Bourges a perdue
au milieu du XIX e siècle, la "bataille du chemin
de fer", mais cette ville pouvait prendre sa revanche sur
la route et sa position centrale dans le pays pouvait en faire
un noeud routier de toute première importance.
Il
n'en sera pas ainsi, une fois encore la bataille sera perdue
et il faudra attendre une cinquantaine d'années pour que
progressivement la situation évolue dans le bon sens.
Mais en 2003, si l'autoroute Paris-Clermont
via Bourges est une réalité, le manque de moyens
moderne en transversale de type Tours - Auxerre via Bourges est
un vrai problème.
LA BATAILLE DES AUTOROUTES
L'automobile, dans ces années 50,
commence à prendre une importance considérable,
et deux problèmes se posent alors à la ville de
Bourges. L'un intérieur, avec les difficultés de
la circulation en centre ville, avec pour corollaire le manque
de parking, l'autre relatif au réseau routier extérieur.
En juillet 1953, le maire de Bourges, Louis
Mallet visite "sa" ville afin d'étudier sur
le terrain les nouveaux problèmes de circulation. Il remarque
que les automobiles encombrent les rues étroites de la
cité, et "qu'il faut multiplier les parkings".
Quelques projets sont élaborés : un parking dans
le jardin du Palais Jacques Coeur, un autre dans le jardinet
du Palais de Justice, et un troisième autour de l'église
Saint-Pierre le Guillard.
Certains crient au sacrilège, ils
craignent de voir disparaître la verdure et les fleurs
dont la ville, disent-ils, "a bien besoin". Le maire,
conscient de la difficulté de mettre tout le monde d'accord,
déclare qu'il "a l'intention de faire quelque chose
de bien".
Il veut que sa ville devienne "moderne et vivante",
et, à la veille de 1954, Louis Mallet annonce "un
programme de grands travaux indispensables, qui sera incessamment
présenté". Il a beaucoup à faire, car
la place Planchat qui vient de se refaire une beauté est
critiquée par 8 Berruyers sur 10, lesquels réclament
en coeur : "moins de fleurs et plus de commodités".
En ce qui concerne la circulation à
l'extérieur de la cité, le problème paraît
encore plus difficile à résoudre d'autant que le
maire n'a, dans ce domaine, pas beaucoup de pouvoir.
Comme l'idée de faire de Bourges le centre d'un vaste
réseau aérien avait été à
l'origine de l'implantation, puis du développement de
l'industrie aéronautique, il en fut de même pour
le réseau routier.
La France était en retard sur d'autres
pays voisins quant à la mise en place d'un véritable
réseau autoroutier. En 1948, un projet national, appelé
rapport Laine-Pigellet faisait figurer Bourges au carrefour de
5 autoroutes qui quadrillaient le pays. La Ville devenait la
plaque tournante de l'Europe et c'était en quelque sorte
le schéma directeur qui devait être appliqué.
Concrètement, les choses n'avançaient pas très
vite.
Monsieur Legrand, conseiller municipal
de Bourges, en 1955, présente une carte avec deux tranches
de travaux autoroutiers :
- une première tranche avec Lille-Bourges directement,
et à Bourges, une bifurcation, à l'ouest sur Hendaye,
et à l'est sur Lyon puis Marseille.
- une seconde tranche, plus transversale, avec un tracé
La Rochelle-Bâle en passant par Châteauroux, Bourges,
Nevers et Dijon.
Le réseau ne manquait pas de
logique puisqu'il était question d'ajouter aussi une liaison
Le Havre-Metz par Paris, puis Bordeaux-Marseille par Toulouse. |
Et le Conseiller Municipal d'ajouter :
"Après avoir été
oubliée pour le chemin de fer et le tracé des canaux,
Bourges se doit de prendre une position vigoureuse sur les futures
autoroutes, il ne faut pas reprendre le tracé anachronique
des chemins de fer avec Paris".
