Henri Laudier maire de Bourges - Roland Narboux - Bourges Encyclopedie

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HENRI LAUDIER, MAIRE de BOURGES de 1919 à 1943
Par Roland NARBOUX

Sans aucun doute l'un des 2 ou 3 maires de Bourges qui ont "faits" la Ville d'aujourd'hui. Il a occupé cette fonction pendant 23 ans.

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Version 2015

 

Henri Laudier est le maire mythique de Bourges pour la première moitié du XX e siècle. Il restera maire de la ville de 1919 à 1943, c'est à dire pendant 23 ans. De quoi imprimer sa vue de Bourges pour des décennies.

 

LAUDIER LE VIERZONNAIS

Henri Laudier est né à Vierzon le 20 février 1878. Son père, Valéry, était journalier porcelainier, comme il en existait beaucoup dans la région de Mehun et de Vierzon. Sa mère, née Perpétue Dupont était de vieille souche berrichonne. Les Laudier avaient 7 enfants, et Henri avait deux frères aînés, Ernest et Eugène, lesquels auront une grande influence sur le petit Henri. En fait, sur l'Etat Civil, le prénom qui figurait était Hippolyte et non pas Henri, mais à cette époque, changer de prénom était une chose courante.


Henri apprend à lire et à écrire dans une école libre, dirigée par des religieuses, avant d'entrer, en 1886 - il a alors 8 ans - à l'école publique annexe de Vierzon, d'où il sort avec un C.E.P., Certificat d'Etudes Primaires. Après avoir fréquenté l'E.N.P., Ecole Nationale Professionnelle de Vierzon pendant deux ans, il entre dans la vie active. A 15 ans, Laudier devient un des employés de la Société Française de Construction de Matériel Agricole. Il reste peu de temps dans cette entreprise ; il la quitte et devient ouvrier mouleur-porcelainier dans un Etablissement local, aux Verreries Thouvenin et Sauvaget. Il évolue dans la profession de son père, et pour quelques temps, travaille dans le domaine des tailleurs de verre.

 

Mais la vie professionnelle de Laudier, dans une ville comme Vierzon, qui a vu naître Edouard Vaillant ou Félix Pyat, se double d'une vie syndicale et politique. Avec ses frères, il fréquente très tôt les milieux syndicalistes et socialistes. On dit même que Laudier prend la parole dans un meeting pour la première fois, alors qu'il n'a que 15 ans..... il promet, le gamin ! L'année d'après, il est nommé secrétaire des Jeunesses Socialistes locales.

C'est alors que sa vie va basculer, Laudier est recruté par Emile Bodin, le Maire socialiste de Vierzon-Village, pour être secrétaire à la Mairie. Par la suite et jusqu'en octobre 1901, Henri Laudier travaille à Vierzon, cette fois pour Emile Perraudin, le maire socialiste de Vierzon-Ville. En parallèle, en 1895, il assure une collaboration effective au journal du parti "le Tocsin Populaire", il en devient le secrétaire de rédaction en 1901. Excellent parleur et débatteur, c'est un des délégués du Cher au Congrès Socialiste de Paris salle Japy en 1899.

LE JEUNE LAUDIER A DU CARACTERE

A cette époque, Laudier est donc socialiste, et avant 1914, cela signifiait être à l'extrême gauche. Avec les anarchistes, les socialistes étaient considérés comme des gens peu fréquentables, ils étaient véritablement haïs par une grande partie de la population. Les coups pleuvaient de partout, ainsi, cette anecdote retrouvée dans un journal local du 15 septembre 1901 :
" Le citoyen Laudier a une singulière façon de traiter les ouvriers et militants socialistes lorsqu'ils se permettent de résister à sa volonté". Et le journaliste de poursuivre avec son histoire. C'était à propos de la présence d'Edouard Vaillant à Vierzon. Comme il fallait un Président de séance pour la conférence, Laudier voulait que ce fut le citoyen Bodin, alors que les socialistes locaux votaient pour que Breton soit désigné. Finalement, Laudier s'écria:
" Avez-vous bientôt fini de hurler comme des bêtes sauvages ?"
Et le journaliste de conclure:
" Travailleurs, Laudier est un dompteur qui compte bien vous mater.... ".

Henri Laudier est donc entièrement plongé dans le socialisme de cette période, il avait pourtant tâté de la plume quelques années auparavant. En 1897, il avait publié une brochure de 48 pages, imprimée à Vierzon, dans "L'imprimerie Commerciale" de Jean Foucrier.
Cette oeuvre est "un péché de jeunesse" d'Henri Laudier, il n'avait alors que 19 ans. Elle comprend un drame social en 3 actes intitulé "Soif d'Or" avec huit personnages, et fort bien composée. Cette pièce de théâtre est l'histoire d'un aristocrate dépravé, le comte de Riconardo, qui se dégrade dans toutes sortes de turpitudes, allant jusqu'au crime... Mais la pièce se termine en beauté puisque le comte sera condamné à la mendicité pour subvenir à son existence :
" Va mendier, Comte, va mendier, c'est ton châtiment" lui dira le bras vengeur représentant l'Humanité.
Roger Richer, qui a retrouvé en 1970 cette oeuvre de Laudier ajoutera de manière gentiment perfide : "on retrouve un personnage dans ce drame, c'est la comtesse Marceline de Riconardo, un personnage dont la mémoire flotte sur près de trois quarts de siècle de notre histoire berruyère... ".
La brochure de Laudier contenait, avec "Soif d'Or", trois poèmes sociaux, aux titres évocateurs, "Demain", puis "Noël" et enfin, "Souvenirs de misères".
Laudier dramaturge, ce ne sera pas son domaine de prédilection; par contre il se retrouvera assez vite dans le journalisme, ce sera son second métier.

LES POLEMIQUES DE L'EPOQUE

Poète, Laudier ne le fut donc pas très longtemps, et c'est heureux pour le Berry. A cette période, on retiendra surtout en lui le polémiste. Dans le journal du Parti Socialiste intitulé Le Tocsin, il écrira le 20 janvier 1901:
"La Dépêche du Berry s'est classée depuis longtemps dans la presse nationaliste.... à l'instar de la presse nationaliste, réactionnaire et cléricale, car elle critique le citoyen Breton". Laudier, visiblement a un contentieux avec Foucrier, le patron du journal local. Mais ce dernier ne s'en laisse pas compter, et il répond le 3 février 1901 dans son propre journal avec un titre en caractères gras : "Procédés Crapuleux". Dans l'article, il s'en prend violemment à Laudier, lequel, employé à la mairie de Vierzon semble avoir supprimé de la liste des fournisseurs d'affiches et autres imprimés pour la municipalité, l'imprimerie de M. Foucrier. Ce dernier réagit ainsi :

" A la Dépêche, Monsieur Laudier, on ne poignarde pas dans le dos... Si j'étais un fainéant comme vous, si je puisais à pleines mains dans la poche des contribuables, il est probable que je ferais fi du travail, mais je suis un honnête homme".

