archives aéronautiques de Bourges - Roland Narboux - Bourges Encyclopédie

L'ENCYCLOPEDIE DE BOURGES

LES ARCHIVES AERONAUTIQUES DE BOURGES
Par Roland NARBOUX

Bourges, ou l'histoire d'un sauvetage original dans le milieu des avions, par la volonté de quelques passionnés de patrimoine et d'aviation.

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Version 2009

C'est l'histoire d'un sauvetage original. Il concerna des milliers de clichés photographiques représentant une partie essentielle du patrimoine de l'aéronautique en Berry. Ces photos étaient promises à la destruction et sont aujourd'hui en lieu sûr. Ce fut ensuite, à partir de ces clichés et d'un travail " de romain " (ou " de berrichon ", c'est identique), la réalisation d'un ouvrage collectif sur ce même patrimoine.

Un patrimoine industriel en danger

Tout commence vers l'an 2000, à l'intérieur de l'établissement de Bourges d'Aérospatiale, devenue MBDA. Ne cherchez pas la signification de ce sigle, 7 ans après certains n'en savent toujours rien. L'établissement industriel situé au N° 8 de la rue Le Brix à Bourges cherche à rationaliser ses bâtiments, ce qui est légitime, et à partir cela, commence la destruction d'un certain nombre d'ateliers ou de bureaux, ceux qui restaient étant réhabilité avec beaucoup de soin. D'ailleurs dans un vocabulaire nouveau " qui vient d'arriver ", on ne dit plus détruire un bâtiment ; mais " déconstruire un élément devenu obsolète " !

En trente cinq années passées dans cette usine, quelques anciens, nostalgiques de la grande époque des constructions aéronautiques de Bourges, l'esprit tant soit peu curieux, avaient exploré les moindres recoins, y compris les souterrains à la recherche du passé prestigieux de ce milieu aéronautique, assez fermé. Ils avaient décidé de se préoccuper de la mémoire de cette usine, qui assembla et fit voler, depuis 1928 des avions aussi divers que le Potez 25, le Noratlas, le Transall, et avec d'autres , ils fabriquèrent des éléments de Mirage et de Concorde.

Nos " anciens " firent le tour des montagnes d'archives d'avions et de missiles dans les locaux situées généralement dans les sous-sols encombrés et humides de plusieurs bâtiments de fabrications. Ces archives comprenaient des plans, des notes, du courrier… et de nombreuses photos.
Aussi, lorsque la décision fut prise de " déconstruire " le bâtiment N°1, celui qui était à l'angle de la route de Châteauroux et de la rue Le Brix, un immense atelier qui avait survécu aux grands bombardements de 1944, alors, tout devenait possible, il fallait agir, et vite !
Si la direction avait de bonnes raisons de démolir ce bâtiment " historique ", alors, les archives devraient suivre le même chemin et se retrouver on ne sait ou.
Il fallait, d'une manière ou d'une autre, garder une trace de cette collection photographique unique. Un ancien, fana des avions réunit quelques amis, une demi-douzaine et leur donna l'information :

- C'est parti, ils démolissent tout, vous allez voir, ils vont nous " benner " nos photos.
- C'est pas possible répondit un retraité, ils ne peuvent pas faire cela. Ce sont de véritables pépites.
- Si, si, c'est comme la carcasse de l'hélico, tout a été " benné ".

Pour les non-initiés, " benner " signifie tout simplement " aller mettre à la benne, c'est à dire à la poubelle.

Des tonnes d'archives à préserver :

Les archives de l'usine MBDA datent de l'arrivée de la firme Hanriot à Bourges en 1928, et à cette époque, il y avait beaucoup de plans, réalisés sur des planches à dessins, avec une règle et une équerre, le tout utilisé avec un crayon mine 2H finement taillé, et… une gomme. Pas de calculatrice, pas d'ordinateur, pas d'imprimante, du fait main.

Il était intéressant de conserver une partie de ces plans, cela montrait comment travaillaient les dessinateurs des années 1930. Mais au-delà de ces liasses de papier, il y avait des photographies, un trésor, en assez bon état de conservation, mais qu'il était nécessaire de trier et d'identifier… Et des personnes qui avaient travaillé en 1928 dans cette usine, il n'en restait plus.

Les photographies étaient totalement inexploitables car elles étaient sur des plaques de verre. Et oui, à l'heure de la photo numérique, ce sont des milliers de clichés qui étaient dans des caisses en bois, sur des plaques de verre, chaque caisse pesait plusieurs kilogrammes, et nul ne savait comment développer ces plaques, certaines étaient brisées, d'autres étaient parfois mal conservées avec des gravats sur des boîtes, mais la plupart étaient exploitables à condition de les reproduire sur du papier.… Ces collections apparaissaient comme un vrai trésor.

