Au nom des socialistes du Cher, Lerat va
"souligner l'aspiration croissante à un parti révolutionnaire
au service des travailleurs et non à celui d'ambitions
électorales". Sur les 31 mandats de la Fédération
du Cher, il y en aura 24 pour la liste des révolutionnaires.
Les minoritaires comme Laudier à Bourges ou Bodin
à Vierzon, refuseront l'adhésion ; ce sont déjà
des notables élus et respectés. Lerat dans l'Emancipateur,
l'ancien journal de Laudier écrira :
" La propagande communiste doit
être notre oeuvre et la Révolution socialiste notre
but. Vive l'Internationale communiste, Vive le Berry révolutionnaire".
Laudier se met au travail à
partir de 1919 :
Les délibérations du conseil
municipal sont publiques et un compte rendu de ce qui s'est dit
est consigné par un Secrétaire de mairie. Il ne
semble pas qu'avant Laudier, sauf dans l'année 1904, ce
document important ait été publié. C'est
une des premières actions du nouveau maire, en 1920 :
il fait figurer au budget primitif de 1921, les crédits
nécessaires à la rédaction et à l'impression
du Bulletin Municipal.
Le premier Bulletin Municipal de Bourges, vendu au numéro
et par abonnement annuel, est consacré à la séance
du conseil municipal réunie le 13 décembre 1920
; c'est la Maison Auxenfants qui est chargée de la publication.
Depuis cette date, toutes les délibérations des
conseils municipaux sont publiées. Il y avait une volonté
d'expliquer et de "jouer la transparence" pour reprendre
des termes actuels.
Parmi les premiers dossiers traités par Laudier figure
le Statut du personnel communal, par application de la
loi du 23 octobre 1919. Désormais l'effectif de la commune
de Bourges est divisé en titulaires, stagiaires et auxiliaires,
ils sont placés sous la surveillance du Secrétaire
Général chargé de centraliser toutes les
affaires et de transmettre aux chefs de service pour exécution,
les décisions de la municipalité. En outre, ce
statut classe le personnel en 6 catégories, de l'architecte
au garde champêtre, en passant par le brigadier d'octroi,
la sténo-dactylographe ou le chef paveur.
Sont prévus des articles sur l'avancement, la discipline,
les congés. Sur ce dernier sujet, l'article 29 stipule
:
"Il est accordé chaque année au personnel
titulaire un congé de repos payé de 15 jours ouvrables.
Les stagiaires et auxiliaires auront droit à un jour de
congé par mois de présence".
L'échelle des traitements et les
accidents de travail font aussi l'objet d'une longue explication.
L'ensemble du statut est signé Henri Laudier, Député-Maire
de Bourges, la date annexée est le 19 juin 1920.
Un second dossier se présente dès
le 23 octobre 1920, c'est déjà "l'affaire
des Prés-Fichaux". Le principe de la création
d'un jardin public limité par le boulevard de la République,
l'allée des Soupirs et le cours Beauvoir est adopté,
reste à acquérir les terrains. Le 7 janvier 1921,
une lettre est adressée à Mme de Bourbon, laquelle
possède plusieurs parcelles de ce terrain. Cette dame
n'ayant pas répondu elle-même à ce maire
socialiste, c'est son notaire qui réclame un prix conforme
à celui d'un terrain à bâtir ! Laudier n'est
pas très content, il dira :
"Ces prétentions sont inacceptables, étant
donné que les terrains sis au lieu dit Les Marais des
Prés-Fichaux ne sont pas des terrains à bâtir,
en raison de la nature du sous-sol; d'ailleurs il y a lieu tant
au point de vue hygiène qu'au point de vue esthétique,
de faire disparaître cet îlot insalubre et de le
transformer en embellissant et assainissant à la fois,
cette partie de la ville".
Laudier écrit à nouveau le
10 février à Mme de Bourbon pour trouver une solution
à l'amiable. Quant aux parcelles appartenant aux hospices,
il y en avait quelques unes, sur le terrain du futur jardin.
Après discussion, l'acquisition est votée pour
un prix de 125 000 francs. Ainsi commence cette aventure des
Prés-Fichaux, elle va diviser les Berruyers pendant une
décennie.
La vie communale à Bourges se poursuit
avec des sujets d'importance fort différente. C'est la
querelle de la dénomination des rues de la cité,
ainsi, une proposition est faite pour donner le nom de "place
du 11 novembre" à la place Cujas, le nom de "Cujas"
étant donné lui, à une autre place actuellement
appelée Mirpied. On s'étripa de belle manière,
la politique s'en mêla avec le citoyen Guillot qui affirma
:
" Le gouvernement bourgeois continue sa politique impérialiste.
La guerre continue depuis deux ans en Russie, en Syrie, en Cilicie..etc
"
Et ce fut le statu quo, le citoyen Cambon résumant la
situation :
" Je suis opposé moi aussi à tous les changements
de noms de rues, de places.... La question pourrait être
je crois renvoyée en commission".
Ce qui fut fait!
Les sujets qui intéressent les Berruyers
sont divers, ainsi, en mars 1921, une pétition est signée
d'un certain nombre d'habitants de Lazenay demandant le vote
d'une subvention pour l'installation de la lumière électrique.
Et déjà en 1921, les problèmes de stationnement
sont dans le collimateur des Berruyers. Le commissaire de police
signale que le stationnement des camions automobiles près
de l'école de Pignoux est un danger. Après accord
avec l'autorité militaire, ils stationneront désormais
chaussée de la Chappe.