Et Foucrier terminera son éditorial par ces mots :
" Avez-vous compris, Monsieur Laudier, c'est vous dire que je ne tolérerais aucune atteinte à mon commerce de la part d'une fripouille et d'un lâche."

Il y a des mots qui vont tout de même un peu loin en ce début de siècle dans notre calme Berry !
Le lendemain, les deux hommes se retrouvent à 9 heures du matin avec pour chacun, deux témoins : c'est pour un duel. En fait, il semble que des palabres aient duré quelque temps afin de déterminer qui était l'offensé. Il fut établi que c'était Foucrier. Mais Jules Turquet va intervenir, et chacun des deux protagonistes va écrire une très courte lettre sur l'honorabilité de l'autre, c'en était fini, l'incident était clos.

Une seconde fois, Laudier va se retrouver sur le pré, les armes à la main. L'histoire m'a été racontée par Robert Verglas, qui fut secrétaire de mairie à Bourges entre 1937 et 1976. Il fut le témoin de 40 années de vie municipale. Ses souvenirs sont incomparables. Robert Verglas parle de cette période d'avant 1914 en ces termes :
" A Bourges, à cette époque, un des établissements les plus fréquentés était le Grand Café, rue Moyenne (où se trouve actuellement la Banque Populaire). Un jour, Laudier et ses jeunes amis y prenaient l'apéritif, lorsqu'un Capitaine de la Garnison, très importante alors, entra dans la salle. Une réflexion fusa de la table occupée par Laudier, qui en était l'auteur. L'officier vînt exiger des excuses qui furent refusées bruyamment, puis il déposa sa carte en déclarant : nous nous battrons demain, et il rejoignit sa table d'où son parlementaire vint trouver Laudier pour régler la rencontre. Malgré la pression de ses amis qui appréhendaient à juste titre cette dernière si inégale, Laudier refusa énergiquement tout compromis et lui, qui n'avait jamais tenu une épée, fut le lendemain matin, avec ses témoins, sur le terrain où, après quelques minutes, il reçut un coup d'épée dans le bras, ce qui arrêta le combat".

Laudier qui était à cette époque un homme classé très à gauche, "trés rouge", était allé jusqu'au bout de ce qu'il pensait être son devoir et son honneur.

Ces épisodes montrent le caractère entier de Laudier, sa détermination et son sens du combat politique sans limite.


Laudier, dépûté, maire, sénateur : le rénovateur de Bourges.

Le Congrès de Tours de 1920 :

Au nom des socialistes du Cher, Lerat va "souligner l'aspiration croissante à un parti révolutionnaire au service des travailleurs et non à celui d'ambitions électorales". Sur les 31 mandats de la Fédération du Cher, il y en aura 24 pour la liste des révolutionnaires. Les minoritaires comme Laudier à Bourges ou Bodin à Vierzon, refuseront l'adhésion ; ce sont déjà des notables élus et respectés. Lerat dans l'Emancipateur, l'ancien journal de Laudier écrira :

" La propagande communiste doit être notre oeuvre et la Révolution socialiste notre but. Vive l'Internationale communiste, Vive le Berry révolutionnaire".

Laudier se met au travail à partir de 1919 :

Les délibérations du conseil municipal sont publiques et un compte rendu de ce qui s'est dit est consigné par un Secrétaire de mairie. Il ne semble pas qu'avant Laudier, sauf dans l'année 1904, ce document important ait été publié. C'est une des premières actions du nouveau maire, en 1920 : il fait figurer au budget primitif de 1921, les crédits nécessaires à la rédaction et à l'impression du Bulletin Municipal.
Le premier Bulletin Municipal de Bourges, vendu au numéro et par abonnement annuel, est consacré à la séance du conseil municipal réunie le 13 décembre 1920 ; c'est la Maison Auxenfants qui est chargée de la publication. Depuis cette date, toutes les délibérations des conseils municipaux sont publiées. Il y avait une volonté d'expliquer et de "jouer la transparence" pour reprendre des termes actuels.

Parmi les premiers dossiers traités par Laudier figure le Statut du personnel communal, par application de la loi du 23 octobre 1919. Désormais l'effectif de la commune de Bourges est divisé en titulaires, stagiaires et auxiliaires, ils sont placés sous la surveillance du Secrétaire Général chargé de centraliser toutes les affaires et de transmettre aux chefs de service pour exécution, les décisions de la municipalité. En outre, ce statut classe le personnel en 6 catégories, de l'architecte au garde champêtre, en passant par le brigadier d'octroi, la sténo-dactylographe ou le chef paveur.
Sont prévus des articles sur l'avancement, la discipline, les congés. Sur ce dernier sujet, l'article 29 stipule :
"Il est accordé chaque année au personnel titulaire un congé de repos payé de 15 jours ouvrables. Les stagiaires et auxiliaires auront droit à un jour de congé par mois de présence".

L'échelle des traitements et les accidents de travail font aussi l'objet d'une longue explication. L'ensemble du statut est signé Henri Laudier, Député-Maire de Bourges, la date annexée est le 19 juin 1920.

Un second dossier se présente dès le 23 octobre 1920, c'est déjà "l'affaire des Prés-Fichaux". Le principe de la création d'un jardin public limité par le boulevard de la République, l'allée des Soupirs et le cours Beauvoir est adopté, reste à acquérir les terrains. Le 7 janvier 1921, une lettre est adressée à Mme de Bourbon, laquelle possède plusieurs parcelles de ce terrain. Cette dame n'ayant pas répondu elle-même à ce maire socialiste, c'est son notaire qui réclame un prix conforme à celui d'un terrain à bâtir ! Laudier n'est pas très content, il dira :
"Ces prétentions sont inacceptables, étant donné que les terrains sis au lieu dit Les Marais des Prés-Fichaux ne sont pas des terrains à bâtir, en raison de la nature du sous-sol; d'ailleurs il y a lieu tant au point de vue hygiène qu'au point de vue esthétique, de faire disparaître cet îlot insalubre et de le transformer en embellissant et assainissant à la fois, cette partie de la ville".

Laudier écrit à nouveau le 10 février à Mme de Bourbon pour trouver une solution à l'amiable. Quant aux parcelles appartenant aux hospices, il y en avait quelques unes, sur le terrain du futur jardin. Après discussion, l'acquisition est votée pour un prix de 125 000 francs. Ainsi commence cette aventure des Prés-Fichaux, elle va diviser les Berruyers pendant une décennie.