C'est alors que deux compères, à quelques mois de leur départ en retraite, Alain Bougelot et Jean Yves Catoire se mirent à chercher les moyens de sauver ces clichés. La première idée fut de reproduire l'ensemble des clichés sur papier. Mais il fallut vite se rendre à l'évidence, la tâche était trop considérable compte tenu du grand nombre des épreuves. Ils ont alors opté pour faire un choix de photos à reproduire, et ils commencèrent le tri….
Au cours de plusieurs réunions autour d'une bonne bouteille, la solution arriva.

- Et si nous léguions ces clichés et même les archives " avions " aux Archives départementales du Cher ?
- Bonne idée, mais comment convaincre les directeurs des archives d'une part et de MBDA d'autre part que c'est une opération intéressante ?
- C'est vrai, ils ont d'autres chats à fouetter. Les premiers travaillent sur Charles VII, et les seconds sur la rentabilité des ailes de l'avion ATR 42. Alors vos photos d'un autre temps ils s'en foutent.

Et bien non, chacun y a mis de la bonne volonté et c'est ainsi qu'entre les responsables de MBDA, le directeur et les techniciens des Archives et la nouvelle association appelée PABB, (Patrimoine Aérospatiale Bourges Berry) ce fut un accord qui allait sauver les archives des fabrications des avions à Bourges.

Un transfert historique

Dans un premier temps, le directeur de MBDA à Bourges, Marc Butet, comprit le message et accepta d'engager une action pour sauver cet important patrimoine. C'était un ancien de cette usine, et il avait la fibre " avions ". Ce fut ensuite la mise en lieu sûr de ce trésor aux Archives départementales du Cher. Le président du Conseil général, Alain Rafesthain était lui aussi sensible à ces documents, étant lui-même un écrivain local reconnu, travaillant sur la guerre de 1939/45 en Berry. Cette décision de transfert se concrétisa le 22 mars 2005 par la remise officielle de la collection complète des plaques photos à M. Vincent Maroteaux, alors directeur des Archives.

Ce fut ensuite un travail difficile et ingrat, consistant à trier l'ensemble du fonds : environ 15000 photos furent visualisées afin de les répertorier et de définir leur intérêt historique. Par la suite, ce furent des cartons de documents qui furent encore triés

Vers un album de photos

Il vint très vite à l'esprit de chacun de ces anciens qui avaient connu le Transall des années 1970 à défaut de l'avion Hanriot 232 fabriqué avant 1930, l'idée de faire partager le fruit de ce travail, en réunissant dans un ouvrage les clichés sélectionnés. Un grand projet était né. Il fallait permettre à chacun des anciens ou de leur famille, d'acquérir un album retraçant en 700 clichés l'histoire de cette usine berrichonne. La première tâche, après le tri fut la reproduction des clichés et leur transformation en clichés numériques.

Les critères de sélection de ces clichés furent de trois, privilégier les fabrications avions, puis celles des missiles, mais aussi retenir de préférence les vues avec des personnages, et montrer l'évolution des moyens, des installations industrielles et des bâtiments.

Et en 300 pages, se déroule une histoire industrielle, avec 7 chapitres permettant de remettre les photos en perspective, et pour chaque photo, une légende qui fut parfois une véritable enquête.

Six mois après la sortie de cet ouvrage intitulé " l'épopée Aérospatiale, l'album photographique " les réactions des berrichons furent très favorables, chacun des employés et des compagnons retrouvant les lieux où ils avaient travaillé.
S'adressant à son petit fils âgé de 15 ans, cet ancien montrait une page :
- Regarde, c'est le " central rivets ", c'est ici que l'on récupérait les rivets pour assembler le fuselage du Martinet. Il fallait les fixer sur trempe fraîche. Pas facile.
Et le petit fils, admiratif, ne comprenait pas comment, pépé était arrivé à faire voler un avion, alors qu'il n'avait pas d'ordinateur.
Sur un autre cliché, un bel alignement d'avions en bordure de la piste.
- Mais ces avions volaient ? redemanda le petit fils, de plus en plus étonné que pépé ait fait cela sans savoir se servir d'Internet. Il ne savait même pas envoyer des SMS.
- Et comment ils volaient nos avions, il faut savoir que les gens venaient de tout le quartier du faubourg d'Auron afin de venir voir évoluer ces machines. C'était une véritable attraction et le pilote Marcel Haegelen était un héros local..
- Et pourquoi aujourd'hui, les riverains se plaignent du bruit des avions, alors qu'il n'y en a presque plus dans le ciel de Bourges ?
La question restera sans réponse, le grand père ne voulant pas se fâcher avec ses voisins.

Plus, loin, sur un cliché, un personnage portant bien sa longue barbe, est en train d'assembler des " guignols ". mais les guignols, en aéronautique, c'étaient des sortes de pièces mécaniques servant de renvois pour les câbles de commande des volets ou autres aérofreins. Cet homme, qui fera la quatrième de couverture devint un héros dans le " Landerneau berruyer ".

Et c'est ainsi que pour la première fois dans notre département, des archives du patrimoine industriel ont été sauvées, par la volonté de quelques uns, et l'accord des différentes administrations, un exemple à suivre pour d'autres sujets, comme les Etablissements militaires de Bourges.

 

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