Laudier perd son siège de député
aux élections législatives du 11 mai 1924
Laudier sortira très dépité
de ces élections. Il va dès lors se consacrer à
sa ville. Il poursuit son action sur le plan politique et social,
et il propose, au nom de la Commission des Finances de la Municipalité
de voter une somme de 1000 francs pour une participation "à
l'oeuvre humanitaire de secours aux populations affamées
de Russie". Les informations sur la situation économique
de ce premier pays dirigé par des communistes sont donc,
dès le début des années 1920, largement
connues en Berry. Laudier le socialiste n'oublie pas le chômage
en France. Il fait aussi voter la même somme "en faveur
des grévistes du Nord qui sont en lutte pour empêcher
la réduction de leurs salaires.."
La municipalité Laudier va se lancer,
en plus des Prés-Fichaux, dans d'autres travaux ; ce
sera le cas pour l'Hôtel des Postes. Ce bâtiment
administratif avait été commencé quelques
mois avant la guerre, mais le chantier fut abandonné à
la mi-1914, il y avait d'autres priorités. Laudier et
son architecte Tarlier vont se battre contre le Ministère
afin de faire réviser le marché : les conditions
financières d'avant 14 n'étaient plus les mêmes
dans les années 1920.
L'inauguration de l'Hôtel des
Postes se déroulera le 30 juin 1926,
pour la clôture de la VIIe Foire Exposition. Le cortège
qui avait procédé à la visite de la Foire,
avec la présence de M. Drouets, Directeur de la Propriété
Industrielle se retrouva Salle du Duc Jean pour un banquet dans
le plus pur style de la 3e République.
Dans le programme électoral de Laudier,
il y avait la recherche d'un Parc des Sports pour développer
l'éducation physique, "il est nécessaire de
posséder des muscles vigoureux, d'avoir une santé
florissante, d'habituer l'organisme à résister
aux intempéries..." Et la municipalité recherche
un terrain.
Mais il n'y a pas que le sport dans les objectifs de Laudier
et de ses amis. Ainsi, on peut suivre sur le plan culturel, un
long plaidoyer de M. Boyron, un des conseillers municipaux de
1924, il dit :
" Il est indispensable de réveiller aussi le sentiment
du Beau, d'apprendre à connaître et apprécier
les oeuvres d'art, qu'elles soient du domaine littéraire,
artistique ou musical".
Et Laudier de faire le point des salles disponibles. Hormis le
Théâtre jugé trop étroit, il n'y a
rien, que ce soit pour des raisons de grandeur ou d'acoustique.
Il faut donc une salle des fêtes, vaste et bien agencée,
d'autant plus que la création d'une Ecole de Musique permettra
d'organiser des concerts.
L'établissement connu sous le nom de "Palmarium"
a été mis en vente le 25 mai 1921 par l'étude
de Maître Paillart, et il n'y a pas d'acquéreur
; le prix demandé est de 100 000 francs. Et après
de solides et savants calculs, l'architecte de la ville a donné
son avis. Il est possible d'acquérir le "Palmarium"
pour une somme de 105 000 francs, "c'est une occasion unique
de doter la ville d'un immeuble parfaitement situé nous
permettant, dans un avenir proche, de réaliser une Salle
des Fêtes digne de notre ville. Nous ne pouvons pas hésiter".
telles sont les paroles du Maire.
Après une enquête ouverte
sur l'acquisition par la ville de cet immeuble "Palmarium",
et n'ayant donné lieu à aucune observation, le
"Commissaire enquêteur" est favorable à
cet achat qui est donc entériné le 24 septembre
1921.
Une des oeuvres essentielles de la municipalité
Laudier se concrétisera dans le domaine du logement. La
crise du logement à Bourges depuis la fin de la guerre
est des plus aiguë. Les causes sont diverses. C'est d'abord
le fait que depuis une dizaine d'années, pas ou peu de
logements ont été construits ; ensuite, de nombreuses
personnes ayant quitté Bourges pour retourner dans leur
ville d'origine - situées dans le Nord ou l'Est - conservent
à Bourges le logement qu'elles ont occupé pendant
le conflit. Enfin, comme le rappelle Laudier le 23 octobre 1920,
" beaucoup de nos concitoyens qui s'étaient
gênés au possible pendant la guerre, pour faire
place aux passagers, ont tenu à reprendre leurs aises
dès la guerre terminée".
Un des grands mérites de Laudier,
ce fut d'être concret. Il va appliquer scrupuleusement
un plan d'ensemble qu'il avait en permanence à l'esprit. Mais il voit plus loin ; en juillet 1923, il
décide de faire étudier par ses chefs de services,
des enquêtes sur plusieurs villes du pays ; c'est ainsi
que sur la voirie, il reçoit un rapport sur la ville de
Roanne, "cette ville d'une population équivalente
à celle de Bourges est une cité industrielle".
Les rapports se succèdent avec Lyon , Saint Etienne et
quelques autres cités.
Son objectif est de permettre à Bourges de devenir une
grande cité. Robert Verglas rapporte qu'en 1919, la ville,
après la poussée démographique énorme
due à la guerre, riquait de connaître un tassement
grave de son activité générale et de retrouver
peut-être l'atomie du passé et le spectacle qui
avait désolé Jules Sandeau de "ces rues désertes
où l'herbe croît entre les pavés". Laudier
voulait moderniser et toiletter Bourges, en 1927, dans un long
rapport lu au conseil municipal, on trouve ces lignes :
"L'entretien des voies pavées et macadamisées
par des procédés modernes fut étudié
et réalisé peu à peu ; par l'arrosage et
le goudronnage, on entamait la lutte contre la poussière,
la mise en oeuvre d'une balayeuse-arroseuse et d'un matériel
de goudronnage permettait de répondre à cette partie
du programme.... Bientôt, la ville sur un certain nombre
de voies allait se voir réaliser "la toilette de
nuit" en échange du paiement par les riverains d'une
taxe de balayage."