La vie communale à Bourges se poursuit avec des sujets d'importance fort différente. C'est la querelle de la dénomination des rues de la cité, ainsi, une proposition est faite pour donner le nom de "place du 11 novembre" à la place Cujas, le nom de "Cujas" étant donné lui, à une autre place actuellement appelée Mirpied. On s'étripa de belle manière, la politique s'en mêla avec le citoyen Guillot qui affirma :
" Le gouvernement bourgeois continue sa politique impérialiste. La guerre continue depuis deux ans en Russie, en Syrie, en Cilicie..etc "
Et ce fut le statu quo, le citoyen Cambon résumant la situation :
" Je suis opposé moi aussi à tous les changements de noms de rues, de places.... La question pourrait être je crois renvoyée en commission".
Ce qui fut fait!

Les sujets qui intéressent les Berruyers sont divers, ainsi, en mars 1921, une pétition est signée d'un certain nombre d'habitants de Lazenay demandant le vote d'une subvention pour l'installation de la lumière électrique. Et déjà en 1921, les problèmes de stationnement sont dans le collimateur des Berruyers. Le commissaire de police signale que le stationnement des camions automobiles près de l'école de Pignoux est un danger. Après accord avec l'autorité militaire, ils stationneront désormais chaussée de la Chappe.

Laudier perd son siège de député aux élections législatives du 11 mai 1924

Laudier sortira très dépité de ces élections. Il va dès lors se consacrer à sa ville. Il poursuit son action sur le plan politique et social, et il propose, au nom de la Commission des Finances de la Municipalité de voter une somme de 1000 francs pour une participation "à l'oeuvre humanitaire de secours aux populations affamées de Russie". Les informations sur la situation économique de ce premier pays dirigé par des communistes sont donc, dès le début des années 1920, largement connues en Berry. Laudier le socialiste n'oublie pas le chômage en France. Il fait aussi voter la même somme "en faveur des grévistes du Nord qui sont en lutte pour empêcher la réduction de leurs salaires.."

La municipalité Laudier va se lancer, en plus des Prés-Fichaux, dans d'autres travaux ; ce sera le cas pour l'Hôtel des Postes. Ce bâtiment administratif avait été commencé quelques mois avant la guerre, mais le chantier fut abandonné à la mi-1914, il y avait d'autres priorités. Laudier et son architecte Tarlier vont se battre contre le Ministère afin de faire réviser le marché : les conditions financières d'avant 14 n'étaient plus les mêmes dans les années 1920.

L'inauguration de l'Hôtel des Postes se déroulera le 30 juin 1926, pour la clôture de la VIIe Foire Exposition. Le cortège qui avait procédé à la visite de la Foire, avec la présence de M. Drouets, Directeur de la Propriété Industrielle se retrouva Salle du Duc Jean pour un banquet dans le plus pur style de la 3e République.

Dans le programme électoral de Laudier, il y avait la recherche d'un Parc des Sports pour développer l'éducation physique, "il est nécessaire de posséder des muscles vigoureux, d'avoir une santé florissante, d'habituer l'organisme à résister aux intempéries..." Et la municipalité recherche un terrain.
Mais il n'y a pas que le sport dans les objectifs de Laudier et de ses amis. Ainsi, on peut suivre sur le plan culturel, un long plaidoyer de M. Boyron, un des conseillers municipaux de 1924, il dit :
" Il est indispensable de réveiller aussi le sentiment du Beau, d'apprendre à connaître et apprécier les oeuvres d'art, qu'elles soient du domaine littéraire, artistique ou musical".
Et Laudier de faire le point des salles disponibles. Hormis le Théâtre jugé trop étroit, il n'y a rien, que ce soit pour des raisons de grandeur ou d'acoustique. Il faut donc une salle des fêtes, vaste et bien agencée, d'autant plus que la création d'une Ecole de Musique permettra d'organiser des concerts.
L'établissement connu sous le nom de "Palmarium" a été mis en vente le 25 mai 1921 par l'étude de Maître Paillart, et il n'y a pas d'acquéreur ; le prix demandé est de 100 000 francs. Et après de solides et savants calculs, l'architecte de la ville a donné son avis. Il est possible d'acquérir le "Palmarium" pour une somme de 105 000 francs, "c'est une occasion unique de doter la ville d'un immeuble parfaitement situé nous permettant, dans un avenir proche, de réaliser une Salle des Fêtes digne de notre ville. Nous ne pouvons pas hésiter". telles sont les paroles du Maire.

Après une enquête ouverte sur l'acquisition par la ville de cet immeuble "Palmarium", et n'ayant donné lieu à aucune observation, le "Commissaire enquêteur" est favorable à cet achat qui est donc entériné le 24 septembre 1921.

Une des oeuvres essentielles de la municipalité Laudier se concrétisera dans le domaine du logement. La crise du logement à Bourges depuis la fin de la guerre est des plus aiguë. Les causes sont diverses. C'est d'abord le fait que depuis une dizaine d'années, pas ou peu de logements ont été construits ; ensuite, de nombreuses personnes ayant quitté Bourges pour retourner dans leur ville d'origine - situées dans le Nord ou l'Est - conservent à Bourges le logement qu'elles ont occupé pendant le conflit. Enfin, comme le rappelle Laudier le 23 octobre 1920, " beaucoup de nos concitoyens qui s'étaient gênés au possible pendant la guerre, pour faire place aux passagers, ont tenu à reprendre leurs aises dès la guerre terminée".

Un des grands mérites de Laudier, ce fut d'être concret. Il va appliquer scrupuleusement un plan d'ensemble qu'il avait en permanence à l'esprit. Mais il voit plus loin ; en juillet 1923, il décide de faire étudier par ses chefs de services, des enquêtes sur plusieurs villes du pays ; c'est ainsi que sur la voirie, il reçoit un rapport sur la ville de Roanne, "cette ville d'une population équivalente à celle de Bourges est une cité industrielle". Les rapports se succèdent avec Lyon , Saint Etienne et quelques autres cités.
Son objectif est de permettre à Bourges de devenir une grande cité. Robert Verglas rapporte qu'en 1919, la ville, après la poussée démographique énorme due à la guerre, riquait de connaître un tassement grave de son activité générale et de retrouver peut-être l'atomie du passé et le spectacle qui avait désolé Jules Sandeau de "ces rues désertes où l'herbe croît entre les pavés". Laudier voulait moderniser et toiletter Bourges, en 1927, dans un long rapport lu au conseil municipal, on trouve ces lignes :
"L'entretien des voies pavées et macadamisées par des procédés modernes fut étudié et réalisé peu à peu ; par l'arrosage et le goudronnage, on entamait la lutte contre la poussière, la mise en oeuvre d'une balayeuse-arroseuse et d'un matériel de goudronnage permettait de répondre à cette partie du programme.... Bientôt, la ville sur un certain nombre de voies allait se voir réaliser "la toilette de nuit" en échange du paiement par les riverains d'une taxe de balayage."

