Jean-Christophe
Rufin est né à Bourges le 28 juin 1952 ,
" c'était un jour de
canicule, dans une fin juin particulièrement étouffantes".
Il aura une vie comme on en trouve dans
les romans, c'est cette vie qu'il relate et décrit dans
"Le léopard au
garrot" publié en janvier
2008. Il sera tour à tour, médecin, puis "patron"
d'OGN, et enfin écrivain tout en étant nommé
en 2007 diplomate français.(ambassadeur de France au Sénégal.).
Il est né à deux pas de la
cathédrale, "dans la maison fraîche de
mes grands-parents. Je ne devais pas en sortir avant dix ans".
C'était au numéro 1 de la
rue Eugène Brisson, en bordure du jardin de l'Archevêché.
C'était dans une clinique célèbre de Bourges,
celle du docteur Malgras. Elle était située à
l'angle de la rue Eugène Brisson et du boulevard de Strasbourg.
Elle datait de 1911, ouverte par le docteur Charles Ravary, (décédé
à Pigny en 1957) c'était une clinique chirurgicale
d'une excellente réputation. C'est en 1939 que le docteur
Malgras succède au dt Ravary
Le jeune Jean-Christophe dont le père
Marcel disparaît pour plusieurs années, va être
élevé par sa mère, (née Denise Bonneau)
à Bourges. Le couple habitait alors au 3 bis de la rue
Emile Zola, la encore au centre de la ville. Cette mère,
par nécessité, choisit d'aller vivre à Paris,
elle laissa son enfant chez ses parents, et c'est ainsi qu'il
fut élevé dans sa petite enfance rue Sanson et
c'est bien le souvenir de Jean Christophe Rufin aujourd'hui.
Il restera ainsi 10 ans tout de même
à Bourges, élevé par le grand-père
médecin ( et la grand mère ?).
Il va garder de sa ville natale, un drôle
de sentiment, une forme d'abandon, ce père il ne le verra
que bien plus tard, à l'âge adulte, sans que des
liens ne se tissent alors, et pour sa mère qui reviendra
le chercher vers 1962, cette absence devait lui peser. Alors
il écrira " J'ai passionnément aimé
mon grand-père, quoiqu'il ne l'ait probablement jamais
rendu cet amour. Cela m'était égal: je n'avais
pas le choix".
Il va donc vivre à l'ombre de la
cathédrale de Bourges dans ces petites rues du centre-ville.
Il parle dans le livre "Un léopard
sur le garrot" de ce grand-père, en particulier pendant
la guerre de 1914-18, "Il ne semble pas, d'ailleurs,
que mon grand-père ait pris goût à ce qu'on
l'a forcé à faire pendant cette guerre ignoble.
Son premier soin, sitôt la paix revenue, fut de s'installer
bien loin et pour faire tout autre chose. Il choisit Bourges, je ne sais pas pourquoi. Tout juste, m'a t-on dit que sa femme, épousée
avant la guerre l'avait quitté... Le jeune médecin
était donc libre et je suppose que l'attrait d'une clientèle
a été la considération principale de son
choix. A l'époque, dans les provinces, le médecin
était un personnage considérable".
Il va apprendre qui était ce grand-père,
un médecin qui soignait "à l'ancienne",
le docteur Bonneau fut déporté à Buchenwald
pour faits de Résistance en septembre 1943. Il avait caché
semble-t-il des Résistants dans sa grandes maison.
Jean Christophe Rufin décrit ainsi
ce grand-père :
"Enfant, je n'ai connu qu'un
vieillard raide, immuablement habillé de costumes trois
pièces et d'une cravate, qui me regardait fixement à
travers ses lunettes ronde. Le dernier épisode de sa vie
- la déportation - avait effacé les traces de son
existence antérieure. Il était un survivant, modeste
et distant, silencieux et effacé."
C'est la grand mère qui va forger
en quelque sorte la légende du grand-père,
"... Elle ne se lassait pas
de narrer les horreurs que lui avaient fait subir "les boches".
Toute la ville (Bourges) était jalonnée de souvenirs
de cette geste héroïque. En passant rue Michel-Servet,
pour aller à la poste, elle ne manquait pas de me montrer
l'ancien hôtel de la Gestapo où mon grand-père
avait été incarcéré, interrogé
et battu"
Le récit de Rufin se poursuit ainsi
de cet espace qui existe encore aujourd'hui, la prison, la vue
des marais et la gare de Bourges :
"Le Bordiau, sur une hauteur
au-dessus des marais, était la prison où il avait
été détenu. A la gare les wagons de marchandises
rouillés rappelaient le temps où on l'y avait entassé
avec cent autres pour partir pour Compiègne."
