CHARLES COCHET, ACCLAME MAIRE DE
BOURGES
Lorsque les autorités qui prirent
le pouvoir cherchèrent à placer à l'Hôtel
de Ville un maire accepté de tous, elles trouvèrent
sans difficulté un accord sur le nom de Charles Cochet.
Ce notable avait été député du
Cher en 1932, alors qu'il avait été élu
au conseil municipal de Bourges sous le mairat d'Henri Laudier
dès 1929. Resté socialiste, il était
devenu le principal opposant au maire et lorsque Vichy, en application
de la loi du 16 novembre 1940 sur la réorganisation des
corps municipaux, renouvela le conseil municipal berruyer, Cochet
sera le seul conseiller refusé par le gouvernement de
Pétain. Il se désolidarise d'une politique qu'il
condamne et ne manque jamais une occasion de témoigner
ses sentiments. Il avait 77 ans à la Libération
et son attitude ferme et inébranlable le place à
la tête de la ville, en attendant les élections
qui se dérouleront quelques mois plus tard.
Charles Cochet fut un personnage attachant,
nivernais,il était né en 1867, son père
était menuisier. Enfant doué, il réussit
le concours à l'Ecole Normale à Bourges et entre
dans l'enseignement. Son premier poste le conduisit à
l'école de la rue Nicolas Leblanc où il resta 23
ans. Puis Cochet enseigna à Massoeuvre avant de revenir
à Bourges prendre sa retraite.
Marié, il a deux enfants, lorsque le malheur marque profondément
son existence. Son fils meurt à 21 ans sur la Meuse en
1916, et il perd sa fille quelques années après
la guerre, c'est la maladie qui a frappé. Au lieu de se
replier sur lui-même, Cochet entre dans la vie associative,
il s'occupe de la protection de l'enfance, du comité départemental
d'hygiène, etc. En particulier, il est vice-président
de l'Alliance d'hygiène sociale et président de
l'oeuvre Grancher pour la protection de l'enfance.
C'est en fait le 7 septembre 1944 que se
déroule une manifestation qualifiée de "grandiose",
avec la présence de Marcel Plaisant, Président
du Comité de Libération, de Gustave Sarrien nouveau
Préfet du Cher, arrivé du Loiret, et de Charles
Cochet.
Le cortège se dirigea par la rue
Moyenne vers le Monument aux Morts, où une gerbe fut déposée,
alors que Plaisant prononçait un de ses premiers discours.
Puis, le cortège prit la direction de l'Hôtel de
Ville et Marcel Plaisant annonça de manière solennelle
l'installation du nouveau maire : Charles Cochet, lequel
s'avança et prononça ces quelques mots :
" Nous connaissons
toute l'importance de la fonction pour laquelle nous avons l'honneur
d'être désigné aujourd'hui.
Mais les difficultés qui nous attendent ne pourront qu'affermir
notre désir de bien faire.
Dans l'ordre et le travail, avec des collaborateurs choisis,
nous suivrons la bonne voie qu'exige la sage administration des
affaires municipales de notre belle cité.
Vive Bourges ! Vive la liberté ! Vive la République
! Vive la France !"
Ainsi se terminaient ces journées
de liesse, comme l'écrit le bulletin municipal officiel,
"Quatre années d'asservissement et d'humiliation
prenaient fin.... L'Allemand disparaissait de nos rues, de nos
places, de nos établissements publics...."
CHANGEMENT DE CAP AUX MUNICIPALES
DE 1947
Au mois de novembre 1946, la politique
bat son plein en France et à Bourges. Les élections
se succèdent. L'année avait commencé avec
la démission du général de Gaulle, quelques
jours avant la charte du tripartisme. Puis la Constitution, préparée
par le M.R.P., la S.F.I.O. et le P.C.F., fut repoussée
par les Français lors du référendum le 5
mai. De Gaulle gardera le silence quelques temps, le refus des
Français étant analysé comme une défiance
vis à vis du parti communiste. Le 2 juin suivant se déroulèrent
les élections à la seconde assemblée Constituante
puisqu'il fallait bien donner une Constitution à la France
! Lors de la campagne, de Gaulle est présent, son discours
de Bayeux prononcé le 16 juin restera célèbre.
Le Cher envoie à la Chambre deux communistes, Lozeray
et Cherrier, le socialiste Coffin, et le M.R.P. Boisdon. Le parti
communiste est alors le premier parti de France.
La Constitution de la IVe République
est acceptée par référendum le 13 octobre,
plus par lassitude que par conviction. De Gaulle est battu, il
trouvera la nouvelle Constitution "absurde et périmée",
il dira méchamment qu'elle a été acceptée
par 9 millions d'électeurs, refusée par 8 millions
et ignorée par 8 millions. Le mois suivant, le 10 novembre
1946 se déroulent les premières élections
législatives de la IVe République.
Au plan national, c'est un peu le "renforcement des communistes
et des chrétiens". Le P.C.F. reste le premier parti
de France, il envoie 165 députés à la chambre,
contre 161 pour le M.R.P., les socialistes n'ont que 90 représentants
et les gaullistes 82, le rassemblement des gauches obtient 46
sièges.
Dans le Cher, cette élection ne change rien à la
représentation précédente, les 4 sortants
de la Constituante retrouvent leurs sièges à la
nouvelle Assemblée. Le M.R.P. a perdu pourtant beaucoup
de voix, au profit des gaullistes.
De mai 1945 à octobre 1947, c'est
à dire pendant deux ans et demi, la Ville de Bourges sera
gérée dans l'esprit de la Résistance et
de la Libération. Toutes les sensibilités, des
communistes aux gaullistes en passant par les radicaux, les socialistes
et les chrétiens du M.R.P., étaient représentées
et travaillaient en bonne intelligence. Les accrochages étaient
peu nombreux, et la résolution des problèmes passait
avant les tactiques politiques.
Charles Cochet, par son prestige était un maire incontesté.
Lui, l'opposant à Laudier dans l'entre-deux-guerres, le
conseiller municipal révoqué par Pétain,
avait tenu les rênes de la mairie dans une situation difficile.
En homme sage, et compte tenu de son
âge, il ne sollicitera pas de nouveau mandat. C'est un
cas rarissime à Bourges, il se retire de la vie politique,
sa mission étant accomplie, il va "rentrer dans la
vie calme d'un administré qui comprend que pour lui l'heure
a sonné de passer la barre à d'autres mains".
Cochet rappelle qu'il a été dans l'enseignement
pendant 42 ans, et 18 ans comme conseiller municipal ou adjoint
au maire avant de devenir député, puis maire de
Bourges.
Certains de ses amis, à la S.F.I.O., n'étaient
peut -être pas fâchés de le voir partir, et
ils n'ont rien fait pour le retenir...
Il dira à ses collègues avant
de quitter ce fauteuil si convoité :
"Nous terminons
notre mandat, et cela m'a fait énormément plaisir,
dans un accord complet, dans une atmosphère d'amitié
sincère, et c'est pour moi une réelle satisfaction
que j'apprécie, ensemble, nous pouvons dire que nous avons
bien servi les intérêts de la Cité".
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