Laudier avait aussi une vision assez originale pour l'époque des espaces verts. Il voulait créer des jardins partout où cela était possible. Il fait faire le jardin de la rue de Dun en 1922 et dès l'année suivante, c'est l'ouverture au public du jardin du Palais de Justice. L'inauguration se déroula le 25 juin 1923, en présence de Monsieur Marcel Aubert conservateur du Musée du Louvre, qui était un très grand archéologue et nous rapporte Philippe Goldman le meilleur spécialiste de l'art cistercien. M. Aubert remplaçait Paul Léon, le Directeur des Beaux Arts au plan National, ce dernier s'étant décommandé... ce sera une habitude chez ce distingué personnage.
Sur l'emplacement de l'ancien Grand Séminaire de Bourges, "ce jardin est ouvert au public ; quand les tilleuls auront retrouvé leurs rameaux, ils donneront une certaine fraîcheur à ce parc, joliment exposé en ce moment aux ardeurs du soleil... pour le moment l'ombre fait défaut et les plates-bandes commencent seulement à verdir. Un petit bassin orne le milieu du jardin " telle est la description du Journal du Cher au lendemain de l'évènement.
Après ce jardin du Palais de Justice, en 1924 sera ouvert celui de l'abside de la Cathédrale puis, la même année, le jardin du Palais Jacques Coeur et le square de l'avenue de la Préfecture.
Mais Laudier ne se contentera pas d'inaugurer des jardins, et après celui "de la Poste", en 1925, il s'occupera du bâtiment lui-même, l'Hôtel des Postes, dont il faut reparler, l'histoire de cet édifice va durer de 1910 à 1930. Pendant une vingtaine d'années, chacun à Bourges s'interrogera sur le sérieux de cette opération.

Laudier avait aussi compris qu'une ville ne peut pas se développer sans un secteur industriel très fort. Aussi, il sera à l'affût de chaque possibilité de pouvoir créer une fabrique ou une usine. C'est ainsi que Bourges va se doter d'une industrie aéronautique de premier rang en France : ce sera à partir de la fin de 1927, la Bataille pour l'Aéroport.

Le dimanche 1er Juillet 1928, l'Aéroport est inauguré. La foule est impressionnante, les Berruyers se rendent vers l'Aéroport au son des fanfares et derrière les sociétés de gymnastique. En fait, l'Aéroport, c'est une vaste étendue de 90 hectares de terrain herbeux, sans piste, mais avec déjà trois bâtiments "en dur" pour que les cours puissent commencer dès le mois d'août.

"Parc des Prés-Fichaux"

La construction de ce jardin, entre le premier projet et l'inauguration, représentera 10 années de lutte et de travail. Ainsi plusieurs ouvrages de maçonnerie, exécutés en octobre et novembre 1928, devront être refaits ; ils avaient été endommagés par le gel. Et la liste des "travaux imprévus" va s'allonger au cours des dernières années de finition. Il n'y aura pas de réunion du conseil municipal sans que le sujet du "Parc des Prés-Fichaux" ne soit abordé.

La séance du conseil municipal de Bourges du début de l'année 1930 est assez significative de cette "aventure des Prés-Fichaux". Laudier commence à demander un nouveau crédit de 200 000 francs pour le jardin plus 160 000 francs concernant la voierie pour les accès, soit un total de 360 000 francs. Il argumente sur le fait qu'il s'agit de la dernière tranche de "l'aménagement du parc public dans les marais des Prés-Fichaux". Et comme il s'attend à des réactions de la part de ses collègues, il ajoute avec une précaution toute berrichonne :
"J'ai fait préparer le décompte général de toutes les sommes, de tous les prétendus millions que nous aurions engloutis dans les Prés-Fichaux, à en croire certaines légendes". Et le premier magistrat de la cité de récapituler toutes les dépenses de 1922, avec 18 150 francs, jusqu'à l'année 1929 pour 201 169 francs .... en terminant par les 360 000 francs demandés ce jour. Le total est de 1 808 926,30 francs, et la subvention obtenue sur le produit des jeux a été de 300 000 francs. Il termine son propos par ce justificatif de son action :
" On peut nous reprocher d'avoir mis longtemps pour l'exécuter. Il est peut-être préférable de l'avoir exécuté par petits coups et échelonné sur plusieurs exercices, cela nous a permis de trouver la pilule moins amère. Nous sommes arrivés à nos fins et nous n'avons pas fait les dépenses voluptuaires excessives qu'on prétend."

Législatives de 1928

Sur le plan politique, après la défaite électorale aux Législatives de 1924, Laudier se représente à celles de 1928, qui se déroulent les 22 et 29 avril. Le scrutin est à deux tours, par circonscription, et le maire de Bourges se présente dans la première circonscription de Bourges. Il est opposé au Républicain Autrand, au Communiste Maurice Boin, au Radical Mauger et enfin à un candidat marginal, Jacquet.
Dans sa propagande électorale, Laudier revient sur la défaite et le scrutin proportionnel de 1924, il écrit : " Pour la 5e fois désigné comme candidat par la confiance d'un parti auquel je suis demeuré fidèle en dépit de tout, je viens à nouveau solliciter vos suffrages".

La profession de foi du candidat socialiste est des plus pragmatique ; il se livre à un catalogue de ses réalisations depuis qu'il est maire de Bourges :

"Vous savez qui je suis, Républicain, socialiste, libre-penseur, respectueux de toutes les opinions et de toutes les croyances.
J'ai bataillé de toutes mes forces pour l'industrialisation de nos Etablissements Militaires, et le maintien de l'Ecole d'Aviation d'Avord, un moment menacée. J'ai amené la création de la première Ecole Nationale Professionnelle de Jeunes Filles de France, qui va aboutir après 7 années d'efforts. J'ai créé la Foire de Bourges, de même l'Aéroport, qui sera demain une chose réalisée et qui peut être gros de conséquences heureuses pour toute notre région".


Sa campagne électorale est active, il doit se démarquer des communistes, tout en restant dans une ligne très à gauche. Son degré d'action et de liberté n'est pas très simple à gérer. Pour lui, "il faut faire payer la fortune acquise, soulager le commerce et la production, mettre un terme à cette inquisition fiscale féroce qui irrite, à juste titre, tous les assujettis".