Jean Christophe Rufin va se lancer dans
la médecine, pour faire
comme le grand-père. Ses études ne lui posent pas
de problème, car il faut apprendre, beaucoup apprendre,
mais sans le besoin d'une quelconque intelligence.... En 1975,
il est reçu au concours d'internat à Paris, travaille
à l'hôpital et prend comme spécialité,
les maladies de l'asthme puis la neurologie comme spécialité.
Lors de son service militaire en 1976 en
coopération, il exerce en maternité en Tunisie,
avant de revenir en France, et en 1981, il devient chef de clinique
des hôpitaux de Paris.
Jean-Christophe Rufin va consacrer plus
de vingt ans de sa vie à travailler dans des ONG, et va côtoyer Bernard Kouchner, après
des débuts très délicats entre les deux
hommes lorsqu'il entre à MSF, alors que Kouchner en est
"viré". Rufin sera au Nicaragua, en Afghanistan,
aux Philippines, au Rwanda et dans les Balkans.
Son existence sera ensuite sur le plan
professionnel chaotique, avec des retours à la médecine
dans un hôpital français mais aussi des incursions
dans des cabinets ministériels et la direction d'OGN comme
ACF, Action contre la faim.
Son livre autobiographique a toujours en
ligne la médecine, avec un parler vrai et franc sur les
urgentistes ou sa propre action dans certaines missions avec
des ONG.
Le 3 août 2007, il est nommé
ambassadeur de France au Sénégal, le ministre des
Affaires étrangères se nomme Bernard Kouchner.
Il est élu le 19 juin 2008 et
entre à l'académie française au fauteuil
d'Henri Troyat le 12 novembre 2009.
Il est à Bourges à une
réception de Serge Lepeltier le vendredi 13 novembre 2009,
il parle de sa ville natale en termes très forts, visiblement
ému.
Jean-Christophe
Rufin reviendra à Bourges au Printemps , le 24 avril 2012
pour une conférence au Palais Jacques Coeur à l'invitation
de Serge Lepeltier.
Le thème en était "Le
grand Coeur" un roman qui venait se sortir et qui racontait
à partir de l'histoire officielle, mais revue par le romancier
dans les périodes où l'on ne sait rien de l'argentier
de Charles VII.
Jean-Christophe Rufin avait été
approché par Serge Lepeltier afin de devenir le maire
de Bourges à l'issue des élections municipales
de 2014.
en savoir plus sur cet épisode
>>>cliquer
Dans une conférence
à Bourges le 9 octobre 2019
à l'auditorium de l'Ecole de musique, j'ai relevé
quelques phrases :
"Je suis né dans la médecine,
enfant, je jouais avec de vieux instruments médicaux,
c'était rue Sanson, à Bourges, je me souviens de
la médecine de mon grand père (Maurice Bonneau),
qui n'était pas très efficace, je me souviens de
l'utilisation des draps mouillés froids lors d'une embolie
de ma grand-mère.
La
médecine existait, les médecins étaient
au milieu de la population, des autres, ils accompagnaient les
malades. Mon grand père recevait des gens fidèles
à ce personnage magique, rappelez-vous que Rabelais était
médecin.et j'entendais ces mots, "dis toujours que
c'est grave".
" Mon grand père a été
déporté à Buchenwald, et il est passé
par le Bordiot. Il avait caché des aviateurs et des juifs".
Jean Christophe Rufin poursuit par ses
études de médecine à 23 ans à Paris,
"j'étais très tôt dans les hopitaux,
et j'étais neurologue, alors que j'effectuais mon service
militaire dans une maternité en Tunisie, ce fut un choc
pour mois qui va durer pendant plusieurs mois. Cela me rapprochait
de la médecine de mon grand père, cette expérience
de la maternité m'a montré que les maladies sont
les mêmes partout. C'est l'humain qui est le plus important."
Par la suite, M. Rufin arrive à
l'humanitaire, rappelant que nous avons eu les guerres et les
épidémies et autres famines, il a fallut du temps
pour que la France donne et arrête de recevoir.
