L'Hôtel Dieu de Bourges par Roland Narboux - encyclopédie

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L'HOTEL-DIEU DE BOURGES
Par Roland NARBOUX ( à partir de l'ouvrage de R. Durand et H.O. Michel)

L'hôtel Dieu de Bourges est un remarquable monument historique.

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Version 2009

 

L'HOTEL DIEU DE BOURGES est un des plus beaux monuments de la Ville, il est assez proche des édifices de Beaune et d'Issoudun. Il est, depuis 2000, en restauration après le départ de l'Hôpital de Bourges route de Nevers en 1994.

Son histoire a été racontée par René Durand et Henri Olivier Michel, aidé par l'Association des "Amis de l'Hôtel Dieu". Il en est sorti un excellent ouvrage intitulé " L'Ancien Hôtel-Dieu de Bourges au XVI e et XVII e siècle.

Cet article est issu de cet ouvrage.


Les prémisses

Le premier établissement hospitalier de Bourges était à l'origine contre le chevet de la cathédrale. Ce devait être vers l'an 580 sous l'archevêque Saint Sulpice Sévère, évêque de Bourges. Il a pour nom "Domus Dei, Sancti Hursini" en 1198, puis "Domus Infirmorum Bituricensis" en 1218 et plus tard "Grand Hôtel Dieu" en 1484.
Cet hôpital dépendait de la paroisse Saint Ursin.
La gestion est confiée à des "hommes probes, idoines, de bonne réputation", lors du Concile de Latran en 1215, ces institutions devaient appliquer "les règles des ordres religieux". Les trois vœux, que sont la chasteté, la pauvreté et l'obéissance sont alors obligatoires.
Cet espace a été cédé au XVI siècle à l'Université de Bourges alors que se construisait l'Hôtel Dieu dans un autre quartier de la ville près de l'Yèvrette.
On peut penser aussi que le grand incendie de 1487 ait joué un rôle dans le déménagement, en occasionnant des dégâts importants, même si l'on sait que la cathédrale n'a pas été touchée.

C'est donc sur l'emplacement de l'hôpital que sera édifiée la faculté de droit, celle de théologie et de médecine.

 

Le nouvel Hôtel-Dieu

C'est sur le domaine de la paroisse Saint Médard qu'est édifié le nouvel Hôtel Dieu, à noter que le quartier situé à proximité de la rue des Trois pommes, lieu où commence l'incendie de 1487 qui détruisit une partie de la ville de Bourges.

C'est l'archevêque de Bourges, Guillaume de Cambrai mort en 1505, procède à l'achat des terrains situés le long de la rue Gambon qui s'appelait rue Saint Sulpice puis rue royale et par laquelle certains rois, comme Louis XII entrait dans la ville.

Le quartier est très actif avec des commerces qui utilisent l'eau de l'Yévrette. On est donc en dehors du rempart gallo-romain mais à l'intérieur de la seconde enceinte, celle de Philippe Auguste, le rempart, aujourd'hui boulevard Gambetta s'appelait le rempart des pauvres, face à la tour Saint Clément, toujours visible.

vue du pignon de l'Hôtel Dieu de BourgesParmi les constructeurs ou "maîtres d'ouvrage" se trouve Antoine Boyer, cardinal et archevêque de Bourges entre 1515 et 1519. A cette époque, la ville a pour "gouverneur", la seconde duchesse de Berry, Marguerite d'Angoulême, sœur de François 1er.

Le site du nouvel Hôtel-Dieu est le suivant :
- rue des Poulies, appelée rue du fagot.
- rempart des pauvres
- rue Saint Sulpice devenue rue Gambon
- la rue du Pont Merlan qui n'a jamais changé de nom.

Vue du pignon de la chapelle rue Gambon

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A quoi sert un Hôtel-Dieu ?

Un Hôtel Dieu peut avoir plusieurs fonctions, comme l'asile pour les pèlerins, l'accueil des pauvres et le soin des malades.

Progressivement l'accueil des pèlerins est confié à des confréries alors que les pauvres et les malades restent dans les Hôtels-Dieu.

A cette époque, les Etablissement Hospitaliers sont divisés en cinq catégories, qui sont :

- les hospices pour les pèlerins et les voyageurs.
- les hôpitaux pour les malades, ce sont les Hôtels-Dieu.
- les infirmeries pour les monastères
- les maladreries pour les lépreux
- les lazarets, généralement temporaires et mis en dehors de la ville pour les épidémies, nombreuses à ces époques.

