Les carrières de pierre de Bourges - Roland Narboux - encyclopédie

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LES CARRIERES DE BOURGES
Par Roland NARBOUX

Bourges possède de remarquables carrières de pierre qui ont permis la construction de ses monuments. Voici l'article complet qui fait le point sur ce thème.

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Version 2009

 

les carrières de BourgesDepuis les Gaulois, et surtout avec la construction des nombreux monuments gallo-romains, puis des premiers remparts, il a fallu de la pierre de taille ou de remplissage. Si l'exemple le plus typique est la cathédrale, avec ses pierres de provenance locale différentes, tous les monuments et immeubles ont nécessité des extractions dans les carrières. Bourges et son promontoire ont-il été une carrière? C'est une question importante à se poser.

l'auteur dans les carrières de Bourges

Les carrières de la région de Bourges :

Les carrières dans la première zone proche de Bourges comprennent La Chapelle Saint-Ursin et Saint-Florent. L'extraction est basée sur une pierre relativement dure et massive utilisée pour les murs, façades et piliers. Elle est de couleur ocre rosée et se trouvait alors dans des carrières à ciel ouvert. Il s'agit de calcaire lacustre tertiaire, c'est la pierre de base qui supporte les édifices. On en fait des blocs en forme de parallélépipèdes pour les murs et de grosses pierres taillées pour les piliers.

Plus loin de Bourges, à Vallenay, Bruère, et La Celle, les tailleurs extrayaient des pierres faciles à travailler pour réaliser des moulures. La pierre possède une belle couleur blanche, et là encore les carrières sont à ciel ouvert. C'est du calcaire provenant du Jurassique moyen utilisé généralement pour les fondations ou pour ciseler la façade occidentale de la cathédrale, dite du "grand Housteau". Par la suite, les maçons ont utilisé la pierre de Bruère, plus résistante.

Enfin la pierre de Charly, qui n'est ni trop dure, ni trop tendre, c'est avec ce type de matériaux que sont exécutées les sculptures. La couleur est " pierre ", mais les carrières sont souterraines. Cette pierre devenue très célèbre en Berry date du Jurassique moyen (Bathonien) et les carrières sont situées à 44 kilomètres au Sud-Est de Bourges. Une telle pierre permet de réaliser des sculptures fines comme celles situées sur la façade occidentale de la cathédrale ou encore pour des colonnes sculptées, des moulures et des encorbellements.

Selon Robert Billiot, c'est ce nom de "Charly" qui a donné le nom de Charlet, correspondant à un quartier et à une rue de Bourges qui longe l'Yévrette. Sur cette rivière, aujourd'hui un petit filet d'eau, était transportée par bateau, bloc par bloc, cette pierre de Charly.

Les tailleurs de pierres du Moyen Age allaient donc chercher les pierres assez loin de Bourges et compte tenu des moyens de transport, c'était une opération difficile à mettre en œuvre et fort coûteuse. Il était donc naturel que ces bâtisseurs recherchent sur place des pierres faciles à extraire, si possible à Bourges même.

Ce sera le cas dans des carrières souterraines dont les couches datent du Jurassique supérieur. Elles sont situées à la sortie sud de la ville. L'inconvénient majeur résidait dans la qualité médiocre de certaines veines, la pierre résistant mal au gel et aux intempéries.

Jean Louis Boistel, tailleur de pierres, a évoqué les blocs qui, une fois extraits doivent être séchés à cœur pour perdre leur eau. Il est indispensable que la pierre évacue son eau de carrière. Pour cela le temps compte beaucoup et il faut entre 2 à 4 ans de séchage à l'abri des rayons du soleil et de la lune.

 

Les carrières de Bourges

Il existe trois zones géographiques comportant des carrières sur la commune de Bourges, toutes situées au Sud de la ville. Ces carrières sont désaffectées et leur accès est aujourd'hui interdit.
On distingue :


