on peut voir ses stigmates
. Nul doute
que l'ami des oiseaux, de passage à Bourges à cette
époque soit bien gravé dans la pierre.
En levant la tête, on peut aussi
observer que l'archange Saint Michel pèse les âmes
des morts, d'un côté ils vont en Enfer, dans le
grand chaudron, à l'opposé ils vont dans le sein
d'Abraham. Et bien pour peser sur les âmes, un crapaud
cherche à fausser le jeu en ajoutant son poids dans la
balance pour la faire pencher vers l'enfer
.
En conclusion
Sublime cathédrale Saint Etienne,
aussi belle de jour que de nuit, a chaque pas, une surprise,
et une découverte, car ce monument mérite bien
son nom, c'est aujourd'hui une des trois plus belles cathédrales
du monde occidental, on l'appelle " la reine-mère
des cathédrales ".