C'est la rencontre avec le monde :
" Nicaragua, Taïllande, Etiopie,
et cela m'a rappelé Bourges et l'Histoire, comme la Cathédrale,
Lallemant et d'autres. Bourges avait conservé de façon
étonnante son patrimoine. M° Cothenet avait refusé
Michelin, mais il avait conservé l'Histoire ".
Au fil du temps, il revient sur son
enfance, "je voyis le Carmel où a été
enfermée Louis de La Vallière".
puis :
"Quand j'ai eu envie d'écrire,
c'est vers l'Histoire que je me suis dirigé, et avec l'Histoire
lointaine, cela m'a donné une Liberté".
Retour sur la rue Sanson, avec le Carmel,
la rue du Puits Noir, celle de Montcenoux, et "On y tournait
des films, c'était un décor compatible avec toutes
les époques, dans ce quartier on peut faire l'Histoire
romanesque vivante ".
Jean Christophe Rufin poursuit avec
son entrée dans un cabinet ministériel (avec Claude
Malhuret), puis comme attaché culturel au Brésil,
et " c'est là que j'ai commencé à écrire"
. Par la suite je serais ambassadeur au Sénégal,
dans cette fonction, l'amabassadeur n'a pas de pouvoir, mais
il est en contact avec le pouvoir... Ils en sont parfois victimes.
Je ne connaissais pas le pouvoir, mais
c'est passionnant".
Il revient sur Bourges avec cette curieuse
phrase :
"Bourges n'est pas une ville du
Centre, mais de frontière. C'est un orgueil aux avants
postes face à la Guyenne. C'est une des frontières
de la Guerre de 100 ans, et bien avant ce fut aussi un lieu de
confrontation entre les gaulois et les romains. Plus proche de
nous, ce sera la ligne de démarcation. J'en ai entendu
parler pendant toute ma jeunesse !
Il terminera cette conférence,
avec Jacques Coeur et son ouvrage "Le grand Coeur",
étant revenu à Bourges "un peu par hasard,
pour profiter de ce ciel, un charme du climat, pour rencontrer
Jacques Coeur, son Palais, sa fausse maison natale. Je rentrais
d'une expérience (?) et Jacques Coeur avait le même
âge que moi et ce fut une passion"
Puis ce furent des questions
J'ai demandé si il pouvait un
jour envisager un ouvrage sur Bourges du temps de son grand père
Bonneau.
Depuis cette conférence (mais
depuis un ans) je cherche des éléments sur ce
grand père Bonneau, et je n'ai toujoursd pas trouvé
où était sa maison rue Sanson.
"Le grand Coeur", un superbe
ouvrage, très agréable à lire d'autant qu'avec
les Amis de Jacques Coeur, j'ai toujours écrit que la
vie de ce natif de Bourges (J Coeur) avait une "vie de roman",
dans ce que nous en savions.
Et le livre de Jean-Christophe Rufin,
parfaitement et finement écrit est une merveille pour
qui s'intéresse à Jacques Coeur.
Cet ouvrage a eu un très grand succès
populaire.
Les propos
de Jean-Christophe Rufin le 13 novembre 2009 à Bourges
Merci de me donner cette possibilité
d'ancrer cet événement de mon entrée à
l'Académie française dans un lieu dans le lequel
tout procède, j'y ai acquis ma conscience d'enfant et
sans doute aussi mon imaginaire d'écrivain.
Nous nous sommes arrêté
tout à l'heure à l'hôtel Bourbon et la première
chose que je leur ai dite que je me souvenais effectivement de
cet endroit qui n'était pas du tout un hôtel, lorsque
c'était une ruine dont on se désolait d'ailleurs,
parce qu'on trouvait que c'était bien dommage
que ce monument , comme cela, tombe en
ruine et tout Bourges chaque fois que je m'y promène,
tout Bourges évoque pour moi de souvenirs d'enfant.
que ce soient les casse-cou, cette rue
Sanson où je suis né, ma chambre donnait sur le
Carmel de l'autre côté où il y a encore le
souvenir de madame de La Vallière.
J'allais au lycée, je suis allé
au petit lycée qui était la tour des Echevins,
aujourd'hui le musée Estève....
(forte émotion de M. Rufin
lorsqu'il évoque ce lieu)
C'est une grande émotion d'être
à Bourges aujourd'hui, et d'apporter, de partager avec
vous l'honneur qui m'est fait.