- la carrière du Vallon
- la carrière des Talleries
- la carrière du Château

La carrière du Vallon est située au Sud-Ouest de l'aéroport de Bourges. Elle comprend une partie purement souterraine et une autre sous forme d'un front de taille.
Dans sa partie souterraine, les carrières sont formées par une calcarénite plus ou moins crayeuse. Elle a une belle couleur blanche. Les spécialistes détectent parmi la macrophaune, de nombreux brachiopodes. "Dans une salle apparaît un littage régulier à intervalles centimétriques, à priori difficile à interpréter" nous dit Serge Debrand-Passard dans un livre sur Le Jurassique supérieur du Berry.
Sur le front de taille, on distingue selon les épaisseurs de la roche, différents éléments. A moins de 3 mètres, la calcarénite est riche en bivalves et autres brachiopodes avec de temps à autre quelques fossiles. En remontant, on trouve du calcaire " bioturbé à débit rognoneux" et plus bas du calcaire graveleux.

la carrière des Talleries se situe en bordure de la RN 140 sur la commune de Trouy. La carrière souterraine, abandonnée, appartient aujourd'hui au domaine privé, après avoir été la propriété de M Ferry. Comme souvent, il n'en reste pas grand chose dans certains secteurs. Une partie de la carrière a été détruite lors de l'explosion d'un dépôt de munitions. Dans la partie sud, il n'y a pas eu d'explosion mais plusieurs piliers sont aux limites de la rupture et l'ensemble n'est pas d'une grande solidité. C'est une zone dangereuse.
La teneur en carbonate de calcium est très forte, 98% et les 2% restant sont de l'argile, avec même du kaolin.

Les carrières du Château sont situées en bordure de la RN 143, la route qui va de Bourges à Dun, à la sortie de Bourges. La superficie exploitée des Grandes Carrières était d'environ 8 hectares et demi et celle des Petites Carrières de 3 hectares. La surface totale avoisinait 12 hectares, avec parfois, au cours du temps des zones totalement abandonnées.
Cet ensemble de carrières a assez mal vieilli. Il reste quelques chemins de terre, avec de temps à autre, un élément de béton en ruine ou des entrées importantes de grottes, comportant des mots qui feraient assez vite fuir les plus aventureux, c'est du type " porte piégée ", ou " danger " . Il faut savoir que nous sommes dans un domaine privé pour la plus grande partie de la zone.

L'exploitation comme carrières semble s'être arrêtée au début de la seconde guerre mondiale. En effet, la qualité médiocre de la pierre et la facilité nouvelle, due à l'amélioration des moyens de transport permettant d'aller chercher la "bonne pierre" assez loin, a sonné le glas de ces carrières comme lieu d'extraction.

Le calcaire crayeux de Bourges est de l'Oxfordien supérieur. L'épaisseur des calcaires crayeux de Bourges n'est pas très bien connue, on pense à 12 mètres. Avec les calcaires dits de " Mazières ", on atteint la hauteur de 20 mètres. Par contre sur le seul domaine du Château, la hauteur est de 33 mètres.
Ce calcaire a été décrit dès 1874 par Douville et Jourdy. La base de la formation de ce calcaire crayeux est oolithique. Cette roche est relativement tendre, elle se prête facilement à la taille et fut très exploitée même si les pierres sont un peu gélives. Lorsqu'il reste à l'air, le calcaire crayeux de Bourges prend une teinte noirâtre, alors que la coupe reste parfaitement blanche. Il est aussi très riche en fossiles, on y trouve facilement des lamellibranches et des brachiopodes. Ce calcaire comporte peu d'ammonites.

L'étude des carrières du Château, appelées encore carrières des Averdines, a été traitée de manière fort complète par André Bernon et Pierre Trotignon dans le numéro 106 des Cahiers d'Archéologie et d'Histoire du Berry (CAHB) de juin 1991.

Pour pénétrer dans ces carrières, différentes entrées étaient autrefois accessibles :
- l'entrée du "Pot à Beurre", date du XVe siècle.
- l'entrée des Allemands, date de la dernière guerre
- l'entrée du XIXe siècle
- les entrées multiples de l'Ouest, au nombre de cinq.

Les différentes carrières appartenaient jusqu'à la Révolution au clergé. Elles étaient propriétés du Chapitre ou encore de Notre Dame de Montermoyen. Il y a même une zone qui appartenait au Grand Séminaire.
A la Révolution, elles sont vendues comme Biens Nationaux, généralement à des carriers qui reprirent les exploitations de pierres.

Ainsi depuis leur existence, ces carrières de Bourges auront des destinations successives comme :


- carrières d'extraction de pierres
- champignonnières
- dépôt ou stockage d'armements
- refuge de chauves-souris

Ces quatre phases se superposent parfois dans le temps, c'est ainsi que les chauves-souris ont vu…. des tailleurs de pierres, des ramasseurs de champignons et des artificiers militaires !