Daniel Legrand, tailleur au 3 rue Montchèvre,
poursuivra avec obstination sa campagne puisqu'en 1959, il renouvelle
ses propositions. Il rappelle que Bourges doit devenir le croisement
des 5 autoroutes "qui permettrait à la France
de retrouver l'équilibre économique, industriel
et politique qui lui manque". Depuis le 14 novembre
1955, les dossiers se succèdent et la lettre du Ministre
de l'Industrie et du Commerce du 4 février 1956 était
intéressante et encourageante, mais trois années
venaient de s'écouler et rien de concret ne sortait de
ces dossiers.
L'autoroute Paris-Clermont via Bourges
sera inaugurée en ...... juin 1989, c'est-à-dire
après 35 ans de palabres.
Ce conseiller municipal avait beaucoup
d'idées et de constance dans d'autres domaines. Ainsi,
il réclame une radio régionale, comme Limoges ou
Lyon. Les émissions locales, écrit-il, "dont
l'intérêt n'échappe à aucun de nous,
seraient facilement assurées par des journalistes locaux
qui m'ont donné depuis longtemps leur accord de principe".
Dernière
idée de M. Legrand, elle concerne l'aérodrome de
Bourges. Il signale que l'aérodrome est équipé
pour recevoir des avions de grandes lignes, et "nous
apprenons périodiquement que l'aérodrome d'Orly
est fermé à cause du brouillard. Dans ce cas, les
avions sont détournés sur Lyon ou Marseille, alors
que Bourges possède un aérodrome de dimensions
suffisantes où le brouillard est très rare et en
tout cas jamais assez dense pour empêcher un atterrissage
sur une piste bien balisée". Et le conseiller
de demander une intervention énergique du maire pour amener
au centre de la France une partie du trafic aérien international.
Legrand terminait ainsi son propos par
ces mots qui sont toujours d'actualité :
"La
réalisation de ces trois projets (autoroute, radio régionale
et aérodrome international) aiderait au décongestionnement
de la Capitale et contribuerait à faire de Bourges une
grande ville".
Il a sans doute manqué à
Bourges d'hommes de cette trempe, avec des idées originales,
parfois utopiques, quelquefois erronées, c'est le cas
de la faiblesse du brouillard à Bourges par rapport à
Orly...... et de relais politiques forts à Paris pour
en faire une capitale régionale.
Projet sur les autoroutes
du 14 novembre 1955
Bulletin Municipal Officiel de Bourges de mars 1959
L'AUTOROUTE
ARRIVE EN BERRY
"Tout arrive pour qui sait attendre", tel est la maxime de cette année, à
propos de l'Autoroute A 71. C'est d'abord à la mi-juin
1989, l'ouverture d'une portion de la rocade de Bourges. La rocade
sud-est de 4,8 kilomètres et la rocade sud-ouest de 4,7
kilomètres, cela permet de relier la N 76, route de Moulins
à la N 151 route de Châteauroux.
Bourges avait "raté" l'arrivée du Chemin
de Fer dans les années 1840, et depuis cette date, il
n'y avait pas un homme politique pour fustiger cette erreur fatale
de "nos anciens". La réalité fut plus
nuancée. Les Berrichons avaient pêché par
insouciance plus que par refus !
Alors pour l'autoroute, ils vont se battre pour obtenir enfin
cette "Autoroute à Giscard", construite pour
désenclaver le Massif Central cher à l'ancien Président
de la République, il faudra l'attendre tout de même.
.
de nombreuses années, 14 ans !
L'Autoroute
s'appelle A 71, elle met Paris à 2 heures de Bourges,
et on espère que très vite, 8000 véhicules
par jour utiliseront le tronçon Vierzon-Bourges.
Pour venir ou aller à Orléans, il en coûtera
40 francs, et pour Paris, le coût prévu est de 75
francs. Avec l'autoroute et les premières rocades, ce
sont plus de 3000 poids lourds qui vont être déviés
de la ville. Comme le dit une habitante du boulevard Auger, "
enfin, nous allons pouvoir ouvrir la fenêtre l'été"
.