Laudier avait aussi une vision assez
originale pour l'époque des espaces verts. Il voulait créer des jardins partout où
cela était possible. Il fait faire le jardin de la rue
de Dun en 1922 et dès l'année suivante, c'est l'ouverture
au public du jardin du Palais de Justice. L'inauguration se déroula
le 25 juin 1923, en présence de Monsieur Marcel Aubert
conservateur du Musée du Louvre, qui était un très
grand archéologue et nous rapporte Philippe Goldman le
meilleur spécialiste de l'art cistercien. M. Aubert remplaçait
Paul Léon, le Directeur des Beaux Arts au plan National,
ce dernier s'étant décommandé... ce sera
une habitude chez ce distingué personnage.
Sur l'emplacement de l'ancien Grand Séminaire de Bourges,
"ce jardin est ouvert au public ; quand les tilleuls auront
retrouvé leurs rameaux, ils donneront une certaine fraîcheur
à ce parc, joliment exposé en ce moment aux ardeurs
du soleil... pour le moment l'ombre fait défaut et les
plates-bandes commencent seulement à verdir. Un petit
bassin orne le milieu du jardin " telle est la description
du Journal du Cher au lendemain de l'évènement.
Après ce jardin du Palais de Justice, en 1924 sera ouvert
celui de l'abside de la Cathédrale puis, la même
année, le jardin du Palais Jacques Coeur et le square
de l'avenue de la Préfecture.
Mais Laudier ne se contentera pas d'inaugurer des jardins, et
après celui "de la Poste", en 1925, il s'occupera
du bâtiment lui-même, l'Hôtel des Postes, dont
il faut reparler, l'histoire de cet édifice va durer de
1910 à 1930. Pendant une vingtaine d'années, chacun
à Bourges s'interrogera sur le sérieux de cette
opération.
Laudier avait aussi compris qu'une ville
ne peut pas se développer sans un secteur industriel très
fort. Aussi, il sera à l'affût de chaque possibilité
de pouvoir créer une fabrique ou une usine. C'est ainsi
que Bourges va se doter d'une industrie aéronautique de
premier rang en France : ce sera à partir de la fin de
1927, la Bataille pour l'Aéroport.
Le dimanche 1er Juillet 1928, l'Aéroport
est inauguré. La foule est
impressionnante, les Berruyers se rendent vers l'Aéroport
au son des fanfares et derrière les sociétés
de gymnastique. En fait, l'Aéroport, c'est une vaste étendue
de 90 hectares de terrain herbeux, sans piste, mais avec déjà
trois bâtiments "en dur" pour que les cours puissent
commencer dès le mois d'août.
"Parc des Prés-Fichaux"
La construction de ce jardin, entre le
premier projet et l'inauguration, représentera 10 années
de lutte et de travail. Ainsi plusieurs ouvrages de maçonnerie,
exécutés en octobre et novembre 1928, devront être
refaits ; ils avaient été endommagés par
le gel. Et la liste des "travaux imprévus" va
s'allonger au cours des dernières années de finition.
Il n'y aura pas de réunion du conseil municipal sans que
le sujet du "Parc des Prés-Fichaux" ne soit
abordé.
La séance du conseil municipal de
Bourges du début de l'année 1930 est assez significative
de cette "aventure des Prés-Fichaux". Laudier
commence à demander un nouveau crédit de 200 000
francs pour le jardin plus 160 000 francs concernant la voierie
pour les accès, soit un total de 360 000 francs. Il argumente
sur le fait qu'il s'agit de la dernière tranche de "l'aménagement
du parc public dans les marais des Prés-Fichaux".
Et comme il s'attend à des réactions de la part
de ses collègues, il ajoute avec une précaution
toute berrichonne :
"J'ai fait préparer le décompte général
de toutes les sommes, de tous les prétendus millions que
nous aurions engloutis dans les Prés-Fichaux, à
en croire certaines légendes". Et le premier magistrat
de la cité de récapituler toutes les dépenses
de 1922, avec 18 150 francs, jusqu'à l'année 1929
pour 201 169 francs .... en terminant par les 360 000 francs
demandés ce jour. Le total est de 1 808 926,30 francs,
et la subvention obtenue sur le produit des jeux a été
de 300 000 francs. Il termine son propos par ce justificatif
de son action :
" On peut nous reprocher d'avoir mis longtemps pour
l'exécuter. Il est peut-être préférable
de l'avoir exécuté par petits coups et échelonné
sur plusieurs exercices, cela nous a permis de trouver la pilule
moins amère. Nous sommes arrivés à nos fins
et nous n'avons pas fait les dépenses voluptuaires excessives
qu'on prétend."
Législatives de 1928
Sur le plan politique, après la
défaite électorale aux Législatives de 1924,
Laudier se représente à celles de 1928, qui se
déroulent les 22 et 29 avril. Le scrutin est à
deux tours, par circonscription, et le maire de Bourges se présente
dans la première circonscription de Bourges. Il est opposé
au Républicain Autrand, au Communiste Maurice Boin, au
Radical Mauger et enfin à un candidat marginal, Jacquet.
Dans sa propagande électorale, Laudier revient sur la
défaite et le scrutin proportionnel de 1924, il écrit
: " Pour la 5e fois désigné comme candidat
par la confiance d'un parti auquel je suis demeuré fidèle
en dépit de tout, je viens à nouveau solliciter
vos suffrages".
La profession de foi du candidat socialiste
est des plus pragmatique ; il se livre à un catalogue
de ses réalisations depuis qu'il est maire de Bourges
:
"Vous savez qui je suis, Républicain,
socialiste, libre-penseur, respectueux de toutes les opinions
et de toutes les croyances.