Carrières de pierres

Cette zone est connue depuis la nuit des temps puisque les gallo-romains vont faire passer l'aqueduc de Traslay dans cette partie sud de Bourges.
L'exploitation de ces pierres est aussi fort ancienne puisque des éléments ont été retrouvés lors des fouilles de Lazenay, elles constituaient certaines partie de villas ou monuments antiques.
Plus tard, des sarcophages mérovingiens seront en pierre de Bourges.
Enfin, la cathédrale possède certaines de ses parties en pierre de la carrière des Averdines. C'est généralement sous forme de remplissage.
C'est sans doute au XV ième siècle que l'on situe l'âge d'or de ces carrières du Château.
La superficie des Grandes Carrières fut d'environ 8 hectares et demi et celle des Petites Carrières de 3 hectares. Le total fut donc d'environ 12 hectares, avec parfois, au cours du temps des zones totalement abandonnées.

Ces carrières furent très intéressantes, avec des bancs de plus de 2 mètres d'épaisseur.

Elles sont nombreuses et portent le nom de leur propriétaire.
La carrière Rollin dite aussi " carrière à Garsault " fut ouverte en 1870, et Rollin était architecte en chef de la ville de Bourges. Elle sera exploitée jusque vers 1914, les chutes de pierres devenant trop dangereuses. La pierre extraite de cette carrière fut utilisée pour la construction à Bourges des Dames de France et des Nouvelles Galeries.

 

La carrière Soumard du nom de Soumard de Villeneuve, maire de Bourges, devient propriétée de cette famille locale fort connue vers 1834. Elle sera successivement utilisée pour l'extraction des pierres mais aussi pour les champignons de 1877 à 1887.
En 1939, la carrière Soumard est réquisitionnée par l'usine d'aviation SNCAC pour abriter des ateliers ou permettre de stocker des éléments de moteurs d'avions en toute sécurité. Le lieu sera réquisitionné par les Allemands en 1940.
Après guerre, c'est à nouveau une champignonnière.
Elle appartient depuis 1986 à l'Equipement.

 

Les champignonnières

Il semble que l'origine de l'utilisation des carrières comme lieu de culture des champignons remonte à la fin du siècle dernier, même si quelques galeries de la carrière Hugault sont vendues à Pinon un champignonniste en 1876. En 1896, Jean Baptiste Parnajon vend des anciennes galeries à Hippolytte Watrin, c'est le lieu-dit du " pot au beurre ". Puis quelques années plus tard, le 31 octobre 1911, une vente est faite à Jules-Frumence Lefol, qui est lui aussi champignonniste.
C'est ainsi que se développe en lieu en place des extracteurs de pierre, la culture du champignon, avec un intermède pendant la guerre, où les Allemands utilisent le lieu comme dépôt de munitions.

Après guerre, de 1952 à une période récente, ce sont les champignonnières d'Elie Lefol. Ce dernier est le neveu de Frumence Lefol, il dirigeait la " Société des champignonnières du Berry ".
Dans un article paru dans l'Information du Cher, en 1973, M Lefol explique comment fonctionne ces cultures. Il a une douzaine d'employés qui travaillent de 5H du matin à 13 heures et sur les 8 hectares des grandes Carrières, la moitié, c'est à dire 4 hectares sont consacrés aux champignons. La production était alors de 15 à 20 tonnes par mois. Aujourd'hui encore on retrouve à l'entrée des galeries, des paniers abandonnés, utilisés pour la cueillette de ces champignons.
Pour M Elie Lefol, les carrières sont trop petites ou trop vastes, mais ce n'est pas l'idéal. De nombreuses galeries ont alors été agrandies pour permettre le passage des tracteurs.
Après Elie Lefol, c'est son fils Dominique qui va prendre la succession, mais la culture durera encore quelques années, jusqu'en 1991, pour cesser définitivement. Dominique Lefol s'est reconverti depuis dans le pommier et la production des pommes.

Dépôt de munitions

Les Allemands avaient entreposé pendant la guerre de 1939 / 40 , de nombreuses munitions qui étaient utilisées par leurs escadrilles de bombardement. Une des tâches des autorités locales après la Libération fut de procéder à leur neutralisation. Ce n'était pas simple d'autant plus que les Allemands, au moment de leur départ procédèrent à plusieurs destructions.