Les Hôtels Dieu de cette époque ne sont pas très nombreux, on signale bien entendu celui de Beaune, le plus célèbre, construit vers 1440, et celui d'Issoudun, proche de Bourges et construit sensiblement à la même époque.

Composition de l'Hôtel-Dieu de Bourges

Pour commencer, un hôtel-dieu comme celui de Bourges construit entre 1510 et 1526, est édifié au bord d'une rivière, l'Yèvrette, cela permettait de rejeter les eaux des cuisines et celles des latrines dans la rivière.
Ensuite, une chapelle immense, et une salle des malades. A noter que la salle des malades, comprenant 28 lits s'ouvre directement sur la chapelle. Ainsi, les malades peuvent assister directement de leur lit aux offices religieux. Le volume de cette salle, pour des problèmes de quantité d'air, est très important, avec de grandes et larges fenêtres.
Une grande cheminée est utilisée pour chauffer l'ensemble des pièces. Quant au sol, il est couvert de grandes dalles en pierre.
Enfin, quelques bâtiments annexes pour les cuisines…. Et un cimetière à proximité.

Pouvant vivre en autarcie, un grand jardin permettait la culture des légumes.

En résumé, en cette fin de Moyen Age, l'architecture de l'Hôtel Dieu, sans doute une des dernières et des plus affirmées de l'époque comprend :


- une chapelle avec pignon construite sur un rectangle de 21 mètres de long et 10 mètres de large. La hauteur est impressionnante à 28 mètres de hauteur.
Le pignon est le plus haut de tout ce qui existe à Bourges.

- une salle des malades de 10 mètres de large sur 30 mètres de long, prévue à l'origine pour 14 lits. A cette époque, chaque lit peut comporter plusieurs malades, jusqu'à 3 ou 4. Il faut rappeler que Beaune avait une capacité de 28 lits !
Elle est composée de grandes fenêtres en arcs brisé au nombre de 7.

- une cuisine, située perpendiculairement à la salle des malades.

 

La construction d'origine

Comme pour la cathédrale de Bourges on ne connaît pas le nom de l'architecte de l'Hôtel Dieu. Dans ces années, la ville de Bourges reconstruit et de nombreux hôtels sont édifiés, comme l'Hôtel Cujas, Lallemant, l'église Saint Bonnet et en plus, un important chantier de reconstruction de la tour nord de la cathédrale est en cours à partir de 1508 sous l'impulsion de deux architectes, Colin Byard et Guillaume Pelvoysin.

Dès le mois d'avril 1510, on procède aux démolitions des bâtiments encore présents. C'est ensuite le début de la construction, typique du début du XVI e siècle. On retient dans ces moments les noms des peintres comme Dallida, ou Darida et le sculpteur Marsault Paule bien connu pour des sculptures de la cathédrale de Bourges.
La charpente pour la chambre des malades est mise en place en 1516, et celle de la chapelle en 1522.
Les travaux de maçonnerie s'effectuent jusque vers 1520.
Il y avait un clocher qui a été détruit par les éléments à une date qui reste à retrouver.
Pour l'intérieur, comprenant les plafonds de la salle des malades, le voutement intérieur de la chapelle et les finitions vont se faire dans les années 1524 à 1526.

Les pierres utilisées sont assez bien connues par les travaux de J.M. Jenn, elles viennent de Morthomiers et Dun le Roy pour les pierres les plus dures, Charly pour les moulures. Par contre, on note des pierres de "Bourges" des carrières des Averdines et d'autres de Marmagne.
On remarque encore aujourd'hui sur la façade de la rue Gambon, les pierres rouge en provenance de Dun, qui apparaissent sous forme de grands blocs.

Le bois est livré par M Fontaine.
La couverture d'ardoise provient de Tours, c'est Jean Brouillon qui assure la livraison par le transport des matériaux par la Loire jusqu'au port de Saint Thibaut. On évoque alors la quantité d'ardoises qui est de 50 000 pièces.

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Les ajouts de l'époque classique

L'Hôtel Dieu de Bourges, même si il y avait plusieurs personnes par lit, ne pouvait pas accueillir beaucoup de malades.
Dans le même esprit, il y avait beaucoup de personnels soignants, religieuses, servantes, valets, …. Et ce personnel était à l'étroit dans les murs d'origine.