Son discours peut être moins précis et plus conventionnel, c'est par exemple le vocabulaire et le ton de ses affiches dans lesquelles il écrit :
" Fort de mon passé sans tache et de mes ardentes convictions socialistes, mais vous ayant donné la preuve que je sais réaliser... Vive la République Sociale".
Comme Député, car il s'agit tout de même d'une élection législative, Laudier rappelle son travail au Palais Bourbon. Il signale qu'il fut membre de la commission du commerce et de l'industrie, ainsi que de celle des armées. Dans ce cadre, il a participé au projet de loi sur l'imposition des officiers à la contribution mobilière. C'est lui qui a obtenu l'ouverture d'un crédit pour le Cher suite aux inondations de 1923.... D'une manière plus anecdotique, il a fait des observations concernant la restitution à la Cathédrale de Bourges de ses vitraux. Et puis il revient sur son action municipale et insiste sur l'Ecole Nationale Professionnelle de Jeunes Filles, car il est persuadé que les électeurs voient en lui un bon administrateur de la cité qui a besoin d'avoir des relations avec le pouvoir central, et en conséquence un mandat national.
La campagne électorale est difficile ; au cours d'une réunion publique et contradictoire qui réunit 5000 personnes, les journalistes écrivent que Boin et Autrand ont la faveur du public. De leur côté, les services de la Préfecture signalent que "Laudier a tenu à la tribune, malgré les protestations nombreuses de ses adversaires personnels qu'il s'est créé à la mairie, et malgré les clameurs communistes".

Dans les Archives Départementales, se trouve une note marquée "SECRET", en date du 16 mai 1928. Elle émane du Président du Conseil, et est destinée au Préfet du Cher. Il est dit, en particulier : "que certains fonctionnaires ont développé une campagne plus ou moins violente contre les pouvoirs publics et ont exercé des vexations envers les contribuables dans un intérêt politique. Vous voudrez bien m'adresser de toute urgence, un rapport sur les faits de cette nature dans votre département".

Malgré son action municipale qui commence à donner des résultats, Laudier sera battu dans des conditions qui lui laisseront de l'amertume. Au premier tour, il arrive en troisième position, derrière Autrand qui a 6302 voix, et Boin qui en obtient 5649. Laudier n'a que 4165 voix, il est loin derrière. Pourtant Laudier se maintient au 2e tour contre son gré. Cette attitude surprenante a été prise par la Fédération S.F.I.O. pour se venger du Parti Communiste.

Laudier sénateur et maire

Les élections sénatoriales sont prévues pour le mois d'octobre 1929, avec le renouvellement de trois sièges : ceux de Pajot, Breton et Mauger. Mais le 5 février 1929, le doyen Radical du Sénat Christophe Pajot, âgé de 85 ans, meurt. Il y aura donc des élections partielles, elles se dérouleront le 7 avril 1929.

Laudier se présente, il n'est pas seul en liste ; d'autres, comme Plaisant, Soubirant et Durand le communiste sont aussi sur les rangs. Dans sa profession de foi, Laudier dramatise la situation locale :
"Notre département a été ces temps-ci très touché et il est grand temps que des hommes énergiques se dressent pour lui faire reprendre un rang qu'il n'aurait jamais dû perdre.
Sans fausse modestie, je pense être un de ces hommes là..."

Dans cette campagne, le maire de Bourges met l'accent sur son action municipale ; en particulier, il insiste sur la Première Ecole Nationale Professionnelle pour Jeunes Filles, qui doit ouvrir en octobre. Son programme électoral comprend :
- une nouvelle législation en matière d'accidents du travail
- des lois laïques selon l'esprit de la Révolution Française
- la mise en grande section du canal de Berry
- l'extension de l'Aéroport de Bourges
Et Laudier termine ses propos par un vibrant :
"Je suis un enfant du peuple".

A l'issue du premier tour de ces sénatoriales, Plaisant arrive en tête avec 314 suffrages, loin devant Soubirant ; Laudier avec 142 voix n'a aucune chance de gagner. Au second tour, il se désiste pour Marcel Plaisant et La Dépêche du Berry écrira à ce propos :
"Plaisant est élu à une majorité considérable, le citoyen Laudier n'a pas obtenu le chiffre qu'il escomptait, il est vrai qu'il n'avait pour ainsi dire pas fait de campagne électorale".

Une défaite de plus pour Laudier, mais il pense qu'il lui faut un mandat national. Ce sera une constance pour les "Grands" maires de Bourges ; il est inconcevable, dans un pays jacobin et centralisé comme la France de bien gérer une municipalité importante sans un mandat national... et donc parisien ; c'est un triste constat !

En attendant, quelques jours après cette élection sénatoriale, Laudier se représente pour un mandat de maire. C'est en quelque sorte l'épreuve de vérité. Il va être jugé sur ses réalisations concrètes, et le vote de ses Berruyers est de la première importance. La liste du maire sortant est Socialiste S.F.I.O. ; elle est opposée à deux listes de droite emmenées par Autrand et Foucrier, alors que le Parti Communiste présente la sienne.
L'électeur a d'ailleurs de quoi se perdre dans les appelations. Laudier se présente comme "Républicain et Socialiste", avec Vatan, Lamy, Rougeron et Monard ses fidèles au conseil municipal sortant, on note la présence d'un "petit nouveau" : Charles Cochet, alors que Jean Foucrier, le patron de la Dépêche emmène une liste appelée officiellement "Union des Gauches", il y a Dumarçay, Magdalena Augustin Durand et Griffet ; c'est en fait une liste de "centre-gauche" à tendance radicale et elle s'oppose à la liste de Jean Autrand, dite "de Concorde Républicaine et Sociale". Foucrier, évoquant cet adversaire, écrira qu'il s'agit d'une liste de "l'Union des Droites". "Une mère gorette n'y retrouverait pas ses petits", pour reprendre une expression berrichonne. Le Parti Communiste est emmené par Gaston Cornavin, avec Alexandre Guillot, Pierre Hervier, Louis Buvat et Marcel Cherrier. Pour sa part, Maurice Boin se présente en candidat isolé. Trois listes de "gauche" et une "sociale", en fait, l'électeur ne retiendra que le nom du premier de liste.

Au soir du 5 mai 1929, la liste Laudier est largement en tête avec une moyenne d'environ 3500 voix contre 2700 à celle de Jean Autrand. L'Union des Gauches de Foucrier arrive loin derrière avec 1200 voix. Pendant toute son activité municipale, les hommes de caractère qui le cotoyèrent furent peu nombreux : Jongleux et Verglas comme Secrétaires de mairie, Boin et Cochet comme conseillers municipaux. En fait, Laudier sera un homme seul.