Au cours de l'opération de désamorçage des bombes, dans une des nombreuses carrières situées avenue de Dun, va se produire un accident terrible.
Ils étaient 10 employés des Etablissements Gaschet, lesquels avaient obtenu le marché de désamorçage de 3000 bombes incendiaires et explosives, de la dernière guerre, stockées par les Allemands et les Français.
Le mardi 20 août 1946, route de Dun, dans une ancienne champignonnière, au lieu-dit "Les Justices", ces employés devaient désamorcer les bombes et récupérer le métal. Depuis le début de ce travail, 2000 bombes avaient déjà été désamorcées. Les artificiers, dont un seul était un professionnel, devaient couper les fils des fusées électriques, prélever la poudre noire, puis la noyer dans un trou d'eau. Ce n'était pas un travail compliqué, et les risques ne semblaient pas énormes, même si, le matin même, un sergent aviateur leur avait dit d'être prudents.

C'était l'après-midi, vers 16 h 50, une formidable explosion se fit entendre, un nuage de fumée de 500 mètres de hauteur était visible à des kilomètres à la ronde. A l'arrivée des pompiers, rapidement sur les lieux, un cratère de 100 mètres de long, 35 mètres de large et profond de 16 mètres dégageait une poussière noirâtre. A un demi-kilomètre de là, des graviers gris et noirs jonchaient le sol.

Avec les pompiers, c'est l'arrivée du Préfet, Maxime Roux, puis du Maire de Bourges, Charles Cochet. On a placé un cordon de policiers pour empêcher les curieux de s'approcher, et on a cherché à retrouver les 10 malheureux. A proximité, des femmes pleurent, les dix hommes étaient de Bourges, ils avaient été embauchés pour ce travail, et dans ces années de fort chômage, la qualification par rapport au travail n'était pas le point le plus important.
Pendant toute la journée du lendemain, les pompiers, conduits par le Commandant Hemery, vont explorer les galeries. Ils parcourent 400 mètres, mais les éboulis sont nombreux et surtout, des explosions se font entendre. Il est décidé de suspendre les recherches tant qu'il y aura des explosions et des incendies, il reste encore au moins 50 tonnes de bombes dans les galeries. Par contre, les sauveteurs ne signalent aucun cri : pour tous, il n'y aura pas de survivant.

Les jours passent, toutes les tentatives de retrouver les corps ont échoué. Les curieux viennent toujours sur les lieux, et l'on recherche les causes de l'accident. Prévalent deux théories, la première, c'est la panne d'électricité, qui se serait produite en fin d'après midi, et l'un des "artificiers" aurait allumé son briquet pour voir clair, faisant exploser la poudre présente. La seconde hypothèse, c'est l'erreur humaine de manipulation.

Devant les risques encourus par les sauveteurs, les autorités vont utiliser des prisonniers allemands qui vont petit à petit dégager les galeries. On les voit en photo, faire la chaîne avec des seaux remplis de terre et de gravats.
Le premier cadavre ne sera dégagé que le mardi 28 août, soit 8 jours après l'explosion meurtrière. Progressivement, au fil des jours, des cadavres sont découverts. Le 2 septembre, on entend toujours des explosions et à la date du 11 septembre, on n'a retrouvé les corps que de 4 artificiers sur les 10 ensevelis.
Le bilan de cette explosion de Bourges sera de 10 morts parmi les ouvriers français.

Aujourd'hui le lieu est bien entouré et grillagé, et des pancartes en interdisent l'accès. Le trou est encore bien visible, montrant l'importance de l'explosion. Il est question aujourd'hui de combler l'ensemble, avec de la terre et du béton, car il y a encore sous les gravas, 50 ans après, des obus ou autres instruments explosifs.
Les carrières ne sont pas un lieu de villégiature.

Les chauves souris

La température des carrières est sensiblement de 8 degré, à peut près constante. C'est Fabre qui l'affirme en 1838 et il ajoute " que c'est la valeur relevée par Lemonier et Cassini lorsqu'ils firent la triangulation de la méridienne de France " c'était sous la Révolution.