J'ai bataillé de toutes mes forces pour l'industrialisation
de nos Etablissements Militaires, et le maintien de l'Ecole d'Aviation
d'Avord, un moment menacée. J'ai amené la création
de la première Ecole Nationale Professionnelle de Jeunes
Filles de France, qui va aboutir après 7 années
d'efforts. J'ai créé la Foire de Bourges, de même
l'Aéroport, qui sera demain une chose réalisée
et qui peut être gros de conséquences heureuses
pour toute notre région".
Sa campagne électorale est active, il doit se démarquer
des communistes, tout en restant dans une ligne très à
gauche. Son degré d'action et de liberté n'est
pas très simple à gérer. Pour lui, "il
faut faire payer la fortune acquise, soulager le commerce et
la production, mettre un terme à cette inquisition fiscale
féroce qui irrite, à juste titre, tous les assujettis".
Son discours peut être moins précis
et plus conventionnel, c'est par exemple le vocabulaire et le
ton de ses affiches dans lesquelles il écrit :
" Fort de mon passé sans tache et de mes ardentes
convictions socialistes, mais vous ayant donné la preuve
que je sais réaliser... Vive la République Sociale".
Comme Député, car il s'agit tout de même
d'une élection législative, Laudier rappelle son
travail au Palais Bourbon. Il signale qu'il fut membre de la
commission du commerce et de l'industrie, ainsi que de celle
des armées. Dans ce cadre, il a participé au projet
de loi sur l'imposition des officiers à la contribution
mobilière. C'est lui qui a obtenu l'ouverture d'un crédit
pour le Cher suite aux inondations de 1923.... D'une manière
plus anecdotique, il a fait des observations concernant la restitution
à la Cathédrale de Bourges de ses vitraux. Et puis
il revient sur son action municipale et insiste sur l'Ecole Nationale
Professionnelle de Jeunes Filles, car il est persuadé
que les électeurs voient en lui un bon administrateur
de la cité qui a besoin d'avoir des relations avec le
pouvoir central, et en conséquence un mandat national.
La campagne électorale est difficile ; au cours d'une
réunion publique et contradictoire qui réunit 5000
personnes, les journalistes écrivent que Boin et Autrand
ont la faveur du public. De leur côté, les services
de la Préfecture signalent que "Laudier a tenu à
la tribune, malgré les protestations nombreuses de ses
adversaires personnels qu'il s'est créé à
la mairie, et malgré les clameurs communistes".
Dans les Archives Départementales,
se trouve une note marquée "SECRET", en date
du 16 mai 1928. Elle émane du Président du Conseil,
et est destinée au Préfet du Cher. Il est dit,
en particulier : "que certains fonctionnaires ont développé
une campagne plus ou moins violente contre les pouvoirs publics
et ont exercé des vexations envers les contribuables dans
un intérêt politique. Vous voudrez bien m'adresser
de toute urgence, un rapport sur les faits de cette nature dans
votre département".
Malgré son action municipale qui
commence à donner des résultats, Laudier sera
battu dans des conditions qui lui laisseront de l'amertume.
Au premier tour, il arrive en troisième position, derrière
Autrand qui a 6302 voix, et Boin qui en obtient 5649. Laudier
n'a que 4165 voix, il est loin derrière. Pourtant Laudier
se maintient au 2e tour contre son gré. Cette attitude
surprenante a été prise par la Fédération
S.F.I.O. pour se venger du Parti Communiste.
Laudier sénateur
et maire
Les élections sénatoriales
sont prévues pour le mois d'octobre 1929, avec le renouvellement
de trois sièges : ceux de Pajot, Breton et Mauger. Mais
le 5 février 1929, le doyen Radical du Sénat Christophe
Pajot, âgé de 85 ans, meurt. Il y aura donc des
élections partielles, elles se dérouleront le 7
avril 1929.
Laudier se présente, il n'est pas
seul en liste ; d'autres, comme Plaisant, Soubirant et Durand
le communiste sont aussi sur les rangs. Dans sa profession de
foi, Laudier dramatise la situation locale :
"Notre département a été ces temps-ci
très touché et il est grand temps que des hommes
énergiques se dressent pour lui faire reprendre un rang
qu'il n'aurait jamais dû perdre.
Sans fausse modestie, je pense être un de ces hommes là..."
Dans cette campagne, le maire de Bourges
met l'accent sur son action municipale ; en particulier, il insiste
sur la Première Ecole Nationale Professionnelle pour Jeunes
Filles, qui doit ouvrir en octobre. Son programme électoral
comprend :
- une nouvelle législation en matière d'accidents
du travail
- des lois laïques selon l'esprit de la Révolution
Française
- la mise en grande section du canal de Berry
- l'extension de l'Aéroport de Bourges
Et Laudier termine ses propos par un vibrant :
"Je suis un enfant du peuple".
A l'issue du premier tour de ces sénatoriales,
Plaisant arrive en tête avec 314 suffrages, loin devant
Soubirant ; Laudier avec 142 voix n'a aucune chance de gagner.
Au second tour, il se désiste pour Marcel Plaisant et
La Dépêche du Berry écrira à ce propos
:
"Plaisant est élu à une majorité
considérable, le citoyen Laudier n'a pas obtenu le chiffre
qu'il escomptait, il est vrai qu'il n'avait pour ainsi dire pas
fait de campagne électorale".
Une défaite de plus pour Laudier,
mais il pense qu'il lui faut un mandat national. Ce sera une
constance pour les "Grands" maires de Bourges ; il
est inconcevable, dans un pays jacobin et centralisé comme
la France de bien gérer une municipalité importante
sans un mandat national... et donc parisien ; c'est un triste
constat !
En attendant, quelques jours après
cette élection sénatoriale, Laudier se représente
pour un mandat de maire. C'est en quelque sorte l'épreuve
de vérité. Il va être jugé sur ses
réalisations concrètes, et le vote de ses Berruyers
est de la première importance. La liste du maire sortant
est Socialiste S.F.I.O. ; elle est opposée à deux
listes de droite emmenées par Autrand et Foucrier, alors
que le Parti Communiste présente la sienne.