J'ai eu une première occasion
de voir que peut être j'allais dans cette direction lorsque
j'ai été élu à l'académie
du Berry. J'avais demandé à ce moment là
en quoi consistait l'académie du Berry, et on m'a dit,
c'est comme l'académie française, mais en mieux
(rires).
j'avais donc accepté avec beaucoup
de plaisir d'en faire partie, et j'ai fait mes premières
armes académiques. Je garde aussi beaucoup de contacts
avec d'autres Berruyers et d'autres Berrichons qui se sont lancé
depuis beaucoup plus longtemps que moi dans la carrière
diplomatique. En particulier monsieur François Marcel
Plaisant qui est ambassadeur dignitaire, c'est à dire
un vrai ambassadeur de France pas comme moi un ambassadeur de
circonstances si je puis dire.
En tout cas c'est un homme qui a fait
ses preuves et qui est à la fois un fidèle Berrichon
puisqu'il provoque à intervalles régulier des réunions
des Berrichons de Paris auxquelles j'ai eu l'honneur de participer
et dans le restaurant le Grenadier et c'est un homme qui a eu
une grande expérience diplomatique.
Pour moi, si vous voulez la présence
dans ma vie à la fois de l'étranger et en même
temps de cet enracinement profond que m'a donné Bourges
a produit une espèce de tension et d'étincelle
qui est à l'origine je pense de ma création et
en tout cas du rêve parce que mon enfance a té marquée
ici par la présence, j'allais dire presque physique, du
Grand Meaulnes qui était le livre de notre famille, qui
était
Nous avions une maison à Allogny
près d'ici, et ma mère avait beaucoup travaillé
sur Alain Fournier, ici au lycée de Bourges, elle avait
fait des monographies sur Alain Fournier.
Et c'était pour moi une présence
presque quotidienne.
Il y avait d'autres choses que m'a apporté
Bourges, notamment la présence de cette ligne de démarcation,
que je n'ai jamais vu bien entendu, puisque je suis né
après la guerre, mais qui marquait encore les consciences,
et qui nourrissait une foule d'histoires qui nous étaient
racontées.
Lorsque j'allais avec mes grands parents
sur le monument de la Résistance que mon cher Serge tu
as fait bouger de place (pas beaucoup dit le maire ) et qui à
l'époque était au milieu de l place et bien on
évoquait sans cesse cette ligne et cette ligne dans l'imaginaire
d'un enfant, c'était la ligne entre le nord et le sud
et finalement je n'ai pas cessé d'une certaine manière,
de la chercher, en tout cas, malheureusement de la trouver et
cette confrontation entre Nord et Sud, je l'ai trouvé
un peu plus loin évidemment que Bourges mais c'est ici
pour moi qu'elle se rattache.
Et puis il y a cette présence
dans cette ville , presque magnétique je dirais de la
pierre, de la cathédrale, des pavées, c'est une
ville qui jaillit de l'histoire, j'ai des souvenirs comme cela
de la rue Sanson de ces orages qui parfois faisaient dévaler
l'eau et ouvrait dans le jardin des trous et qui révélaient
ses souterrains, cette ville est un gruyère et en dessous
il y a des tas de tunnels, et pour un enfant , imaginer qu'il
puisse avoir sous vos pieds des choses aussi mystérieuses,
c'est évidemment la part du rêve qui est là.
Je me souviens aussi qu'en déterrant
comme cela une sorte d'appenti qui était dans le jardin,
nous avions trouvé dans l'appareil du mur une pierre qui
avait été retaillée mais probablement provenait
d'un édifice romain, une sorte de chapiteau très
ancien .
Nous avons retrouvé aussi, je
devrais la rendre, entre nous je peux le dire, aujourd'hui je
peux le dire, une tête de la cathédrale qui faisait
comme un moellon le long de nos murs , c'était en réalité
une tête qui avait été détruite au
moment du sac. Je ne sais plus
où elle est,(rires) e.