Le 29 juin 1989 à 14 H 30, le temps
est maussade, c'est enfin l'inauguration avec l'ouverture du
tronçon Salbris-Bourges d'une longueur de 53 kilomètres.
Et ce tronçon est ouvert avec une avance de 6 mois
..
car la météo de ces derniers mois a été
clémente et la société de construction est
allée plus vite que le prévoyait le dernier programme.
Les autorités sont présentes, les élus locaux,
le préfet du Cher, les parlementaires, ainsi que le PDG
de Cofiroute, concessionnaire du tronçon
C'est un grand moment.
Maurice Dousset, président de la région Centre
déclare : " nous avons gagné la guerre contre
l'enclavement", alors que Jacques Rimbault pragmatique parle
ainsi : " Nous n'avons pas du tout l'intention de limiter
nos ambitions à une simple retombée touristique,
si importante soit-elle, du passage de l'A71". Enfin, avec
beaucoup de lyrisme "Le Cher est appelé à
devenir un grand carrefour de 2 axes d'importance égale
pour la cohésion économique de notre pays et son
rôle en Europe".
Un mois après, dans un week-end
de grands départs, la fréquentation de l'autoroute
" est supérieure aux prévisions ". Par
contre, les poids lourds, même s'il n'y a pas de vrai comptages,
ne jouent pas encore le jeu. Cela vient, du coût de
l'autoroute, des kilomètres supplémentaires avec
les rocades et de l'indiscipline de certains routiers.
En décembre
1989, le tronçon Clermont-Bourges ouvre à son tour.
Malgré l'euphorie ambiante, les
élus et l'administration sont critiquées pour ne
pas avoir prévu à Bourges 2 sorties d'autoroute.
La plupart des villes, même plus petites, possèdent
au moins deux sorties, améliorant de manière significative
l'entrée en ville. A Bourges, tout arrive sur la route
de Saint Florent, puis l'avenue Marcel Haegelen.
Jacques Rimbault est critiqué sur son accord donné
à la Direction Départementale de l'Equipement pour
remplacer une sortie d'Autoroute par un morceau de rocade. Dans
le contrat ainsi passé, la société Cofiroute
participe au financement de ce morceau de rocade, et en en contrepartie,
il ne construit qu'une seule sortie d'autoroute à Bourges.
Le maire de Bourges en juillet 1990 doit faire face à
une fronde comprenant les habitants du quartier Haegelen, et
le maire de Saint Doulchard, M. Debord.
Jacques Rimbault, en réponse au maire de Saint-Doulchard
argumente :
" L'autre
échangeur était prévu au droit de la route
de Saint Amand, à proximité immédiate de
celui qui existe. D'autre part, et là c'est le plus important,
la partie de la rocade entre la route de Saint Florent et celle
de Saint Amand n'était pas programmée, ni financée.
A partir de là, la circulation lourde venant de la route
de Moulins ne pouvait pas rejoindre l'autoroute".
..et allait donc continuer à traverser la
ville de Bourges.
L'argument de Jacques Rimbault plus de
10 ans après, fut à courte vue. De toute façon,
la rocade aurait été construite. Par contre, le
maire avait raison sur le second échangeur, le placer
sur une sortie de la route de Saint Amand était un non
sens, même avec le quartier du Val d'Auron. Un échangeur
utile devait être construit plus en amont, afin de desservir
Saint-Doulchard et Bourges-Nord sans avoir à passer par
la rue Marcel Haegelen.
Il y a bien eu un non-sens technocratique de la part des pouvoirs
publics et une erreur d'appréciation des élus locaux
sur le long terme.
En 2005, avec l'ouverture du viaduc de
Millau, c'est une liaison continue de Paris à Montpellier
en passant par Bourges.
Par contre, la liaison tranversalle de
Bourges à Tours, dite A 85 il faudra attendre le début
du XXI ième siècle pour avoir enfin un Bourges
- Nantes via Tours et Angers sans quitter l'autoroute.
Reste aujourd'hui, la suite avec l'autoroute
vers Auxerre, mais aucune date n'est fixée.....