Au nombre des suffrages obtenus, Laudier arrive à la 29e place sur 32, il a eut 500 voix de moins que ses deux adjoints, sa forte personnalité ou son autoritarisme ne plaisent pas à tous les Berruyers. Les électeurs de Foucrier se sont portés massivement sur la liste du maire sortant, ils ont fait la décision.
Laudier peut poursuivre son action de constructeur. Dans "Terre de Lutte", les résultats du Parti Communiste sont bien analysés. Le P.C. perd 50% de ses voix, et l'exclusion du Parti de Boin, ancien Rédacteur en Chef du journal communiste L'Emancipateur, le 3 janvier 1929, a eu une fâcheuse influence sur les militants assez désorientés.
A l'élection du maire, Laudier obtient 30 voix, et il y a deux bulletins blancs. Dans son discours d'installation, Laudier revient indirectement sur son faible score personnel :
"Je vous sais gré de cette nouvelle désignation qui, sauf accident imprévu, me portera à quinze années consécutives de Mairat, car à la vindicte aveugle et implacable dont m'ont poursuivi nos adversaires au cours de la campagne électorale, vous devez mesurer l'étendue de vos responsabilité.... Il est vraiment fâcheux que la passion politique puisse égarer des citoyens jusqu'à les faire s'abaisser à l'emploi de moyens aussi vils et aussi méprisables"

Vainqueur des Municipales, mais défait en avril 1929 pour aller siéger au Palais du Luxembourg, Laudier se représente aux sénatoriales normales du 20 octobre de cette même année. Au premier tour, ils sont 11 candidats, les plus crédibles sont Plaisant, Mauger, Laudier, Gestat, Perraudin et Breton ; il y a trois sièges à pourvoir. Les "Grands Electeurs" sont au nombre de 700, et des trains spéciaux ont été mis en place par la Compagnie d'Orléans afin de faciliter la venue à Bourges des électeurs en provenance de tous les villages du département du Cher.

Au premier tour, seul Plaisant est élu. Pour le second tour, alors que beaucoup attendent l'élection de Gestat, c'est Laudier qui l'emporte. Il a récolté 409 voix, et arrive juste derrière le sénateur sortant Mauger. A la surprise presque générale, le candidat Henri Laudier, encore sous l'étiquette Socialiste S.F.I.O., se retrouve sénateur. Il reprend un mandat national.

Le mois d'octobre 1929 est à marquer d'une pierre blanche pour Laudier. Après un siège de sénateur, il va enfin ouvrir la Première Ecole Nationale Professionnelle en France pour Jeunes Filles.

un projet d'aménagement, d'embellissement et d'extension


Après la guerre de 1914, le gouvernement imposa à toutes les communes de plus de 10 000 habitants de réaliser un projet d'aménagement, d'embellissement et d'extension, sans toutefois toucher aux plans relatifs à l'alignement et au nivellement. Cette loi du 14 mars 1919 sera modifiée le 19 juillet 1924, et Bourges commencera à l'établir à partir de 1925.
Sur un plan général, le maire va s'adresser ainsi à ses collègues du conseil municipal :
"Le projet devra être conçu en fonction de l'importance de la population et de sa répartition, telles qu'on peut les escompter avec plus de probabilité, grâce à l'observation de l'évolution déjà accomplie, à l'analyse de la situation actuelle et des données qu'on peut avoir sur les facteurs de l'extension future".

Il s'agit donc d'un véritable Plan Directeur, pour reprendre un vocabulaire actuel, et la ville de Bourges, pendant un demi-siècle utilisera ce document mis au point par l'administration Laudier. Ce dernier ajoutera lors de la séance de présentation :

" Le projet a encore et surtout pour but d'éviter pour l'avenir des tâtonnements, des modifications ne tenant pas compte des besoins du lendemain, des initiatives qui, sous la pression de l'opinion du moment, seraient de nature à compromettre la vitalité de la cité, qui, d'ailleurs, a déjà trop souffert de l'exécution incomplète de projets seulement ébauchés et réduits à néant par de nouveaux administrateurs".

Une vision d'un grand modernisme.
Certains, aujourd'hui font remarquer à titre d'exemple que l'opération immobilière Avaricum qui sera réalisée dans les années 1950 était dans les projets de Laudier, tout comme l'idée de l'aménagement du Parc Saint-Paul.

L'étude et la confection du projet seront confiées à Monsieur Payrer-Dortail, pour un prix de 43 350 francs. Le premier reproche des membres des commissions qui auront à l'examiner portera sur l'ampleur du projet. Le développement de la ville est vu dans le futur, d'une manière globale et très ambitieuse, ce qui est assez rare en Berry. Laudier souligne que l'on a toujours "vu trop petit", et cette fois, il regrette qu'il lui soit reproché de "voir trop grand".
La lecture du règlement est assez administrative ; on trouve un programme en deux points :
La règlementation générale d'aménagement
Les prévisions d'alimentation en eau potable et d'assainissement.
Sont traitées les zones d'habitations collectives "limitées à l'agglomération ancienne, au voisinage de la Gare et aux terrains en bordure des artères principales de circulation. Cette zone est définie par une teinte rouge au plan d'aménagement du 5 000e (pièce n° 2)", puis des renseignements plus techniques suivent, comme la hauteur des constructions, les voies privées, les saillies.
Les zones résidentielles font l'objet des articles 18 à 25, ils concernent les clauses d'alignement des propriétés bâties, la surface de la construction par rapport à la surface du terrain, ainsi que les notions de propreté et "d'aspect agréable" des bâtisses. Il est inscrit que "les panneaux-réclames sont prohibés. Ne sont autorisées que les enseignes signalant les commerces exercés dans l'immeuble".

Sur le plan industriel, "sont interdites la création ou l'extension de tous les établissements dangereux, insalubres ou incommodes, classés en 1re et 2e catégories". Des zones pour l'industrie sont définies, comme le territoire entre le canal et la route de Marmagne, à l'ouest du Chemin de fer Economique ; ou celle comprise entre le canal et "la route de Figeac au Sud des usines de Mazières". Elles sont en teinte violette sur le plan d'aménagement. Dans l'article 28, les notions de protection contre les fumées, les mauvaises odeurs, ou les poussières sont évoquées, et l'emploi d'appareils est recommandé.
Dans le titre III, le plan décrit les servitudes hygiéniques, archéologiques et scientifiques de la ville de Bourges :
"L'aspect extérieur des bâtiments devra être conçu dans son style, sa forme, ses matériaux et sa couleur, de façon à ne pas rompre l'harmonie des perspectives urbaines".


Parmi les divers aspects liés au développement de Bourges, il faut souligner le "dégagement de la Cathédrale", une idée qui remontait tout de même à 1852 ..... Au fil des lignes, on voit, par exemple, la suppression du passage à niveau de Saint Privé ; il faudra attendre un demi-siècle pour que cela se réalise, devant le septicisme de plusieurs élus, Laudier répliquera : "....Dans vingt ans, ou davantage, peu importe, cette suppression ne deviendra-t-elle pas inéluctable ?"