L'électeur a d'ailleurs de quoi se perdre dans les appelations.
Laudier se présente comme "Républicain et
Socialiste", avec Vatan, Lamy, Rougeron et Monard ses fidèles
au conseil municipal sortant, on note la présence d'un
"petit nouveau" : Charles Cochet, alors que Jean Foucrier,
le patron de la Dépêche emmène une liste
appelée officiellement "Union des Gauches",
il y a Dumarçay, Magdalena Augustin Durand et Griffet
; c'est en fait une liste de "centre-gauche" à
tendance radicale et elle s'oppose à la liste de Jean
Autrand, dite "de Concorde Républicaine et Sociale".
Foucrier, évoquant cet adversaire, écrira qu'il
s'agit d'une liste de "l'Union des Droites". "Une
mère gorette n'y retrouverait pas ses petits", pour
reprendre une expression berrichonne. Le Parti Communiste est
emmené par Gaston Cornavin, avec Alexandre Guillot, Pierre
Hervier, Louis Buvat et Marcel Cherrier. Pour sa part, Maurice
Boin se présente en candidat isolé. Trois listes
de "gauche" et une "sociale", en fait, l'électeur
ne retiendra que le nom du premier de liste.
Au soir du 5 mai 1929, la liste Laudier
est largement en tête avec une moyenne d'environ 3500 voix
contre 2700 à celle de Jean Autrand. L'Union des Gauches
de Foucrier arrive loin derrière avec 1200 voix. Pendant
toute son activité municipale, les hommes de caractère
qui le cotoyèrent furent peu nombreux : Jongleux et Verglas
comme Secrétaires de mairie, Boin et Cochet comme conseillers
municipaux. En fait, Laudier sera un homme seul.
Au nombre des suffrages obtenus, Laudier
arrive à la 29e place sur 32, il a eut 500 voix de moins
que ses deux adjoints, sa forte personnalité ou son autoritarisme
ne plaisent pas à tous les Berruyers. Les électeurs
de Foucrier se sont portés massivement sur la liste du
maire sortant, ils ont fait la décision.
Laudier peut poursuivre son action de constructeur. Dans "Terre
de Lutte", les résultats du Parti Communiste sont
bien analysés. Le P.C. perd 50% de ses voix, et l'exclusion
du Parti de Boin, ancien Rédacteur en Chef du journal
communiste L'Emancipateur, le 3 janvier 1929, a eu une fâcheuse
influence sur les militants assez désorientés.
A l'élection du maire, Laudier obtient 30 voix,
et il y a deux bulletins blancs. Dans son discours d'installation,
Laudier revient indirectement sur son faible score personnel
:
"Je vous sais gré de cette nouvelle désignation
qui, sauf accident imprévu, me portera à quinze
années consécutives de Mairat, car à la
vindicte aveugle et implacable dont m'ont poursuivi nos adversaires
au cours de la campagne électorale, vous devez mesurer
l'étendue de vos responsabilité.... Il est vraiment
fâcheux que la passion politique puisse égarer des
citoyens jusqu'à les faire s'abaisser à l'emploi
de moyens aussi vils et aussi méprisables"
Vainqueur des Municipales, mais défait
en avril 1929 pour aller siéger au Palais du Luxembourg,
Laudier se représente aux sénatoriales normales
du 20 octobre de cette même année. Au premier tour,
ils sont 11 candidats, les plus crédibles sont Plaisant,
Mauger, Laudier, Gestat, Perraudin et Breton ; il y a trois sièges
à pourvoir. Les "Grands Electeurs" sont au nombre
de 700, et des trains spéciaux ont été mis
en place par la Compagnie d'Orléans afin de faciliter
la venue à Bourges des électeurs en provenance
de tous les villages du département du Cher.
Au premier tour, seul Plaisant est élu.
Pour le second tour, alors que beaucoup attendent l'élection
de Gestat, c'est Laudier qui l'emporte. Il a récolté
409 voix, et arrive juste derrière le sénateur
sortant Mauger. A la surprise presque générale,
le candidat Henri Laudier, encore sous l'étiquette Socialiste
S.F.I.O., se retrouve sénateur. Il reprend un mandat national.
Le mois d'octobre 1929 est à marquer
d'une pierre blanche pour Laudier. Après un siège
de sénateur, il va enfin ouvrir la Première Ecole
Nationale Professionnelle en France pour Jeunes Filles.
un projet d'aménagement, d'embellissement
et d'extension
Après la guerre de 1914, le gouvernement imposa à
toutes les communes de plus de 10 000 habitants de réaliser
un projet d'aménagement, d'embellissement et d'extension,
sans toutefois toucher aux plans relatifs à l'alignement
et au nivellement. Cette loi du 14 mars 1919 sera modifiée
le 19 juillet 1924, et Bourges commencera à l'établir
à partir de 1925.
Sur un plan général, le maire va s'adresser ainsi
à ses collègues du conseil municipal :
"Le projet devra être conçu en fonction
de l'importance de la population et de sa répartition,
telles qu'on peut les escompter avec plus de probabilité,
grâce à l'observation de l'évolution déjà
accomplie, à l'analyse de la situation actuelle et des
données qu'on peut avoir sur les facteurs de l'extension
future".
Il s'agit donc d'un véritable Plan Directeur, pour reprendre
un vocabulaire actuel, et la ville de Bourges, pendant un demi-siècle
utilisera ce document mis au point par l'administration Laudier.