Sur les voûtes se sont accrochées des milliers de chauves souris. Butet, en 1829 dira :
" rien n'est plus singulier que de voir, dans l'hiver, les voûtes de ces carrières tapissées d'une multitude de chauves souris qui y sont collées et qui attendent que le printemps.... "
Ce texte ne serait pas renié par Laurent Arthur et Michèle Lemaire qui se consacrent depuis près de 15 ans à l'étude et à la sauvegarde de ces chiroptères.

Lorsque au début des années 1990, on décida de construire la rocade Est reliant la route de Dun à celle de La Charité, le tracé prévu passait tout simplement au milieu des carrières.... et allait détruire les grottes des chauves-souris.
On a trouvé jusqu'à 1500 animaux dans les grottes du Château. Les chauves souris sont des espèces protégées, et finalement, le tracé sera un peu " tordu " afin de sauver ce lieu hautement écologique et symbolique.
La présence de ces animaux en nombre a toujours une signification importante, c'est le signe d'une bonne qualité de l'environnement.

Pour ne plus ennuyer ces petites bêtes, il a été décidé de ne les déranger pour les compter qu'une fois pas an. Elles sont en effet très susceptibles, et l'accroissement des visites à certaines époques ou des récents travaux avec des moyens considérables ont effrayées ces chiropractères et un essaim de plusieurs centaines d'éléments sont parties à une vingtaine de kilomètres de Bourges, elles ne supportaient plus les bruits et vibrations......

 

Visites guidées dans les carrières de Bourges

En prenant un chemin sur la droite, à proximité des nombreux lotissements du Val d'Auron, on pénètre dans une caverne en ouvrant une grille.
C'est une premier trajet de quelques dizaines de mètres la pierre est blanche, mais sur les murs on observe de nombreux graffitis et autres dessins très curieux comme des dinosaures d'un joli vert ou des inscriptions à caractère plus osés.

Puis c'est l'arrivée dans les salles très vastes de la carrière. Avec mon guide, Michèle Lemaire, nous avançons avec les lampes torches de forte puissance, et nous observons les chauves-souris.

Il faut éviter de laisser la lampe sur elles, car cela les réveille et elles sont dérangées. Une fois dérangées, par des problèmes d'énergie et de stress elles peuvent mourir. De même il faut parler à voix basse, et marcher avec précaution.

Les salles se poursuivent, elles sont immenses, une dizaine de mètres de hauteur, et une longueur de plusieurs centaines de mètres. La roche est très belle, c'est un calcaire blanc, très lisse, et on observe aussi les lignes de coupe. Les carriers sont passés par là, et il ne manque que leurs outils.

Dans une zone, des sculptures apparaissent sous les formes de bas relief, c'est parfois très beau, mais cela date de quelques mois ou années. Un Rodin en herbe doit sans doute s'entraîner les nuits de pleine lune.

Lorsque que l'on évolue ainsi sous terre, à quelques encablures de la cathédrale de Bourges, il faut toujours aller à gauche pour être certain de sortir. Il est en effet tout à fait possible de se perdre dans ces carrières.

Ces carrières d'extraction ont été utilisés très récemment et elles appartiennent à la Ville de Bourges puisque le sol est sur une propriété communale. Il n'y a aucun risque particulier à circuler dans ce type de carrière d'autant que régulièrement, des piliers subsistent, les carriers ont "tourné" autour de ce pilier qui supporte la voûte.

Les chiroptères sont peu nombreux, de temps à autre, un grand murcin, ou plus loin une pipistrelle plus petite. Ils sont souvent solitaire, à plusieurs mètres les uns des autres. Parfois, ils sont à auteur d'homme, on pourrait les toucher et les prendre. D'autre fois, ils sont très haut suspendus au plafond et se regroupent. Mais ces regroupements sont de faible quantité, deux à quatre ou cinq éléments. Il n'y a pas ces essaims des plusieurs centaines de chauves-souris comme on le dit parfois. Mais après une simple visite, ce sont plusieurs dizaines d'éléments qui ont été observés.
Les carrières sont à une bonne température, sans humidité, le sol est sec malgré les pluies importantes des derniers jours. L'air est sain, sans courant d'air.