Lorsque la grande peste de 1628 se déclara, c'en était trop l'Hôtel Dieu s'avérait beaucoup trop petite.
C'est ainsi qu'il fut décidé d'agrandir les lieux et un chanoine, en 1629 fit un don de 5000 livres afin de construire un nouveau bâtiment qui s'appellera "le bâtiment des femmes fiévreuses".
Le nouveau chantier fut confié à un jeune architecte local Jean Lejuge qui avait réalisé une partie de l'agrandissement de l'Hôtel des Echevins.
On construisit un premier bâtiment, perpendiculaire à la salle des malades, "de 10 toises de longueur et 28 pieds de largeur". Il est affecté pour être une nouvelle salle des malades.
Un peu plus tard, en 1637, une nouvelle aile est réalisée directement sur la rue Saint Sulpice, financée par des donateurs, comme le curé de Saint Outrillet. Comme en 1628, elle est confié à l'architecte Jean Lejuge.

Les hôpitaux de Bourges

Il existe dans les temps anciens d'autres hôpitaux, comme :

- l'hôpital Saint Lazare :
Il est à l'emplacement actuel du cimetière Saint Lazare, au-delà de la voix ferrée. C'était alors la route de Saint Michel, il est connu dès 1172 et se trouve en dehors de l'enceinte de Philippe Auguste. Il s'agit à cette époque d'isoler les lépreux du reste de la population. Il possède essentiellement une chapelle et un bâtiment pour les lépreux.
Cette maladrerie a disparue avec la fin de la peste, et a laissé la place au cimetière et à des maisons d'habitation.

- L'Hôpital Général :
C'est encore pour la peste et d'autres épidémies du même genre qu'est édifié dans le faubourg Taillerain un lazaret, que l'on va appeler "Sanitat", "santé" mais aussi refuge pour pestiférés.
L'ensemble est géré par des "moutonniers" qui sont dirions-nous aujourd'hui des employés municipaux.
Ils seront en première ligne lors de la grande peste de 1628.

- L'Hôpital Saint-Julien :
C'est un établissement qui existe avant 1216, et il est situé au bord de la Voiselle à côté de la rue appelée aujourd'hui Edouard Vaillant.
C'était un petit établissement pouvant accueillir environ 30 malades, ce qui est fort peu.
C'est à partir du XVII e siècle qu'il est intégré aux autres structures médicales et est géré par l'Hôtel Dieu de Bourges.

L'accueil dans l'Hôtel Dieu

Dans ce qui se fait, il faut noter plusieurs missions qui ont évolué au cours du temps. En premier lieu, c'est le soin aux malades, qui sont des soins d'abord très spirituels, on accompagne les malades vers la mort. Puis au fil du temps les soins vont devenir plus sérieux, et on va commencer à soigner et sans doute à sauver quelques malades. La technique prend le dessus sur la prière.

Autre activité intéressante, c'est le recueil des enfants abandonnés. Il y a en effet à l'entrée de l'Hôtel Dieu et on en voit encore les marques.
C'est ce qui s'appelait le berceau de pierre ou le Tour. Il s'agissait d'un système tournant permettant de mettre le bébé abandonné dans une sorte de berceau qui tournait sur un axe vertical. On faisait tourner le dispositif et le bébé se retrouvait de l'autre côté pour être pris en charge par les sœurs de l'Hôtel Dieu.
Il daterait de 1600.
L'Hôtel Dieu accueillait aussi les enfants de 7 ans et plus qui erraient dans les rues de Bourges. Ils n'étaient alors plus pris en charge par leur nourrices.
Il faut noter qu'il y avait plusieurs nourrices affectées à l'Hôtel Dieu pour les bébés abandonnés.
Le tour sera supprimé en 1830.

Sculptures et décors :

Même pour un édifice devant servir avant tout à soigner les malades, en cette époque de la Renaissance, les sculptures gothiques sont présentes, et à l'Hôtel Dieu, ce que l'on en connaît, elles sont remarquable à l'extérieur.
On est dans du gothique flamboyant comme on peut en trouver dans les chapelles de la cathédrale ou dans les hôtels Lallemant ou des Echevins.

Le mur pignon qui sépare la chapelle de la salle des malades comprend des œuvres d'animaux fantastiques :
- les lions
- les chevaux ailés
- les salamandres
- les aigles
- les anges phylactères

La porte cochère :

Cette porte donne sur la rue Gambon, autrefois rue Saint Sulpice, et elle daterait de 1511.
Elle est formée d'une grande arcade en plein cintre appuyée sur des pilastres de style ionique.
Sur ces pilastres ont été sculptés, un peu comme à l'Hôtel Lallemant des motifs avec à droite :
- les instruments de la passion, on remarque le clou, la lance, les dés, la verge, l'éponge, la colonne….
- à gauche, ce sont d'autres symboles comme la croix, l'échelle, les deniers, le marteau, la robe, la couronne d'épines, le sabre….
Ces sculptures seraient l'ouvre de Marseault Paule.