Les problèmes de l'eau potable, puis des eaux pluviales et usées sont pris en considération dans les titres IV et V comprenant la seconde partie de ce document important.


Le projet d'aménagement sera finalement accepté par un décret du Président de la République signé à Rambouillet le 6 septembre 1932 : Bourges entrait dans l'ère moderne.

LAUDIER A NOUVEAU MAIRE DE BOURGES EN 1935

C'est au mois de mai 1935 que vont se dérouler les élections municipales. Alors que les Berruyers s'intéressent à l'équipe qui va à nouveau gérer leur ville, une information dramatique arrive dans les rédactions des journaux locaux. Un terrible accident vient de se produire dans le polygone d'artillerie. Malgré les précautions prises, un obus de 320, au lieu-dit "le point 700", a explosé à 14 H 30. Il y a quatre morts. Les circonstances de l'accident sont encore mystérieuses ; il apparaît que des ouvriers travaillaient à la réfection d'un obus de 320, et ils se disposaient à le sortir de l'abri souterrain leur servant d'atelier quand une formidable explosion retentit. Quand les collègues de travail accoururent sur les lieux, le spectacle était désolant : les restes déchiquetés des quatre victimes gisaient sur le sol, "Ici un membre, là une partie du tronc, plus loin une tête mutilée.... " tel fut le compte rendu macabre de La Dépêche du Berry.
Le général Maurin, Ministre de la Guerre ordonna une enquête, mais cet accident démontrait une fois encore que la pyrotechnie dans un Etablissement Militaire peut tuer à tout moment.

Malgré le fait que Laudier ne soit plus socialiste, qu'il ait en face de lui ses anciens amis de la S.F.I.O., il arrive en tête au premier tour, le 5 mai 1935. Il devance la droite de 1500 voix, les socialistes de 1600 et les communistes de 2000 voix.
Au second tour, le scénario est le même qu'en 1925 et 1929 : la liste Laudier est élue en entier sauf un siège qui va au socialiste Cochet,
lequel deviendra "l'ennemi intime" de Laudier jusqu'à la guerre de 39/40. Les passes d'armes entre Laudier et Cochet au conseil municipal feront la joie des gazettes. Les résultats pour la première fois à Bourges sont connus par "une émission diffusée par haut-parleur" en direct de La Dépêche du Berry", rue des Arènes, à partir de 20 heures ; l'installation étant faite par la maison Billaudeau.

Laudier a donc parfaitement en main les destinées de la ville de Bourges, son parcours politique, pour le moins sinueux, ne joue pas sur les électeurs qui reconnaissent la valeur de l'administrateur.



LE PERSONNAGE LAUDIER

C'est au travers du précieux témoignage de M. Robert Verglas que se dessine le personnage complexe d'Henri Laudier.
Robert Verglas entrera dans l'administration municipale en 1937 et prendra ensuite la succession d'Edmond Jongleux au poste important de Secrétaire Général de la mairie de Bourges. Robert Verglas était avocat de formation, il rejoindra Bourges et avouera 50 ans plus tard :


"Henri Laudier était un homme et un administrateur exceptionnel. Il était de ceux qui vous font mieux sentir la mesure de vos propres moyens. C'était un homme fort, un caractère. Et cela lui valait une violence de langage qu'on lui a reproché, mais qui n'était que l'expression d'une nature courageuse à l'extrème et de convictions fortement enracinées et qu'il savait défendre avec une énergie peu commune. Travailleur acharné, il était très attentif au travail des autres, mais autant il savait apprécier avec joie un travail bien fait, autant il était dur aux insuffisances et aux fautes et son personnel savait bien qu'il avait horreur de toute prétention, affection, ou "matuvuisme".


"Je garde avec quelque émotion, ajoutera Robert Verglas, le souvenir d'un de mes tout premiers contacts avec lui. Je m'étais rendu compte très vite que mes connaissances théoriques en droit administratif et constitutionnel ne me permettraient pas d'acquérir une connaissance précise et assez rapide des structures, des fonctions et de la gestion municipale. Je lui exposais mon problème, avec mon aveu d'ignorance et je lui fis part de mon souhait d'apprendre ce qui me manquait par un séjour dans tous les services de l'administration. Cette déclaration de modestie fut prise au sérieux et me parut lui plaire. Il me dit y avoir été sensible et ajouta : elle augure bien de votre souci des responsabilités qui vous attendent et du caractère qu'il vous faudra pour y faire face. Alors, allez-y ! ".


Laudier voulait avoir des cadres supérieurs de haute qualité, de bons techniciens, pas des "politiques". Chacun devait être à sa place d'une manière incontestable. Ses Chefs de Service étaient de grands Ingénieurs ou de grands architectes, on peut citer les noms de Pinon, de Margueritat, de Mgr Foucher mis à la tête des Musées de Bourges.

Henri Laudier connaissait parfaitement tous ses dossiers, c'était pour lui la première des tâches. Il disait : "Il faut connaître tous les dossiers qui passent, être capable de répondre à toute intervention qui pourrait être faite."Laudier allait sur les chantiers, il avait une voiture municipale car il marchait assez mal. Il discutait avec les entrepreneurs, "ça bardait sur les chantiers " se souvient M. Verglas.
Il y avait deux hommes en Laudier, l'homme privé, qui aimait rire avec ses copains, on sentait un grand humaniste. "C'était un brave type, un homme chic, il aimait se réunir avec ses amis, par exemple au Grand Café". Par contre, l'homme public était différent, il y avait toujours une sorte de dureté dans le visage, une grande fermeté. Il était aussi très sensible aux désaveux ; c'était un grand sensible, et cette fermeté sur son visage devait lui rappeler qu'il ne fallait pas se laisser aller aux sentiments. Il savait élever la voix, c'était un tribun. Bien que libre-penseur, Laudier avait des relations très correctes avec l'Archevêque.

Pourtant la presse locale ne le ménageait pas. Il recevait des coups aussi bien de la gauche communiste que de la droite. Ainsi, le "Républicain du Cher" écrivait le 6 juillet 1934 :


"Tout le monde sait que M. Laudier a des habitudes. Elles lui viennent de son passé, de sa formation et de son caractère. A la tête de son conseil municipal, il a toujours fait ce qu'il a voulu, et il le fait encore. Si on lui oppose une toute petite représentation, il se fâche tout rouge. Il n'aime pas les collaborateurs qui résistent et qui pourraient l'éclairer utilement. Il préfère ceux qui ont les tendances de domesticité..."