Ce dernier ajoutera lors de la séance de présentation
:
" Le projet a encore et surtout
pour but d'éviter pour l'avenir des tâtonnements,
des modifications ne tenant pas compte des besoins du lendemain,
des initiatives qui, sous la pression de l'opinion du moment,
seraient de nature à compromettre la vitalité de
la cité, qui, d'ailleurs, a déjà trop souffert
de l'exécution incomplète de projets seulement
ébauchés et réduits à néant
par de nouveaux administrateurs".
Une vision d'un grand modernisme.
Certains, aujourd'hui font remarquer à titre d'exemple
que l'opération immobilière Avaricum qui sera réalisée
dans les années 1950 était dans les projets de
Laudier, tout comme l'idée de l'aménagement du
Parc Saint-Paul.
L'étude et la confection du projet
seront confiées à Monsieur Payrer-Dortail, pour
un prix de 43 350 francs. Le premier reproche des membres des
commissions qui auront à l'examiner portera sur l'ampleur
du projet. Le développement de la ville est vu dans le
futur, d'une manière globale et très ambitieuse,
ce qui est assez rare en Berry. Laudier souligne que l'on a toujours
"vu trop petit", et cette fois, il regrette qu'il lui
soit reproché de "voir trop grand".
La lecture du règlement est assez administrative ; on
trouve un programme en deux points :
La règlementation générale d'aménagement
Les prévisions d'alimentation en eau potable et d'assainissement.
Sont traitées les zones d'habitations collectives "limitées
à l'agglomération ancienne, au voisinage de la
Gare et aux terrains en bordure des artères principales
de circulation. Cette zone est définie par une teinte
rouge au plan d'aménagement du 5 000e (pièce n°
2)", puis des renseignements plus techniques suivent, comme
la hauteur des constructions, les voies privées, les saillies.
Les zones résidentielles font l'objet des articles 18
à 25, ils concernent les clauses d'alignement des propriétés
bâties, la surface de la construction par rapport à
la surface du terrain, ainsi que les notions de propreté
et "d'aspect agréable" des bâtisses. Il
est inscrit que "les panneaux-réclames sont prohibés.
Ne sont autorisées que les enseignes signalant les commerces
exercés dans l'immeuble".
Sur le plan industriel, "sont interdites
la création ou l'extension de tous les établissements
dangereux, insalubres ou incommodes, classés en 1re et
2e catégories". Des zones pour l'industrie sont définies,
comme le territoire entre le canal et la route de Marmagne, à
l'ouest du Chemin de fer Economique ; ou celle comprise entre
le canal et "la route de Figeac au Sud des usines de Mazières".
Elles sont en teinte violette sur le plan d'aménagement.
Dans l'article 28, les notions de protection contre les fumées,
les mauvaises odeurs, ou les poussières sont évoquées,
et l'emploi d'appareils est recommandé.
Dans le titre III, le plan décrit les servitudes hygiéniques,
archéologiques et scientifiques de la ville de Bourges
:
"L'aspect extérieur des bâtiments devra être
conçu dans son style, sa forme, ses matériaux et
sa couleur, de façon à ne pas rompre l'harmonie
des perspectives urbaines".
Parmi les divers aspects liés au développement
de Bourges, il faut souligner le "dégagement de la
Cathédrale", une idée qui remontait tout de
même à 1852 ..... Au fil des lignes, on voit,
par exemple, la suppression du passage à niveau de Saint
Privé ; il faudra attendre un demi-siècle pour
que cela se réalise, devant le septicisme de plusieurs
élus, Laudier répliquera : "....Dans vingt
ans, ou davantage, peu importe, cette suppression ne deviendra-t-elle
pas inéluctable ?"
Les problèmes de l'eau potable,
puis des eaux pluviales et usées sont pris en considération
dans les titres IV et V comprenant la seconde partie de ce document
important.
Le projet d'aménagement sera finalement accepté
par un décret du Président de la République
signé à Rambouillet le 6 septembre 1932 : Bourges
entrait dans l'ère moderne.
LAUDIER A NOUVEAU MAIRE DE BOURGES EN
1935
C'est au mois de mai 1935 que vont se dérouler
les élections municipales. Alors que les Berruyers s'intéressent
à l'équipe qui va à nouveau gérer
leur ville, une information dramatique arrive dans les rédactions
des journaux locaux. Un terrible accident vient de se produire
dans le polygone d'artillerie. Malgré les précautions
prises, un obus de 320, au lieu-dit "le point 700",
a explosé à 14 H 30. Il y a quatre morts. Les circonstances
de l'accident sont encore mystérieuses ; il apparaît
que des ouvriers travaillaient à la réfection d'un
obus de 320, et ils se disposaient à le sortir de l'abri
souterrain leur servant d'atelier quand une formidable explosion
retentit. Quand les collègues de travail accoururent sur
les lieux, le spectacle était désolant : les restes
déchiquetés des quatre victimes gisaient sur le
sol, "Ici un membre, là une partie du tronc, plus
loin une tête mutilée.... " tel fut le compte
rendu macabre de La Dépêche du Berry.
Le général Maurin, Ministre de la Guerre ordonna
une enquête, mais cet accident démontrait une fois
encore que la pyrotechnie dans un Etablissement Militaire peut
tuer à tout moment.
Malgré le fait que Laudier ne soit
plus socialiste, qu'il ait en face de lui ses anciens amis de
la S.F.I.O., il arrive en tête au premier tour, le 5 mai
1935. Il devance la droite de 1500 voix, les socialistes de 1600
et les communistes de 2000 voix.
Au second tour, le scénario est le même qu'en 1925
et 1929 : la liste Laudier est élue en entier sauf un
siège qui va au socialiste Cochet, lequel deviendra
"l'ennemi intime" de Laudier jusqu'à la guerre
de 39/40. Les passes d'armes entre Laudier et Cochet au conseil
municipal feront la joie des gazettes. Les résultats pour
la première fois à Bourges sont connus par "une
émission diffusée par haut-parleur" en direct
de La Dépêche du Berry", rue des Arènes,
à partir de 20 heures ; l'installation étant faite
par la maison Billaudeau.