Quant aux vitraux, ils ont disparu, et auraient été l'œuvre de Jean Lécuyer peintre verrier. Ce devaient être des scènes du Nouveau testament local.
Ces vitraux seraient enfouis sous la cour de l'Hôtel Dieu.

La fin de l'Hôtel-Dieu

L'Hôtel Dieu apparaît dans les monuments historiques avec le portail en 1926, alors que l'ensemble du XVI e siècle attendra 1946.
Enfin, le secteur sauvegardé de Bourges est institué en 1965 et comprend cette partie.

C'est en 1994 que l'Hôtel Dieu, dans son ensemble termine son existence comme Hôpital pour aller route de Nevers dans un hôpital moderne appelé aujourd'hui Jacques Cœur.

L'Hôtel Dieu en 1995

C'est René Durant, médecin, conseiller municipal et Président de l'Association des Amis de l'Hôtel Dieu qui va beaucoup faire pour que cet édifice soit connu. Il écrit un livre sur le sujet et fait visiter avec d'autres bénévoles de l'Association, ce site prestigieux, en particulier la chapelle et la salle des malades.
La campagne électorale de 1995 avait porté sur le devenir du site de l'Hôtel Dieu, avec plusieurs projets concurrents. La gauche proposait la nouvelle Ecole de musique, des dépôts archéologiques, des logements et une zone de forte densité en construction. A droite, c'était essentiellement l'implantation de la patinoire.
Les études pour une patinoire commencent à Bourges par une étude archéologique….. Jacques Troadec et d'autres archéologues se mettent au travail et communiquent leur rapport, le site de l'Hôtel Dieu n'a jamais été fouillé et les recherches devraient être passionnantes. Il s'agit d'un site majeur.

façade de l'Hôtel Dieu de Bourges

Vue de la salle des malades

Après mûre réflexion, le maire abandonne la patinoire en ce lieu, conscient que l'on part dans un chantier de fouilles de plusieurs années que la ville ne pourra plus maîtriser….. et la patinoire attendue attendrait encore.
Le projet se restructure avec l'utilisation de tous les étages du "bâtiment de briques rouges" comment disent les Berruyers, puis la conservation de l'ancienne chapelle et de la salle des malades. Le reste serait démoli pour faire place à un parking paysager et des espaces de verdure. Le nouveau projet, avec une Maison des Associations et des logements pour étudiants devenait réaliste et pouvait s'effectuer en quelques mois.
Première tâche : acquérir le site appartenant à l'Hôpital. C'est acté le 22 septembre 1996, pour un coût de 20 MF, la signature se déroule dans la cour entre Christiane Coudrier, directrice du Centre Hospitalier, et Serge Lepeltier, maire de Bourges. Puis sont lancés les travaux pour démolir les bâtiments à faible valeur patrimoniale, avec l'épisode des bâtiments dits "Cambournac" que les Monuments Historiques veulent conserver. Finalement le préfet, Bernard Tomasini, prend le dossier en mains, et, avec beaucoup de bon sens et de persuasion permet la destruction demandée par la ville.

Le parking voit le jour assez vite, il est de bonne qualité, avec beaucoup d'arbres. Les Berruyers mettent du temps pour se l'approprier. Les travaux consacrés à la Maison des Associations, sur 4 étages, commencent, le coût est estimé à 12 millions de francs.
Enfin, les logements du "CROUS" sont bientôt occupés par les premiers étudiants, alors que les étages pour les réserves des Musées sont étudiés et les exécutions budgétisées pour les premières années du troisième millénaire. Ce lieu historique, et les premières réalisations comprenant la réhabilitation de la chapelle du XVe siècle sont largement plébiscitées par la population qui redécouvre ce monument du patrimoine local.

En savoir plus dans l'ouvrage de René Durand et Henri Olivier Michel


En 2003 une partie de l'édifice est transformée, d'un côté la Maison des Associations, avec des bureaux et des salles de réunion pour les associations de Bourges et de l'autre le CROUS, c'est à dire des logements pour étudiants.

En 2005, la partie centrale est réhabilitée et ce sont 64 logements sociaux qui sont proposés en priorité aux personnes habitant dans la quartier Avaricum.


Il existe une vidéo de Benoit Quatre sur l'hôtel Dieu :

vidéo >>>cliquer

 

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