Sans la personnalité de son épouse Marceline, Laudier aurait sans doute été ministre. Mais Marceline était une femme explosive, elle avait une forte personnalité. C'était, nous rappelle un témoin de cette époque, "une sacrée bonne femme, elle avait sa réputation, elle avait du nez, un pif extraordinaire pour déceler le tocard. Ses yeux, c'étaient comme des mitraillettes. Jeune, elle devait être une très belle femme. Elle ne craignait pas le scandale, et Laudier est beaucoup moins sorti après son mariage.... "

Les sénatoriales de 1938

C'est dans une ambiances d'avant-guerre que vont se dérouler les élections sénatoriales, le 23 octobre 1938. Les problèmes internationaux, avec les démocraties de l'Europe Centrale face aux nazis prennent le pas sur ceux du Berry.
Dès le 3 août Marcel Plaisant faisait un discours devant ses amis radicaux dans lequel il leur disait :
"Ce sont des veillées de guerre que nous avons passées le 21 mai, à propos des élections en Tchékoslovaquie. A qui devons-nous le salut : à l'action conjuguée de la France et de la Grande Bretagne, à la fermeté de notre langagedevant l'impudence du dictateur. Mais la menace demeure".

Laudier est en effet en difficulté, le journal "La Semaine Berrichonne" écrit de lui le 8 octobre : "qu'il est devenu la bête noire des communistes et des socialistes, qui ne lui pardonnent pas d'avoir compris que leur politique conduisait la France à la ruine". Et le journaliste ajoute que "Laudier a pour lui d'avoir réalisé à Bourges, une oeuvre dont chacun reconnaît l'importance".
Le Maire de Bourges se bat et se défend, il écrit à ses électeurs "que depuis 45 ans, je suis sur le brèche, je suis resté toute ma vie un Républicain et un Socialiste", sa permanence est alors située au 45 rue Moyenne, dans l'ancien Hôtel Brisson, et le téléphone a le numéro 832.
Les élections se passent un dimanche, avec les "Grands Electeurs", et il y a ballotage au premier tour. On attend l'élection de Plaisant, mais la lutte semble rude entre Laudier, Breton, Mauger et Gestat, ce dernier est le Président du Conseil Général.
Au soir de ce 23 octobre 1938, Plaisant obtient 398 voix, il est élu, Laudier a 359 voix et Breton, l'outsider est le troisième élu avec 352. Gestat est battu, il n'a eu que 324 suffrages qui se sont portés sur son nom.

Ainsi, Laudier, contesté reste Sénateur, il poursuit son oeuvre alors qu'il est de plus en plus souffrant, il se déplace assez lentement, mais il garde le punch de ses 20 ans, mais pas pour les mêmes idées. Il poursuit son oeuvre municipale de constructeur.

à suivre

Le parc des sports
la salle des fêtes
l'Hôtel Dieu


OCTOBRE 1943 : LA MORT DE LAUDIER

Depuis deux ans, le maire de Bourges, en place depuis 1919, était alité. Il dirigeait toujours la municipalité n'ayant rien perdu de ses facultés intellectuelles et même de sa pugnacité. Il avait lutté contre les Allemands, avec l'ensemble des armes administratives qu'il possédait. Mais le combat était inégal. Comme de nombreux "néo-socialistes" de l'entre-deux-guerres, il avait opté pour le Maréchal Pétain dès 1940. Il pensait que le vieil homme était le seul susceptible de permettre à la France de survivre dans ces moments difficiles.
C'était un homme d'ordre et de dossier et, certains aspects de la politique de Vichy sur la rigueur, sur une bonne administration, devait sans aucun doute lui plaire. Cette attitude lui sera beaucoup reprochée. Il ne semble pas qu'il ait le moins du monde réagit contre les lois de Vichy sur le statut des Juifs, et sur les excès de la politique de Pétain et Laval. De même, à aucun moment n'apparaît la moindre compréhension pour les opposants, qu'ils soient gaullistes ou communistes.
Laudier meurt le 10 octobre 1943, une foule énorme suit ses obsèques.

Bourges reste avec son conseil municipal, sans maire, et c'est Georges Lamy, premier adjoint qui prend en main les destinées de la ville, sans avoir le titre de maire.

Une des premières tâche du conseil municipal fut alors de faire édifier un mausolée pour la dépouille de leur ancien maire. Ce mausolée, conçu par l'architecte Pinon, est actuellement au cimetière Saint-Lazarre de Bourges, et il comprend un certain nombre d'inscriptions. Il est rappelé en quelques lignes la carrière politique de Laudier :

Conseiller Général de La Guerche 1910
Maire de Bourges 1919
Député du Cher 1919
Sénateur du Cher 1929
Conseiller Général de Bourges 1934
Rapporteur au Sénat du Budget de l'Algérie 1935
Rapporteur Général du budget de la guerre 1937
Conseiller Départemental 1941

Suit alors une longue inscription avec l'ensemble des actions du maire :

 

Il fonda la foire exposition et celle des vins et des fruits. Il conçut le plan d'extension, remit en état les rives et les places. Replanta les jardins, créa les Prés-Fichaux, rénova l'éclairage public et le réseau des eaux, agrandit les écoles de Pignoux et de Beaumont, il fonda l'Aéroport, fit construire la salle des fêtes, l'usine d'incinération, les ateliers des services techniques, l'usine des eaux, le Nouvel Hôtel-Dieu, les cités HBM, les serres municipales, il fit dresser les projets du parc des Sports, de la gare, des écoles du Bordiot et de l'Aéroport ainsi que de nombreux travaux qui promettent à Bourges un avenir digne de son passé.


Marceline Laudier :

 

Elle était l'épouse du maire Henri Laudier, et lui survivra après sa mort en 1943, c'est elle qui se battra pour donner le nom de son mari à une rue de Bourges, ce qui ne fut pas simple, dans le contexte politique de l'après guerre.

On ne sait pas grand chose d'elle, les témoignages ne sont pas toujours fiables.

Il ressort qu'il s'agissait d'une "forte femme", qui avait beaucoup d'influence sur son mari Henri.

 

les "mauvaises langues" affirment que M. Laudier a rencontré son épouse dans une maison de tolérance, ce qui est plausible, mais nous n'en possédons aucune preuve, sinon la rumeur publique.

 

Par contre, on l'appelait "la reine du tramway", car elle habitait rue de la gare, actuelle rue Henri Laudier, et elle prenait très souvent ce moyen de transport. Et elle parlait beaucoup dans le tram, à tout le monde.

Elle parlait d'ailleurs avec beaucoup de monde dans la rue où ailleurs.

 

Enfin, on dit qu'elle eut beaucoup d'influence dans la réalisation des Prés Fichaux.

 

 

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