Laudier a donc parfaitement en main
les destinées de la ville de Bourges, son parcours politique,
pour le moins sinueux, ne joue pas sur les électeurs qui
reconnaissent la valeur de l'administrateur.
LE PERSONNAGE LAUDIER
C'est au travers du précieux témoignage
de M. Robert Verglas que se dessine le personnage complexe d'Henri
Laudier.
Robert Verglas entrera dans l'administration municipale en 1937
et prendra ensuite la succession d'Edmond Jongleux au poste important
de Secrétaire Général de la mairie de Bourges.
Robert Verglas était avocat de formation, il rejoindra
Bourges et avouera 50 ans plus tard :
"Henri Laudier était un homme et un administrateur
exceptionnel. Il était de ceux qui vous font mieux sentir
la mesure de vos propres moyens. C'était un homme fort,
un caractère. Et cela lui valait une violence de langage
qu'on lui a reproché, mais qui n'était que l'expression
d'une nature courageuse à l'extrème et de convictions
fortement enracinées et qu'il savait défendre avec
une énergie peu commune. Travailleur acharné, il
était très attentif au travail des autres, mais
autant il savait apprécier avec joie un travail bien fait,
autant il était dur aux insuffisances et aux fautes et
son personnel savait bien qu'il avait horreur de toute prétention,
affection, ou "matuvuisme".
"Je garde avec quelque émotion, ajoutera Robert
Verglas, le souvenir d'un de mes tout premiers contacts avec
lui. Je m'étais rendu compte très vite que mes
connaissances théoriques en droit administratif et constitutionnel
ne me permettraient pas d'acquérir une connaissance précise
et assez rapide des structures, des fonctions et de la gestion
municipale. Je lui exposais mon problème, avec mon aveu
d'ignorance et je lui fis part de mon souhait d'apprendre ce
qui me manquait par un séjour dans tous les services de
l'administration. Cette déclaration de modestie fut prise
au sérieux et me parut lui plaire. Il me dit y avoir été
sensible et ajouta : elle augure bien de votre souci des responsabilités
qui vous attendent et du caractère qu'il vous faudra pour
y faire face. Alors, allez-y ! ".
Laudier voulait avoir des cadres supérieurs de haute qualité,
de bons techniciens, pas des "politiques". Chacun devait
être à sa place d'une manière incontestable.
Ses Chefs de Service étaient de grands Ingénieurs
ou de grands architectes, on peut citer les noms de Pinon, de
Margueritat, de Mgr Foucher mis à la tête des Musées
de Bourges.
Henri Laudier connaissait parfaitement
tous ses dossiers, c'était pour lui la première
des tâches. Il disait : "Il faut connaître tous
les dossiers qui passent, être capable de répondre
à toute intervention qui pourrait être faite."Laudier
allait sur les chantiers, il avait une voiture municipale car
il marchait assez mal. Il discutait avec les entrepreneurs, "ça
bardait sur les chantiers " se souvient M. Verglas.
Il y avait deux hommes en Laudier, l'homme privé, qui
aimait rire avec ses copains, on sentait un grand humaniste.
"C'était un brave type, un homme chic, il aimait
se réunir avec ses amis, par exemple au Grand Café".
Par contre, l'homme public était différent, il
y avait toujours une sorte de dureté dans le visage, une
grande fermeté. Il était aussi très sensible
aux désaveux ; c'était un grand sensible, et cette
fermeté sur son visage devait lui rappeler qu'il ne fallait
pas se laisser aller aux sentiments. Il savait élever
la voix, c'était un tribun. Bien que libre-penseur, Laudier
avait des relations très correctes avec l'Archevêque.
Pourtant la presse locale ne le ménageait
pas. Il recevait des coups aussi bien de la gauche communiste
que de la droite. Ainsi, le "Républicain du Cher"
écrivait le 6 juillet 1934 :
"Tout le monde sait que M. Laudier a des habitudes. Elles
lui viennent de son passé, de sa formation et de son caractère.
A la tête de son conseil municipal, il a toujours fait
ce qu'il a voulu, et il le fait encore. Si on lui oppose une
toute petite représentation, il se fâche tout rouge.
Il n'aime pas les collaborateurs qui résistent et qui
pourraient l'éclairer utilement. Il préfère
ceux qui ont les tendances de domesticité..."
Sans la personnalité de son épouse
Marceline, Laudier aurait sans doute été ministre.
Mais Marceline était une femme explosive, elle avait une
forte personnalité. C'était, nous rappelle un témoin
de cette époque, "une sacrée bonne femme,
elle avait sa réputation, elle avait du nez, un pif extraordinaire
pour déceler le tocard. Ses yeux, c'étaient comme
des mitraillettes. Jeune, elle devait être une très
belle femme. Elle ne craignait pas le scandale, et Laudier est
beaucoup moins sorti après son mariage.... "
Les sénatoriales de 1938
C'est dans une ambiances d'avant-guerre
que vont se dérouler les élections sénatoriales,
le 23 octobre 1938. Les problèmes internationaux, avec
les démocraties de l'Europe Centrale face aux nazis prennent
le pas sur ceux du Berry.
Dès le 3 août Marcel Plaisant faisait un discours
devant ses amis radicaux dans lequel il leur disait :
"Ce sont des veillées de guerre que nous avons passées
le 21 mai, à propos des élections en Tchékoslovaquie.
A qui devons-nous le salut : à l'action conjuguée
de la France et de la Grande Bretagne, à la fermeté
de notre langagedevant l'impudence du dictateur. Mais la menace
demeure".