En tout cas, tout ça, ce sont
je crois pour un enfant des choses qui sont à l'origine,
du rêve et il faut se souvenir, pour moi qui suis né
après la guerre, Bourges a énormément changé
sous l'impulsion de ses édiles bien entendu, et c'est
une ville pleine de vie mais qui après la guerre a connu
des périodes dures, lourdes, je dirais sombre, et pour
un enfant à cette époque là, Bourges n'était
pas aussi éclairée, aussi lumineuse,aussi active,
il ne se passait pas grand chose dans le centre ville à
cette époque là, et au fond, cette immobilité
faisait que, d'abord, on venait tourner des films historiques,
dans ma rue, on y tournait des films sur la révolution,
on n'avait pas besoin d'enlever des pylônes électriques,
il n'y avait pas d'électricité derrière
la rue du puits noir, pour tourner, il suffisait de mettre quelqu'un
avec un costume et on était a la révolution, et
donc c'était le décors du rêve et de l'histoire
et au fond quant on a fait tout à l'heure référence
à ces romans historiques que j'ai écrit je crois
que pour moi, indiscutablement, cette familiarité avec
l'histoire, cette possibilité d'entrer dans l'Histoire
avec un grand naturel et pas du tout sans du tout y voir une
distance
C'est vraiment l'héritage de
Bourges
C'est quelque chose qui m'a rapproché
d'une certaine manière d'Henri Troyat sur lequel j'ai
beaucoup travaillé pour préparer ce discours. Troyat
disait qu'il n'était pas un auteur de romans historiques,
ce qui peut surprendre puisqu'il en a quand même écrit
beaucoup et beaucoup de biographies et lui disait , je suis pas
un auteur de romans historiques, je suis un romancier et je suis
un psychologue et au fond peu
importe qu'une histoire se déroule, il y a 2 ans, il y
a 10 ans ou 100 ans, au fond, le temps du récit c'est
toujours le passé, que ce passé soit lointain ou
soit proche, ça n'a pas beaucoup d'importance, il faut
le situer quelque part et si c'est loin, et bien c'est autre
chose mais ça ne veut pas dire qu'il y a un univers spécifique
du roman historique , moi je vois les choses de la même
manière, l'histoire de raconter ce qui se déroule
aujourd'hui ou qui se sont déroulées il y a quelques
années, c'est pour moi exactement pareil, que d'évoluer
dans un univers beaucoup plus ancien.
Et ça je crois que je le dois
vraiment à cette ville qui conjugue au présent
l'histoire une ville très moderne , qui bouge, qui se
transforme et qui en même temps sait garder cette densité
historique.
Je suis très ému, très
fier, je pense à mes parents ce soir qui sont tous enterrés
ici, au cimetière des Marronniers (les Capucins)...
Et je vous remercie.
Jean Christophe Rufin
13 novembre 2009
Jean Christophe Rufin signe le livre
d'or de la ville.
Jean-Christophe Rufin écrivain
:
On lui dit des essais et des romans,
Essais
Le Piège humanitaire. éd.
J.-Cl. Lattès, 1986. .
L'Empire et les nouveaux barbares, éd. J.-Cl. Lattès,
1991.
La Dictature libérale, éd. J.-Cl. Lattès,
1994
L'Aventure humanitaire, éd. Gallimard, 1994
Géopolitique de la faim: Faim et responsabilité,
éd. P.U.F., 2004.
Romans
L'Abyssin, éd. Gallimard, 1997. prix Goncourt du premier
roman et le prix Méditerranée. 300 000 exemplaires
vendus et 19 traductions
Sauver Ispahan, éd. Gallimard, 1998.
Les Causes perdues, éd. Gallimard 1999, prix Interallié
1999. Réédité avec le titre Asmara et les
causes perdues en Folio
Rouge Brésil, éd. Gallimard, 2001. Prix
Goncourt 2001
Globalia, éd. Gallimard, 2004. En Folio (ISBN 2-07-030918-5)
La Salamandre, éd. Gallimard, 2005. En Folio (ISBN
2-07-032876-7)
Le Parfum d'Adam, éd. Flammarion, 2007
Un léopard sur le garrot, éd.Gallimard,
janvier 2008
- Le Grand Coeur, ed
Gallimard 2012
- Immmortelle randonnée ed Guérin 2013
- Le collier rouge ed
Gallimard 2014
- Check Point ed
gallimar 2015
- Le tour du monde du roi Zibeline Gallimard 2017
- Le suspendu de Conakry ed Flammarion 2018
- Les sept mariages d'Edgar et Ludmilla ed Gallimard 2019
Les citations de cet article sont issues
d'un livre autobiographique :
Un léopard sur le garrot,
éd.Gallimard, janvier 2008, dans lequel il évoque
son enfance, ses parents et ses grands parents.
"Je revins à l'internat avec un peu plus de
frustrations et beaucoup de souvenirs intenses dans la tête.
Comme l'Augustin du Grand Meaulnes, le roman qui a traversé
toute mon enfance en Sologne, j'avais entrevu un domaine enchanté,
mais je m'étais égaré en chemin".