 

Dans un autre secteur de cette région des carrières, appartenant cette fois à la DDE (Direction Départementale de l'Equipement) l'entrée de la grotte n'est pas très accueillante. Une voiture entièrement calcinée trône à l'entrée. C'est en effet un lieu fréquenté par des jeunes qui utilisent ces lieux pour des jeux de rôle ou d'autre chose…..

Ces cavernes sont aussi des zone d'extraction. Elles sont plus anciennes et la roche calcaire est jaunâtre, le beau blanc "cathédrale" a disparu. On marche sur un sol humide, la hauteur du toit est faible, trois à quatre mètres.
On sent un peu d'air. Et il n'y a aucune chauve-souris de visible. Michèle Lemaire affirme que les chiroptères n'aiment pas les courants d'air, et qu'il n'y a aucune bête dans toute cette zone.

Il faut aller beaucoup plus loin pour trouver des salles immenses, et cette fois protégées, et il y a de nombreuses chauves-souris dans ces lieux. Des grands murcins et des plus petits. Une chauve-souris est accrochée avec seulement un doigt…. Si elle reste ainsi plus de sis mois, elle mériterait de figurer au livre des records !

A un moment donné, on aperçoit d'immenses piliers de bétons au milieu de certaines salles et à espace régulier. Ce sont des piliers très récents, ils supportent la route nationale de Dun et la rocade. C'est un ouvrage de la DDE, et ces éléments contribuent à maintenir en état les carrières et les chauves souris.

Au fond d'une zone après une longue marche, le ciel apparaît, c'est un effondrement du plafond. On a le long des parois des fougères et des plantes qui rappellent davantage l'amazonie et les aventuriers de l'Arche perdue que le Berry.

Dans les carrières de monsieur Dominique Lefol, les champignonières sont encore visibles, ce sont des petits cônes au sol qui servaient à placer le fumier et produire ainsi les champignons de Paris.

Dans une de ces zones, mon guide indique au plafond une forme circulaire de la roche. C'est un phénomène très rare et que les géologues n'expliquent pas. Ils viennent d'ailleurs de fort loin pour étudier à Bourges ce phénomène. Il y a des ressources scientifiques et touristiques.

Au fond d'une carrière, des barreaux empêchent de pénétrer plus en avant. Ils ont été placés en ce lieu pour éviter que des curieux s'aventurent plus loin. C'est un lieu comprenant beaucoup de chauves-souris. Mais ces barreaux sont d'un diamètre de 10 centimètres, en alliage particulier, totalement infranchissables. C'est aussi difficile à franchir cette zone que de pénétrer dans la salle des coffres de la Banque de France rue Eugène Brisson.

 

L'avenir des carrières de Bourges

C'est un lieu magique, mais dangereux. Outre le fait qu'il y a encore des munitions, c'est l'état des galeries qui pose problème. Bien sûr, comme le dit Dominique Lefol, il y a une dizaine de mètres entre la surface et la voûte de la galerie qui est dessous, mais c'est à l'intérieur qu'il y a danger.
De plus, c'est souvent une propriété privée, mais hormis le lieu de l'explosion de 1946 et quelques entrées de galeries bien protégées, il n'y a pas de clôture et par le chemin de Blet, il est possible d'entrer assez facilement dans les zones de carrière. A l'intérieur, si les gosses et adolescents peuvent jouer, c'est un lieu dangereux.
Du côté du Chemin de la Rotée, vers le centre municipal de loisir, il y a des grottes importantes, et comme le signalait Laurent Arthur, des jeunes faisaient des " parties ", qui allaient de fêtes bien arrosées à des actions plus répréhensibles, comme brûler des voitures ou d'autres encore moins avouables. " Il y a des jours à éviter, ce sont ceux de pleine lune ou de rencontres multiples ", tel est l'avis de Laurent Arthur.

Mais si l'on veut positiver, il est possible d'utiliser certaines de ces carrières pour des visites guidées. On pourrait faire visiter ces grottes en toute sécurité à partir du mois de juin, afin de ne pas déranger les chauves-souris. Mais il serait possible de placer certaines figurines afin de montrer comment sont ces bêtes. La visite permettrait de voir le travail des tailleurs de pierres ainsi que les champignonnières.

Cet article est issu de l'ouvrage intitulé "Bourges Mystérieux", qui étudie les souterrains de Bourges et toutes les carrières de Bourges et de sa région.
Cet ouvrage a été réédité en octobre 2005  est à nouveau épuisé.

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