Laudier est en effet en difficulté,
le journal "La Semaine Berrichonne" écrit de
lui le 8 octobre : "qu'il est devenu la bête noire
des communistes et des socialistes, qui ne lui pardonnent pas
d'avoir compris que leur politique conduisait la France à
la ruine". Et le journaliste ajoute que "Laudier a
pour lui d'avoir réalisé à Bourges, une
oeuvre dont chacun reconnaît l'importance".
Le Maire de Bourges se bat et se défend, il écrit
à ses électeurs "que depuis 45 ans, je suis
sur le brèche, je suis resté toute ma vie un Républicain
et un Socialiste", sa permanence est alors située
au 45 rue Moyenne, dans l'ancien Hôtel Brisson, et le téléphone
a le numéro 832.
Les élections se passent un dimanche, avec les "Grands
Electeurs", et il y a ballotage au premier tour. On attend
l'élection de Plaisant, mais la lutte semble rude entre
Laudier, Breton, Mauger et Gestat, ce dernier est le Président
du Conseil Général.
Au soir de ce 23 octobre 1938, Plaisant obtient 398 voix, il
est élu, Laudier a 359 voix et Breton, l'outsider est
le troisième élu avec 352. Gestat est battu, il
n'a eu que 324 suffrages qui se sont portés sur son nom.
Ainsi, Laudier, contesté reste
Sénateur, il poursuit son
oeuvre alors qu'il est de plus en plus souffrant, il se déplace
assez lentement, mais il garde le punch de ses 20 ans, mais pas
pour les mêmes idées. Il poursuit son oeuvre municipale
de constructeur.
à suivre
- Le parc des
sports
- la salle
des fêtes
- l'Hôtel
Dieu
OCTOBRE 1943 : LA
MORT DE LAUDIER
Depuis deux ans, le maire de Bourges, en
place depuis 1919, était alité. Il dirigeait toujours
la municipalité n'ayant rien perdu de ses facultés
intellectuelles et même de sa pugnacité. Il avait
lutté contre les Allemands, avec l'ensemble des armes
administratives qu'il possédait. Mais le combat était
inégal. Comme de nombreux "néo-socialistes"
de l'entre-deux-guerres, il avait opté pour le Maréchal
Pétain dès 1940. Il pensait que le vieil homme
était le seul susceptible de permettre à la France
de survivre dans ces moments difficiles.
C'était un homme d'ordre et de dossier et, certains aspects
de la politique de Vichy sur la rigueur, sur une bonne administration,
devait sans aucun doute lui plaire. Cette attitude lui sera beaucoup
reprochée. Il ne semble pas qu'il ait le moins du monde
réagit contre les lois de Vichy sur le statut des Juifs,
et sur les excès de la politique de Pétain et Laval.
De même, à aucun moment n'apparaît la moindre
compréhension pour les opposants, qu'ils soient gaullistes
ou communistes.
Laudier meurt le 10 octobre 1943, une foule énorme suit
ses obsèques.
Bourges reste avec son conseil municipal,
sans maire, et c'est Georges Lamy, premier adjoint qui prend
en main les destinées de la ville, sans avoir le titre
de maire.
Une des premières tâche du
conseil municipal fut alors de faire édifier un mausolée
pour la dépouille de leur ancien maire. Ce mausolée,
conçu par l'architecte Pinon, est actuellement au cimetière
Saint-Lazarre de Bourges, et il comprend un certain nombre d'inscriptions.
Il est rappelé en quelques lignes la carrière politique
de Laudier :
- Conseiller Général
de La Guerche 1910
Maire de Bourges 1919
Député du Cher 1919
- Sénateur du Cher 1929
Conseiller Général de Bourges 1934
Rapporteur au Sénat du Budget de l'Algérie 1935
Rapporteur Général du budget de la guerre 1937
Conseiller Départemental 1941
Suit alors une longue inscription avec
l'ensemble des actions du maire :
Il fonda la foire exposition et celle
des vins et des fruits. Il conçut le plan d'extension,
remit en état les rives et les places. Replanta les jardins,
créa les Prés-Fichaux, rénova l'éclairage
public et le réseau des eaux, agrandit les écoles
de Pignoux et de Beaumont, il fonda l'Aéroport, fit construire
la salle des fêtes, l'usine d'incinération, les
ateliers des services techniques, l'usine des eaux, le Nouvel
Hôtel-Dieu, les cités HBM, les serres municipales,
il fit dresser les projets du parc des Sports, de la gare, des
écoles du Bordiot et de l'Aéroport ainsi que de
nombreux travaux qui promettent à Bourges un avenir digne
de son passé.
Marceline Laudier :
Elle était l'épouse du maire
Henri Laudier, et lui survivra après sa mort en 1943,
c'est elle qui se battra pour donner le nom de son mari à
une rue de Bourges, ce qui ne fut pas simple, dans le contexte
politique de l'après guerre.
On ne sait pas grand chose d'elle, les
témoignages ne sont pas toujours fiables.
Il ressort qu'il s'agissait d'une "forte
femme", qui avait beaucoup d'influence sur son mari Henri.
les "mauvaises langues" affirment
que M. Laudier a rencontré son épouse dans une
maison de tolérance, ce qui est plausible, mais nous n'en
possédons aucune preuve, sinon la rumeur publique.
Par contre, on l'appelait "la reine
du tramway", car elle habitait rue de la gare, actuelle
rue Henri Laudier, et elle prenait très souvent ce moyen
de transport. Et elle parlait beaucoup dans le tram, à
tout le monde.
Elle parlait d'ailleurs avec beaucoup de
monde dans la rue où ailleurs.
Enfin, on dit qu'elle eut beaucoup d'influence
dans la réalisation des Prés Fichaux.
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