L'ouvrage,
Les sept mariages d'Edgar et Ludmilla ed Gallimard 2019,
est un grand livre traitant d'un sujet peu utilisé de
cette manière.
L'Encyclopédie de Bourges n'avait
pas évoqué la vie sentimentale et maritale de Jean-Christophe
Rufin, alors que les recherches d'Etat civil à Bourges
avaient montré une situation peu ordinaire et un triple
mariage avec la même femme, ce qui est peu courant, et
c'est le thème de l'ouvrage précité.
On remarque par ailleurs que dans tous
ses ouvrages où peu s'en faut, il a toujours, une page,
une ligne ou un mot sur le Berry, dans ce dernier livre de 2019,
c'est sur Menetou, la rue des Arènes à Bourges
... etc.
Discours
de la réception de Serge Lepeltier à Bourges recevant
le nouvel académicien
Monsieur l'Ambassadeur, j'allais dire
Excellence, mais on me dit que vous n'aimez pas le terme, même
si c'est celui le plus utilisé sur le plan international.
Mais je ne peux pas ne pas dire aussi aujourd'hui, Monsieur l'Académicien,
cher Jean-Christophe Rufin,
Il y a un peu plus de 7 ans, nous vous
recevions ici-même, dans cet Hôtel de Ville de Bourges.
Le prix Goncourt vous avait été
décerné quelques mois auparavant pour votre roman
"Rouge Brésil".
Nous étions, il faut le dire,
très fiers de vous, pour vous bien sûr mais aussi
pour nous. Puisque le prestige qui vous entourait rejaillissait
indirectement sur notre ville dont vous avez toujours déclaré
qu'elle était pour vous une source d'inspiration.
Que dire alors de l'émotion qui
nous a saisis lorsque le 19 juin 2008, vous avez été
élu à l'Académie française, au fauteuil
d'Henri Troyat.
Vous êtes aujourd'hui le 1er Berruyer
au sens de né à Bourges à être admis
à l'Académie Française. Que ce soit dans
le fauteuil d'Henri Troyat est pour moi, qui aime tant la qualité
de son écriture et l'atmosphère de ses grandes
sagas telles que "Tant que la terre durera" une satisfaction
supplémentaire.
Et j'ai trouvé le portrait que
vous en avez fait hier sous la Coupole tout à fait fascinant.
On avait l'impression d'être avec lui tout au long de son
chemin de vie.
Dois-je ajouter que votre simplicité,
votre disponibilité, votre allure d'éternel jeune
homme, qui nous avaient tant frappés il y a 7 ans, ne
correspondaient pas à l'image sérieuse et un peu
confinée que nous nous faisions d'un académicien?
Reçu sous la Coupole hier, vous
avez accepté sans hésiter mon invitation à
venir à Bourges aujourd'hui. Soyez en chaleureusement
remercié, ainsi que Madame Rufin.
Sachez que nous sommes très sensibles
à cette marque de fidélité à vos
racines berruyères.
Et, vous le voyez, c'est nombreux que
les Berruyers sont venus ce soir manifester leur gratitude et
leur sympathie à l'égard de l'un des leurs, qui
porte fièrement les couleurs de notre ville jusqu'au Sénégal
!
Vous êtes né à l'ombre
de la Cathédrale Saint Etienne en 1952.
Vous y avez passé votre enfance
et votre adolescence chez un grand-père résistant
et déporté, médecin et humaniste.
C'est son témoignage silencieux
d'une certaine conception de la dignité humaine qui orientera
votre vie et déterminera en partie vos engagements futurs.
Votre vie, vous l'avez racontée
dans un livre paru l'année dernière: "Un léopard
sur le garrot".
Une vie aux mille existences enchevêtrées.
Ce sont tout d'abord vos études
de médecine à Paris. Vous choisissez la neurologie
et la psychiatrie pour être à l'écoute des
corps et des âmes.
Vous rencontrez Médecins sans
frontières qui marque le début d'un engagement
humanitaire de plus de 20 ans.
Vous partez en Erythrée, puis
en Amérique Centrale, en Afrique australe, au Pakistan,
au Sri Lanka et aux Philippines.
Plus tard, ce sera le Rwanda et la Bosnie.
Et j'en oublie sûrement.
Vous êtes rapidement chargé,
au sein de l'organisation, de négocier avec les autorités
avant l'arrivée sur place des équipes médicales.
Vous reprenez même des études
à l'Institut d'Etudes Politiques de Paris pour essayer
de comprendre les situations locales à travers leur histoire
et leur culture.
En 1986, vous écrivez "le
piège humanitaire", que je dois avouer, j'ai lu tardivement
puisque je l'ai lu cet été sur un bateau en Indonésie,
livre sur l'instrumentalisation de l'aide humanitaire avec l'idée,
je vous cite, que "chaque période de l'histoire a
connu ses conflits et ses réponses humanitaires propres."
Comme je le disais à l'instant,
votre vie se fait multiple.
Vous êtes tour à tour directeur
médical d'"Action Internationale contre la faim",
membre du cabinet de Claude Malhuret, attaché culturel
au Brésil, vice-président de "Médecins
sans Frontières" puis conseiller au cabinet de François
Léotard.
Vous avez été Président
d' "Action contre la Faim" de 2002 à 2006 et
depuis 2007, vous êtes ambassadeur de France à Dakar.
De cet itinéraire hors normes
va sortir une fécondité littéraire fulgurante
et exceptionnelle.
Vous dites que vous avez eu envie d'écrire
pour réfléchir sur votre expérience et en
rendre compte.
Vos débuts en littérature
sont fracassants.
3 romans, 3 prix:
à en 1997, le prix Méditerranée
et le Goncourt du premier roman pour "l'Abyssin".
à en 1999, le prix Interallié
pour les "causes perdues".
à en 2001, le prix Goncourt pour
"Rouge Brésil".
Ils vous valent un immense succès
populaire. Il est dû, j'en suis convaincu, à la
fois à votre plume très riche mais aussi très
alerte et à l'atmosphère dont vous savez imprégner
vos livres. Si vous me le permettez, je souhaite lire le 1er
paragraphe de l'Abyssin qui en est l'un des meilleurs exemples
"
"
Dès l'ouverture, on est complètement
plongé dans l'ambiance si particulière du Consulat
de France du Caire.
Et j'espère que ce soir vous
répondrez à la question que vous a posé
dans son discours d'accueil Yves Pouliquen pour savoir si votre
fonction d'ambassadeur correspond à celle du consul Monsieur
de Maillet.
Suivront "Globalia", "La
Salamandre", le "Parfum d'Adam". Et enfin l'année
dernière un récit autobiographique "un léopard
sur le garrot" dont vous avez emprunté le titre à
un vers de Léopold Sedar Senghor.
Dans vos romans, vous inventez des histoires
qui vous ressemblent. Comme j'ai eu la chance de le constater
en passant quelques jours en compagnie de Patrick Poivre d'Arvor
à votre résidence d'ambassadeur à Dakar.
Des histoires foisonnantes, ouvertes
sur le monde, des aventures extraordinaires toujours liées
à une Histoire plus vaste, qui reste votre référence.
Vos romans plaisent parce qu'ils sont
hauts en couleurs, pétris d'humanité, d'humanisme,
jamais moralisateurs.
Ils traitent de questions graves avec
le détachement nécessaire et beaucoup d'amour.
Vous dites que vous écrivez l'hiver
et toujours par plaisir. Sinon vous n'écrivez pas. C'est
pour vous une forme de bonheur. L'hiver, c'est sûrement
pour cela, peut être pas seulement pour cela, mais en tous
cas une des raisons pour lesquelles vous avez un peu de mal à
écrire à Dakar. Cela, je dois le dire, nous attriste
un peu car nous attendons avec impatience le prochain livre.
Les Sénégalais disent
qu'après Senghor qui fut le premier Africain à
siéger sous la Coupole, vous permettez au Sénégal
d'être une deuxième fois à l'honneur.
Ici dans le Berry nous n'oublions pas
la grande figure de Jean-François Deniau, homme politique,
bien sûr, mais peut être surtout écrivain,
diplomate et académicien, dont je salue la mémoire.
Lui aussi se plaisait à dire qu'il avait eu 7 vies.
Cher Jean-Christophe Rufin, vous qui
entendez vivre plusieurs vies en une, selon votre expression,
vous voilà maintenant Immortel. Mais j'en suis sûr,
vous n'avez pas fini de bourlinguer
.
Merci encore de votre présence
ici ce soir.
Merci à tous.
Signé Serge Lepeltier
Voir le discours de Jean-Christophe
Rufin à l'Académie française
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